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Comme beaucoup d'entre nous, nos nombreux partages sont l'occasion de dénicher de nouvelles envies de lecture, peut-être même de futurs coups de coeur, mais ils sont également source de frustrations, car on sait pertinemment que l'on ne viendra jamais à bout de nos bibliothèques surchargées dont les coutures sont continuellement prêtes à lâcher.

« le dernier rêve de la raison » faisait parti de ma bibliothèque sans que j'ai l'intention de le lire tout de suite, mon désir de le lire étant passé, remplacé par d'autres livres.
C'était avant que je sois invitée à participer à un jeu initié par Indimoon, consistant à créer une sorte de collier littéraire où le lecteur précédent choisirait un livre pour le babel-ami suivant. La perle qui m'a été choisie est ce roman du russe Dmitri Lipskerov, lauréat du Prix des Imaginales en 2019.
Je trouve l'idée de chaîne littéraire enthousiasmante, car elle permet de découvrir des livres auxquels on n'aurait pas forcément prêté attention ou eu envie de lire.

*
" C'est un rêve, répondit l'homme-arbre.
Un rêve de la raison.
Le cerveau s'endort et il fait un dernier rêve... "

"Le dernier rêve de la raison" est un roman onirique, métaphorique, qui donne un curieux sentiment d'irréalité. Il m'a rappelé la magnifique bande originale du film Arizona Dream, "In The Death Car" de Iggy Pop. Voyez-vous ce mystérieux poisson nageant dans un ciel qui rosit ? Imaginez maintenant un silure nageant, non pas dans le ciel arizonien, mais dans l'hiver russe.

L'auteur construit un univers très original, estompant les limites entre réalité et imaginaire, rationalité et fantaisie, rêverie et surréalisme. Ce roman est donc très particulier, étrange, entre fantastique et conte philosophique, mais il se dégage du texte une indéniable poésie qui m'a complètement envoûtée.

*
Ilyassov le Tatare est un vieux homme solitaire et taciturne qui vend du poisson dans un magasin. Peu apprécié de ses collègues de travail, sans famille, il se prend d'affection pour un silure découvert, un jour, parmi un arrivage de carpes. Il l'installe dans un aquarium sous son comptoir, en prend soin, le nourrissant, le caressant, jusqu'au jour où il le retrouve agonisant.
C'en est trop pour le vieil homme déjà traumatisé par un passé douloureux. Il décide alors de se suicider, en se noyant dans une carrière près de chez lui. Mais, en s'enfonçant lentement dans l'eau gelée, Ilya se transforme en silure.

« Il se sentait parfaitement bien. Son corps se détendit, il s'abîmait dans la contemplation du monde qui vibrionnait autour de lui, il vibrionnait lui-même, éprouvant de tous ses organes, de toutes ses cellules, un bonheur sans précédent, et pour toutes ces raisons, pour cet élan d'enthousiasme inouï, il fit résolument un dernier pas vers les profondeurs insondables, plongea et se transforma en poisson… »

Ce n'est bien sûr que le tout début de l'histoire, car il va arriver de nombreuses infortunes au vieil homme qui garde toute sa conscience humaine.

En parallèle, l'inspecteur Sinitchkine se voit confier l'enquête sur la disparition du vieux Tatare que policiers et voisins supposent mort, malgré l'absence de cadavre. Comme vous l'avez sans doute déjà deviné, le récit est peu conventionnel, déroutant même, car le capitaine de police va lui aussi subir d'étranges métamorphoses .

« Et Sinitchkine préféra s'endormir. Ainsi font les enfants quand se produit quelque chose de terrible et d'incompréhensible. Ils se cachent dans le rêve… »

L'auteur nous entraine dans un récit abracadabrant où les situations les plus cocasses se mélangent à des scènes d'une grande poésie ou d'une extrême violence.
Ce mélange entre réalité et fantastique, plein d'humour, de dérision, de poésie et de barbarie n'est pas gratuit. Car l'auteur prend le contre-pied de la fantaisie, de l'imaginaire pour dénoncer le régime politique russe et les dures réalités de la vie dans son pays : disparités sociales et de niveau de vie, pauvreté, pénuries de produits alimentaires, alcoolisme, violences conjugales, mortalité infantile, dépressions, suicides, disparitions, ...

« Tout aurait été si bien, si tout n'avait pas été aussi mauvais. »

*
Avec en toile de fond la société russe et ses dérives, Dmitri Lipskerov aborde également de nombreux autres thèmes : les souvenirs et le temps qui passe, la solitude et l'indifférence, les désirs et les désillusions, les discriminations et l'intolérance, l'amour et le deuil, les croyances et l'au-delà.

