La caresse est un mode d'être du sujet, où le
sujet dans le contact d'un autre va au delà de ce
contact. Le contact en tant que sensation fait partie
du monde de la lumière. Mais ce qui est caressé
n'est pas touche a proprement parler. Ce n'est pas
le velouté ou la tiédeur de cette main donnée dans
le contact que cherche la caresse. Cette recherche
de la caresse en constitue l'essence par le fait que
la caresse ne sait pas ce qu'elle cherche. Ce « ne
pas savoir ››, ce désordonné fondamental en est
l'essentiel. Elle est comme un jeu avec quelque
chose qui se dérobe, et un jeu absolument sans
projet ni plan, non pas avec ce qui peut devenir
nôtre et nous, mais avec quelque chose d'autre,
toujours autre, toujours inaccessible, toujours à
venir. La caresse est l'attente de cet avenir pur,
sans contenu. Elle est faite de cet accroissement
de faim, de promesses toujours plus riches, ouvrant
des perspectives nouvelles sur l'insaisissable. Elle
s'alimente de faims innombrables. Cette intentiona-
lité de la volupté, intentionalité unique de l'avenir
lui-même, et non pas attente d'un fait futur, a
toujours été méconnue par l'analyse philosophique.
Freud lui-même ne dit pas de la libido beaucoup
plus que sa recherche du plaisir, prenant le plaisir
comme simple contenu, à partir duquel on commence
l'analyse, mais qu'on n'analyse pas lui-même. Freud
ne cherche pas la signification de ce plaisir dans
l'économie générale de l'être. Notre thèse qui con-
siste à affirmer la volupté comme l'événement
même de l'avenir, l'avenir pur de tout contenu, le
mystère même de l'avenir, cherche à rendre compte
de sa place exceptionnelle.
Peut-on caractériser ce rapport avec l'autre par
l'Eros comme un échec ? Encore une fois, oui, si
l'on adopte la terminologie des descriptions cou-
rantes, si on veut caractériser l'érotique par le
« saisir ››, le « posséder ››, ou le « connaître ››. Il
n'y a rien de tout cela ou échec de tout cela, dans
l'eros. Si on pouvait posséder, saisir et connaître
l'autre, il ne serait pas l'autre. Posséder, connaître,
saisir sont des synonymes du pouvoir.
D'ailleurs, le rapport avec l'autre est généralement
recherché comme une fusion. J'ai voulu précisément
contester que la relation avec l'autre soit fusion. La
relation avec autrui, c'est l'absence de l'autre; non
pas absence pure et simple, non pas absence de pur
néant, mais absence dans un horizon d'avenir,
Le pathétique de l’amour consiste dans une dualité insurmontable des êtres. C’est une relation avec
ce qui se dérobe à jamais. La relation ne neutralise pas ipso facto l’altérité, mais la conserve. Le pathétique de la volupté est dans le fait même d’être deux.
La caresse ne sait pas ce qu'elle cherche [...] Elle est comme un jeu avec quelque chose qui se dérobe [...] Non pas avec ce qui peut devenir nôtre et nous, mais avec quelque chose d'autre, toujours autre, toujours inaccessible, toujours à venir. La caresse est l'attente de cet avenir pur, sans contenu.
La solitude est une absence du temps.
On peut tout échanger entre êtres sauf l'exister.
Il y a dans la souffrance […] ce retournement de l’activité du sujet en passivité. Non point dans l’instant de souffrance où, acculé à l’être, je le saisis encore, où je suis encore sujet de la souffrance, mais dans le pleur et le sanglot, vers lesquels la souffrance s’invertit ; là où la souffrance atteint à sa pureté, où il n’y a plus rien entre nous et elle, la suprême responsabilité de cette assomption extrême tourne en suprême irresponsabilité, en enfance. C’est cela le sanglot et par là précisément il annonce la mort. Mourir, c’est revenir à cet état d’irresponsabilité, c’est être la secousse enfantine du sanglot.
L'état de guerre suspend la morale ; il dépouille les institutions et les obligations éternelles de leur éternité et, dès lors, annule, dans le provisoire, les inconditionnels impératifs. Il projette d'avance son ombre sur les actes des hommes. La guerre ne se range pas seulement - comme la plus grande - parmi les épreuves dont vit la morale. Elle la rend dérisoire.
La conscience est le pouvoir de dormir.
Si on pouvait posséder, saisir et connaître l'autre, il ne serait pas l'autre.
[...] la souffrance physique, à tous ses degrés, est une impossibilité de se détacher de l'instant de l'existence. Elle est l'irrémissibilité même de l'être.[...]Toute l'acuité de la souffrance est dans cette impossibilité de recul. Elle est le fait d'être acculé à la vie et à l'être. Dans ce sens, la souffrance est l'impossibilité du néant.