Cette histoire d'initiation à la sagesse zen, façon haïkus, a ceci de particulier qu'elle est ici transposée dans le contexte du nord manitobain, là où on ne l'attendait pas.
Les grandes vérités énigmatiques se confrontent plutôt bien à cet environnement à la fois rude et majestueux; Et la sagesse de Ueno, personnage central, se fond de la manière la plus naturelle à ce climat animiste, où le son du shakuhachi résonne tel un chant chamanique.
Les personnages demeurent campés, presque figés, en fait, dans leurs attitudes et caractères respectifs, tout le long de ce petit livre comptant plus de chapitres (164) que de pages (127), où l'intrigue, mince à l'extrême, semble prétexte à une série de petits tableaux assez finement dessinés.
C'est un livre de climat, de texture, d'une certaine lumière, où différentes formes d'art sont appelées en renfort. J'ai eu presque l'impression, en le lisant, de parcourir une exposition dans une galerie d'art ou un musée. Peintures du nord manitobain, portraits photographiques (surtout celui de Ueno, puisque la narratrice, Angèle, reste assez schématique), sculptures "contemporaines", odeur de l'encre de chine, haïkus japonais.
Et entrecoupé de nombreux silences, la sonorité crayeuse du shakuhachi.
À noter: le travail d'édition remarquable. Ce petit livre soyeux, souple, au graphisme soigné, rend la lecture confortable, limite sensuelle. Chapeau aux éditions La Peuplade!
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Ce roman au titre d'une beauté remarquable nous séduit de plusieurs façons. Rencontre des arts, rencontre des cultures et rencontre des générations culminent en d'amour et d'amitié riche et touchante.
Je retiens également la pertinence du choix de la narration au ''je'', qui contribue à la qualité de court mais intense roman.
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M. Léveillé a du métier et ça se déguste tout plein dans ce joli bouquin.
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Je me rappelle aussi que j'avais voulu au cours de l'été donner quelque chose à Ueno pour lui témoigner mon affection et le remercier d'une foule de choses. J'ai fait un collage composé de fleurs sauvages, que j'avais cueillies et pressées entre les pages d'un livre, et d'un morceau d'écorce que j'avais ramassé au cours d'une de nos promenades et sur lequel j'ai écrit à l'encre de Chine avec un pinceau -je m'essayais, c'était rudimentaire, mais sincère et intense- les mots de ce chant qui remontait à mon enfance:
Les eaux sont calmes
le brouillard s'élève
parfois
j'apparais
Ueno s'était extasié avec une contenance parfaite. Et il a voulu en savoir davantage. Je lui ai dit que je croyais que c'était un chant chippewan que mon père récitait, je ne sais plus dans quelles circonstances.
La tristesse est la condition ineffable de l’univers. Pourtant nous sommes appelés à être heureux. Nous sommes des êtres de joie. C’est là que réside la contradiction des apparences.
J’ai compris depuis qu’il y a une perfection dans la relation des êtres qui s’aiment. Elle relève du temps et des circonstances, et leur bonheur n’est pas attaché à une permanence.
L’objet de l’art n’est pas de représenter la nature, ou même de la symboliser, mais de faire apparaître la forme en la tirant du vide.
La prédestination, c’est ce qui arrive à ce qui suit son cours.