« S'il n'y avait pas la mort, on pourrait souffrir indéfiniment… »

Mais, s'il y a beaucoup de noirceur dans ce récit, il laisse aussi entrevoir des petits éclats de lumière dans cet hiver maculé de glace. Peut-être est-ce un rêve, ou un cauchemar qui prend la forme de la belle Aïza dont le destin, bien cruel, semble vouloir s'acharner ?

*
J'ai trouvé l'écriture de Dmitri Lipskerov particulièrement belle, poétique, avec une vraie volonté de se démarquer.
Délicate et subtile, elle emporte le lecteur dans un monde surnaturel très immersif. La légèreté et la tendresse dissimulent cependant des sentiments plus sombres. Tout le talent de l'auteur lui permet de colorer habilement son texte de nombreuses nuances, entrelaçant la tristesse, la mélancolie, la douleur ou la cruauté.
La structure du récit s'équilibre ainsi merveilleusement, le ton de l'auteur toujours juste, à la fois acéré et doux, caustique et mélancolique, absurde et touchant.

J'ai une attirance pour les romans teintés de réalisme magique. "Le dernier rêve de la raison" ne fait pas exception. Unique et déroutant, d'une beauté singulière, d'une noirceur abyssale, il a été une magnifique découverte en ce qui me concerne.

*
Pour conclure, Dmitri Lipskerov signe un roman original, très agréable à lire.
Le ton souvent décalé, empli d'un humour cynique et noir s'amuse de scènes surréalistes où l'homme se métamorphose, et pas seulement en poisson. Mais l'absurdité tragique des situations, la beauté du texte, sa poésie et sa douceur, prennent aussi un sens plus profond par ses différents niveaux de compréhension.

Ce beau roman atypique ne plaira sans aucun doute pas à tous les lecteurs, mais il ne vous laissera en aucun cas indifférent.
Si vous avez envie d'un roman surprenant, intelligent, subtil, n'hésitez pas, ce roman sera peut-être une très belle surprise.

"On croit que je compte les poissons. Non. Je scrute leur âme, je lis leurs rêves, et ils envahissent les miens. Les gens pensent que c'est con un poisson. C'est faux. Ils savent se taire. C'est les gens qui sont cons. le poisson qui sait tout n'a pas besoin de penser."
Arizona dream

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Merci Bernard pour ce choix judicieux. C'est pour moi un beau coup de coeur. Je vais maintenant passer la main à un autre lecteur en espérant avoir la main aussi heureuse.
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C'est avec plaisir que j'ai lu ce livre reçu dans le cadre de l'opération masses critique. C'est aussi la critique la moins aisée que j'ai eu à écrire. le dernier rêve de la raison de Dmitri Lipskerov est indescriptible. Une sorte d'OVNI même dans le style du réalisme magique. Un homme se transforme en poisson, son ancienne petite amie morte il y a longtemps ce réincarne elle aussi en poisson et la n'est que le début. Pour autant derrière toutes les loufoqueries, il y a une histoire.
Le dernier rêve de la raison est aussi un fabuleux roman russe, on y retrouve les alcooliques, les dépressifs, les tueurs de chiens. C'est parfois violent mais toujours attachant. Un roman vivant et moderne à lire absolument si vous êtes prêt pour une grande aventure. Laissez vous porter par l'imagination de Dmitri Lipskerov.
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Dès les premières pages j'ai pensé à Gogol et à son univers, et la première chose que je me suis dite, c'est que c'était un roman, et que je ne voyais pas l'auteur tenir dans la durée sur cette veine-là. Et bien si ! Les situations abracadabrantes ou rocambolesques s'enchaînent, alternant des moments oniriques, quasi poétiques et des passages macabres, sordides, mais très cocasses. L'auteur est un conteur né, et il a une imagination débordante. Il y a un petit quelque chose aussi de Salman Rushdie. Dans les passages les plus sordides, c'est une vision de la société russe dans ce qu'elle a de plus navrant : une triste banlieue avec une décharge et un trou servant de réserve de pêche, des alcooliques, des tueurs de chiens et de pigeons, des dépressifs. A côté de cela des passages débordent d'une grande tendresse. L'histoire se déroule, crédible malgré tout, toujours dans ce même univers burlesque. C'est complètement déjanté, d'un bout à l'autre. Et en même temps, cela débouche contre toute attente sur une certaine philosophie, une forme de métaphysique. Cet auteur est pour moi une grande découverte.
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Étant dans le métier depuis peu, je peux dire avec joie que chaque jour est une chance (#FDJ). 1 an et demi d'apprentissage à tout casser et me voilà depuis un certain temps déjà en contact avec des éditeurs indépendants.
Oui car qu'on se le dise ce métier là est magnifique, pas simplement car nous entretenons une liaison quotidienne avec notre passion, mais surtout car il nous permet de découvrir de vastes champs éditoriaux inconnus jusque là.
Cette profusion de possibilités m'apparaît comme étant la force majeure de ce métier, mettre en avant ce que les autres laissent passer, noyés que nous sommes sous le flot perpétuel de la production littéraire. Alors à quel saint se vouer me direz-vous? Je considère comme nécessaire de toujours rester curieux afin de découvrir toujours plus de maisons d'éditions qui méritent une reconnaissance plus grande, vu que les grandes ont déjà tout, si à mon modeste niveau je peux aider à leurs promotions, alors bingo.

