C'est toujours la même idée d'une jeunesse qui, qu'elle soit oubliée ou pas encore née, en amont ou en aval, incarne de toute façon les valeurs du Juste et du Vrai. Au point que je me demande s'il n'y aurait pas dans ce juvénisme, plus encore que dans "la volonté de pureté", l'essence ultime de ces phénomènes que le siècle a appelé "totalitaires". La barbarie à visage juvéniste? (p.325)
Méfions-nous des pensées faibles. Ce sont souvent - et paradoxalement - les plus chargées d'ambiguïtés. (p.58)
Force est de constater que là, à cette ultime minute, [Sartre] porte à son paroxysme cette étrange passion qu'aura été, chez les penseurs, la haine de la pensée. (p.355)
Un écrivain politisé c'est toujours un irrégulier qui éprouve soudai le besoin d'une cure de positivité. (p.142)
La France est un drôle de pays où l'égarement fait la légende, où la proximité du mal contribue à la mythologie et où le fait de trahir un peu vous donne une pointure et une stature supplémentaire. (p.52)
Les communistes sont des salauds, des criminels, parfois des monstres; ce sont des gens dont les forfaits sont d'autant plus inexcusables qu'ils se sont parés le plus souvent du nom si beau de liberté; mais si loin que je sois de ces gens, si étrangers que je me sente de leurs mensonges et leurs valeurs, il reste entre eux et moi un lien que si je n'étais pas écrivain, je qualifierais de lien de chair et que, comme je suis écrivain, je préfère appeler un lien de langue. (p.110)
On parle beaucoup de Berlin - et on a raison de le faire puisque c'est un peu le symbole de la mort de l'idée communiste. Mais on devrait aussi parler de Phnom Penh. Car, c'est là, dans ce laboratoire parfait, qu'est morte cette autre idée, presque plus meurtrière, qu'était l'idée de révolution. (p.384)
Qu'est-ce que le totalitarisme sinon le fantasme d'un monde qui serait enfin purifié de cette énigmatique éternité du Mal? (p.327)
Aragon devient communiste parce que c'est la meilleure façon qu'il ait trouvée de continuer, sans que ça se voie trop, ses bêtises surréalistes. (p245)
[...] la terreur surréaliste: le préjugé selon lequel il faudrait vivre conformément à ce que l'on pense, dit ou écrit. (p.87)