J'arrive au collège en volant sur mon nuage gris. Je suis entre le chiffon mouillé et la limace qui rampe sur les murs.
- T'es chafouinée, on dirait.
C'est pas tous les trois quatre matins qu'on trouve un Indien dans son jardin.
Pourtant, le nez collé à la fenêtre de ma chambre, j'aperçois un homme qui fait les cent pas au beau milieu de notre pelouse, avec des franges pendouillant sur ses épaules et des plumes multicolores sur la tête. J'ai beau me frotter et me re-frotter les yeux, aucun doute : sous la perruque d'oiseau, c'est le nez de papa, les yeux de papa, la bouche de papa. Donc, c'est papa.
[...] je pense au problème numéro 5 : maintenant, la vie risque de me sembler banale à souhait.
Et puis les yeux vert gazon de Youssef apparaissent dans ma tête et je pense que, non, la vie ne sera jamais banale à souhait parce qu'elle est tout simplement pleine d'Indiens dans mon jardin. Il suffit juste, comme dit papa, de savoir les regarder.
Maman regarde papa, qui a une larme sur la joue. Elle a oublié son soufflé dans le four. Pour ce qui est de ma petite personne, je me dis que finalement, quand on regarde quelqu'un, on n'en voit que la moitié. (C'est une phrase que j'ai entendue dans un film et qui traduit parfaitement ma pensée.)
A chaque fois que j'arrive devant la maison de retraite, je me dis qu'il ne fait pas bon être vieux ni fâché avec toute sa famille. Dans l'entrée, on est accueilli par la directrice et aussi par une fameuse petite dame toute rabougrie qui me prend pour une vieille cousine. "Ah, c'est gentil de venir me voir !"
Option numéro 2 : Papa est d'humeur trrrès joyeuse et il veut mettre "du piment dans notre vie banale à souhait" [...] Comme quand [...] il est parti trois jours en train sans savoir où il allait en décrétant que "quand on sait toujours où on va, on ne va jamais nulle part". (Phrase qu'il venait de dégoter dans un bouquin au grenier.)