Dès les premières lignes, j'y suis. Ces jambes qui s'avancent, surmontées d'un maillot de bain à ficelle, ces pas sur le sable chaud d'un été, cette méduse échouée dont l'exploration semble si tentante…il me semble retrouver, exhumées d'un recoin de ma mémoire comme de la poche d'un ancien vêtement favori, des sensations dont je n'aurais jamais soupçonné qu'elles fussent encore si vives. Et ça n'est qu'un début. Méticuleusement, avec une précision de scientifique ou de poète visionnaire,
Hugo Lindenberg, armé d'un seau et d'une pelle en plastique, poursuit ses fouilles sous le sable émouvant de sa mémoire, bousculant au passage notre sablier personnel.
C'est l'histoire d'un été en Normandie, de ceux qui marquent un garçon plus si petit que ça,10 ans tout de même ! Et ce qui marque, à cet âge-là, ce qui compte vraiment, c'est cette somme de petits détails qui font une vie, allez comprendre pourquoi. C'est l'histoire d'une rencontre qui donne envie de raconter, qui libère la parole par petits souffles entrecoupés, un peu comme une soupape de cocotte-minute ses effluves de soupe. On y parlera donc, pêle-mêle, de méduses et de mouches, de grandes personnes aux formats divers et variés (grand-mère mutique et adorée, tante folle et monstrueuse, parents de rêve ou de cauchemars…), de foie haché et de playmobils, avec le sérieux qui sied aux affaires vraiment importantes, entre deux comptes rendus de conversation ou d'activité avec Baptiste, garçon d'autant plus fascinant que représentant d'une espèce rare et enviée, « l'enfant de famille normale », d'une famille « comme les autres ». On y découvrira en creux, dans les interstices laissés entre les souvenirs d'été, les souvenirs d'enfance comme chacun en possède, ceux qui font sourire avec tendresse et nostalgie, les petits grains de sable infiltrés çà et là, enkystés, douloureux, qui font grincer des dents quand on voudrait sourire.
De la délicate élégance de sa langue et de son style au dosage finement équilibré de l'humour et du désespoir, de ce qui se dit et de ce qu'on devine, j'ai tout aimé de ce roman aux saveurs douces-amères d'enfance et de douleur, d'amour et de honte, à l'image de ces plages normandes où le soleil ne va pas sans vent et la chaleur sans un arrière-goût d'hiver, à l'image de l'angoissant constat de cet enfant d'à peine 10 ans, pas si grand que ça tout de même !, «
un jour ce sera vide ». Aujourd'hui, en tout cas, je suis pleine d'admiration pour cet auteur au premier roman déjà si talentueux !
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