AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Tristes Tropiques (205)

En plaçant hors du temps et de l'espace le modèle dont nous nous inspirons, nous courons certainement un risque, qui est de sous-évaluer la réalité du progrès. Notre position revient à dire que les hommes ont toujours et partout entrepris la même tâche en s'assignant le même objet, et qu'au cours de leur devenir les moyens seuls ont différé. J'avoue que cette attitude ne m'inquiète pas; elle semble la mieux conforme aux faits, tels que nous les révèlent l'histoire et l'ethnographie; et surtout elle me paraît plus féconde. Les zélateurs du progrès s'exposent à méconnaître, par le peu de cas qu'ils en font, les immenses richesses accumulées par l'humanité de part et d'autre de l'étroit sillon sur lequel ils gardent les yeux fixés; en sous-estimant l'importance d'efforts passés, ils déprécient tous ceux qu'il nous reste à accomplir. Si les hommes ne se sont jamais attaqués qu'à une besogne, qui est de faire une société vivable, les forces qui ont animé nos lointains ancêtres sont aussi présentes en nous. Rien n'est joué; nous pouvons tout reprendre. Ce qui fut fait et manqué peut être refait : « L'âge d'or qu'une aveugle superstition avait placé derrière [ou devant] nous, est en nous.
Commenter  J’apprécie          80
Tout en se voulant humain, l'ethnographe cherche à connaître et à juger l'homme d'un point de vue suffisamment élevé et éloigné pour l'abstraire des contingences particulières à telle société ou telle civilisation. Ses conditions de vie et de travail le retranchent physiquement de son groupe pendant de longues périodes; par la brutalité des changements auxquels il s'expose, il acquiert une sorte de déracinement chronique : plus jamais il ne se sentira chez lui nulle part, il restera psychologiquement mutilé. Comme les mathématiques ou la musique, l'ethnographie est une des rares vocations authentiques. On peut la découvrir en soi, même sans qu'on vous l'ait enseignée.
Commenter  J’apprécie          70
Ils étaient là, tout prêts à m'enseigner leurs coutumes et leurs croyances, et je ne savais pas leur langue. Aussi proches de moi qu'une image dans le miroir, je pouvais les toucher, non les comprendre. Je recevais du même coup ma récompense et mon châtiment. Car n'était-ce pas ma faute et celle de ma profession, de croire que des hommes ne sont pas toujours des hommes ? Que certains méritent davantage l'intérêt et l'attention parce que la couleur de leur peau et leurs mœurs nous étonnent ? Que je parvienne seulement à les deviner, et ils se dépouilleront de leur étrangeté : j'aurais aussi bien pu rester dans mon village. Ou que, comme ici, ils la conservent : et alors, elle ne me sert à rien, puisque je ne suis même pas capable de saisir ce qui la fait telle. Entre ces deux extrêmes, quels cas équivoques nous apportent les excuses dont nous vivons ?
Commenter  J’apprécie          70
On a besoin de peu pour exister : peu d'espace, peu de nourriture, peu de joie, peu d'ustensiles et d'outils; c'est la vie dans un mouchoir de poche. En revanche, il semble y avoir beaucoup d'âme. On le sent à l'animation de la rue, à l'intensité des regards, à la virulence de la moindre discussion; à la courtoisie des sourires qui marquent le passage de l'étranger, accompagnés souvent, en pays musulman, d'un "salaam" la main portée au front. Comment interpréter autrement l'aisance avec la quelle ces gens prennent place dans le cosmos ? Voilà bien la civilisation du tapis de prière qui représente le monde, ou du carré dessiné sur le sol qui définit un lieu de culte. Ils sont là, en pleine rue, chacun dans l'univers de son petit étalage et vaquant placidement à son industrie au milieu des mouches, des passants et du vacarme : barbiers, scribes, coiffeurs, artisans. Pour pouvoir résister, il faut un lien très fort, très personnel avec le surnaturel, et c'est là que réside peut-être un des secrets de l'Islam et des autres cultes de cette région du monde, que chacun se sente constamment en présence de son Dieu.
(Bengladesh)
Commenter  J’apprécie          70
Ceux-ci continueront-ils à croire qu'un style à toute épreuve peut remédier à l'absence de partition ?
Commenter  J’apprécie          70
L'enseignement et la recherche ne se confondent pas, de ce point de vue, avec l'apprentissage d'un métier. C'est leur grandeur et leur misère que d'être soit un refuge, soit une mission.
Commenter  J’apprécie          70
L'ordre et l'harmonie de l'Occident exigent l'élimination d'une masse prodigieuse de sous-produits maléfiques dont la terre est aujourd'hui infectée. Ce que d'abord vous nous montrez, voyages, c'est notre ordure lancée au visage de l'humanité.
Commenter  J’apprécie          71
D'emblée, on se trouve en déséquilibre vis-à-vis de suppliants qu'il faut repousser, non parce qu'on les méprise mais parce qu'ils vous avilissent de leur vénération, vous souhaitant plus majestueux, plus puissants encore, dans la conviction extravagante que chaque infime amélioration de leur sort ne peut provenir que de celle cent fois multipliée du vôtre.
Commenter  J’apprécie          60
Si les hommes ne se sont jamais attaqués qu'à une besogne, qui est de faire une société vivable, les forces qui ont animé nos lointains ancêtres sont aussi présentes en nous. Rien n'est joué ; nous pouvons tout reprendre. Ce qui fut fait et manqué peut être refait.
Commenter  J’apprécie          60
La vie quotidienne paraît être une répudiation permanente de la notion de relations humaines. On vous offre tout, on s'engage à tout, on proclame toutes les compétences alors qu'on ne sait rien. Ainsi, on vous oblige d'emblée à nier chez autrui la qualité humaine qui réside dans la bonne foi, le sens du contrat et la capacité à s'obliger. Des rickshaws boys proposent de vous conduire n'importe où, bien qu'ils soient plus ignorants de l'itinéraire que vous-même. Comment donc ne pas s'emporter et - quelque scrupule qu'on ait à monter dans leur pousse et à se faire traîner par eux - ne pas les traiter en bêtes, puisqu'ils vous contraignent à les considérer tels par cette déraison qui est la leur?
La mendicité générale trouble plus profondément encore. On n'ose plus croiser un regard franchement, par pure satisfaction de prendre contact avec un autre homme, car le moindre arrêt sera interprété comme une faiblesse, une prise donnée à l'imploration de quelqu'un.
Commenter  J’apprécie          60






    Lecteurs (3168) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Lévi-Strauss et son œuvre

    Lévi-Strauss est mort à l'âge de...

    90 ans
    95 ans
    100 ans
    105 ans

    10 questions
    12 lecteurs ont répondu
    Thème : Claude Lévi-StraussCréer un quiz sur ce livre

    {* *}