A dix ans, on trouve que vingt ans, c'est vieux. Quand on en a vingt, les gens de trente ans vous font l'effet de vieillards. Quand on atteint la quarantaine, on commence à se dire qu'on a la plus belle moitié de sa vie derrière soi. Par contre, à cinquante ans, on s'efforce de se persuader qu'on est encore jeune. Il eut un petit rire, lui lança un regard en coin et reprit : Mais la quarantaine, ce n'est pas le milieu de la vie, Ollie. Si c'était le cas, nous vivrions tous jusqu'à quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans. A cinquante ans, on n'est pas jeune. On est vieux. On a dépassé, et de beaucoup, la moitié de sa vie. Or, j'ai cinquante ans, Ollie. Il laissa retomber sa tête et se prit à rire, comme si cette pensée lui causait une vive et secrète satisfaction. Eh oui, messieurs, reprit-il gaiement, j'ai cinquante ans, et en ce moment - et pour la première fois de ma vie - je me sens vieux et las.
Quand ce grand petit homme se déplaçait, il le faisait avec une sorte de grâce brutale qui rappelait celle d'un sénateur romain dans un de ces films pseudos-historiques se passant au temps des Césars. Une grâce feinte, bien entendu, mais qui n'en jouaient pas moins le vrai. Arpentant la crête avec des airs de propriétaire, il demanda en faisant du bras un large geste en direction de la foret :
- Tout cela m'appartient, non ?