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Critique de Nastasia-B


Formose est un roman graphique en noir et blanc assez épais (250 pages) dont les dessins sont réalisés au crayon avec une assez grande liberté, tantôt dans des cases bien délimitées, tantôt dans un format qui rappelle un peu la case mais sans le cadre habituel et tantôt avec un abandon total de la délimitation.
Artistiquement, ceci permet d'offrir, par moments, des dessins en pleine page.
L'auteur, Li-Chin Lin, une jeune indigène émigrée depuis en France, nous ouvre les yeux, au travers de cette autobiographie, sur la situation politique et culturelle de son île natale, Taïwan.
On en apprend donc beaucoup (sauf si l'on avait au préalable de solides bases sur l'histoire de l'île) sur la façon dont l'île a été peuplée, colonisée par vagues successives : aux origines par des aborigènes (langue Holo), puis par des Mandchous (langue Hakka) au XVIIème siècle après une brève intrusion occidentale des Hollandais et des Espagnols, puis par des Japonais à la fin du XIXème, et enfin par des « républicains » Chinois au milieu du XXème suite à la prise du pouvoir en Chine par les communistes de Mao Zedong.
Li-Chin Lin, née en 1973, nous fait partager son chemin personnel de prise de conscience et d'édification, par poussées successives, décrivant tour à tour l'endoctrinement de la jeunesse, l'asphyxie programmée des cultures présentes dans l'île avant l'arrivée des chinois, le gant de fer des autorités dictatoriales, le formatage systématique, le sentiment d'infériorité des ruraux du sud face aux citadins du nord, le fractionnement culturel et idéologique des familles, le système scolaire stakhanoviste, le circuit occulte de l'argent et son lien avec la politique, et bien d'autres aspect encore.
L'ouvrage n'est pas exactement présenté de façon chronologique, bien que l'on s'en approche, mais plutôt par thèmes ou par événements. Cela produit une vision parfois un peu brouillonne, un peu fourre-tout, pas très organisée ni hiérarchisée, qui a tous les inconvénients de la spontanéité, mais aussi, pour notre plus grand plaisir, qui en a aussi tous les avantages.
On navigue entre une vision clairement engagée et une vision qui se voudrait plus objective, entre une vision personnelle et familiale et une vision historico-politique plus documentaire, ce qui m'a donné une sensation d'inachèvement où l'angle d'attaque n'a pas été clairement défini. Comme ces oeuvres de jeunesse où l'auteur veut tout dire, en une seule fois, en un seul ouvrage.
Cependant, puisqu'il s'agit d'un récit autobiographique, on peut comprendre le travail si spécifique de la mémoire, les souvenirs qui affluent par vagues et par anecdotes plutôt que selon un fil plus linéaire comme on en a l'habitude lors des évocations historiques ou politiques.
Enfin, Li-Chin Lin, qui vit désormais en France depuis une dizaine d'années, nous place un miroir devant les yeux et nous fait sentir le rôle et la position troubles des "démocraties", avec Paris qui ferme les yeux sur l'espionnage et l'intimidation chinois des indépendantistes taïwanais et les méthodes plus que musclées de la réputée très calme Suisse, qui n'est pas sans rappeler certains aspects de la dictature que les Taïwanais dénonçaient en 2009 à Genève.
Pour conclure, un roman graphique plaisant, riche et parlant, que je conseille volontiers, un peu dans l'esprit de Persepolis de Marjane Satrapi ou de Pyongyang de Guy Delisle, sans être toutefois aussi al dente à mon goût, mais ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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