Ce que savent les morts est un polar atypique, mâtiné de thriller psychologique. Car enquête policière il y a, même si l'on entre ici dans le contexte du cold case : une affaire irrésolue traînant depuis trente ans, soudainement rouverte suite à la prétendue réapparition de l'une des victimes.
« Prétendue », car le moins qu'on puisse dire, c'est que la mystérieuse inconnue ne se montre loquace que de façon prudemment sélective. Plus que ce qu'il s'est réellement passé en 1975, tout le travail de Kevin Infante, inspecteur sur le terrain, Lenhardt, son supérieur, et Nancy Porter, enquêtrice spécialisée dans les recherches internet, consistera à découvrir son identité : déterminer si elle est bien qui elle dit, ou, dans le cas contraire, trouver son véritable nom. Ainsi que la façon dont est morte l'autre fille, bien entendu. Voire les deux, dans le cas où ils seraient face à une affabulatrice bien informée.
Le récit alterne entre présent et passé, l'enquête étant entrecoupée par des bribes « d'après le drame », étalées sur les trente ans écoulés depuis le jour fatidique, couvrant toutes les étapes du deuil des parents ainsi que des bouts de vie de « l'inconnue ». Une chose est sûre, elle en sait beaucoup, mais presque jusqu'au bout, rien ne permet d'affirmer avec certitude s'il s'agit d'Heather ou non, chaque chapitre se plaçant du point de vue d'un narrateur différent. Néanmoins, il est facile de se douter, dès le départ, du fin mot de l'histoire. L'intérêt se situe plus dans le traitement de celle-ci, la narration alternée parvenant à maintenir un certain suspense alors qu'il ne se passe, finalement, pas grand-chose. Chapitre par chapitre, on découvre que cette famille en apparence idéale cachait, comme toutes les familles, de petits secrets, finalement tristement ordinaires. le parcours de l'inconnue s'avère en revanche nettement plus sombre, notamment à cause de sa personnalité quelque peu perturbée. Celle-là même qui nous garde dans un certain flou.
Il faut donc aimer les lectures au rythme lent, plus psychologiques que basées sur l'action, mais, dans son genre,
Ce que savent les morts se révèle redoutablement efficace. du moins, jusqu'à un certain point. Après avoir tourné autour du pot avec maestria pendant plus de quatre-cent pages, on a l'impression que
Laura Lippman a perdu le fil de son histoire sitôt le mystère levé et la conclusion manque un peu de consistance : tout ça semble aussi rapide que facile, et l'on ne comprend finalement jamais pourquoi l'inconnue fait tout un plat de son identité actuelle. Néanmoins, cette conclusion en demi-teinte par rapport au reste ne gâche en rien une intrigue globalement très bien foutue.