Et justement Agullo fait partie de ces éditeurs là. J'adhère à la ligne éditoriale, à cette prise de risque de publier des textes différents, qui aiguise la curiosité avec style, finesse et humour. Autant d'ingrédients qui donnent simplement envie de se plonger dans ces ouvrages à la charte graphique de très grande qualité. L'installation de la peur de Rui Zink fut une grosse claque, le magnifique et dystopique Espace lointain en 2017, et voici donc le dernier Rêve de la raison. Dmitri Lipskerov? Never heard about him. Peu importe ! Je m'y suis plongé sans hésiter, comme une course de dératé dans la mer le premier jour des vacances.

Et bien je dois dire que ce fut un grand moment de lecture. C'est typiquement le genre de roman qui me passionne. Inventif, briseur de codes, onirique, qui tient presque du conte. C'est malin, philosophique aussi, profondément encré dans le réel des petites gens. du réalisme-magique pur jus, un voyage entre réalité qui tient du thriller et un imaginaire quasi fantastique. Très vite un enthousiasme assez jouissif s'empare de nous une fois que l'on a compris que l'auteur peut nous emmener n'importe où. Il suffit alors de mettre son mental de côté, et de se dire : "Ok ! Je te suis, mon vieux !". Pas besoin de faire de résumé, de toute façon vous ne me croiriez pas si je vous le disais !

"Ah, mais il est inutile de chercher la gloire à mon sujet, dit le petit Sémion. La gloire c'est un éclat de samovar sous les rayons du crépuscule. C'est infécond et cela détruit l'organisme de fond en comble. La modestie, voilà ce qui fonde une âme, tout en polissant les facettes"
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Un vieux Tatare, Ilya Ilyassov, vendeur de poisson dans un magasin d'alimentation se transforme un jour en silure.

Un capitaine de police, Volodia Sinitchkine, est affublé de deux grosses cuisses qui se frottent et s'échauffent, puis de manière incompréhensible se mettent à enfler jusqu'à atteindre des circonférences inédites.

Tous deux habitent ou travaillent dans une zone d'habitation pauvre dans laquelle un grand trou rempli d'eau sert de zone de pêche à deux amis, Mitrokhine dont la fille adolescente est très délurée et un peu droguée et Mykine, qui aiment boire, pêcher et se taper dessus. Au dessus de ce lac, des nuées de corbeaux attaquent tout ce qui ressemble à de la viande, animaux et hommes et fientent sur leurs agresseurs en guise de représailles.

Voilà un résumé qui peut paraître foutraque, barré et encore, je reste volontairement sobre. Sobre, je ne sais pas si Dmitri Lipskerov l'est mais quelle imagination, quel délire. Lorsque l'on croit qu'il a atteint des sommets dans l'art de raconter des folies pures, il en rajoute encore une couche. Ce roman est surréaliste, surnaturel, onirique, grotesque, magique, je n'en ai pas vu passer les presque cinq cents pages !

C'est une pure folie qui se déguste et se dévore. J'ai pu y trouver un discours sur la tolérance, la différence, sur la mort, l'amour, la croyance en un au-delà ou pas et une certaine philosophie zen enseignée par un homme-arbre... Ce roman se lit a plusieurs niveaux, soit comme une simple farce -on passerait quand même à côté d'une grande partie-, soit comme un roman à messages -et on perd également l'autre grande partie- soit comme je l'ai fait, comme un mélange habile des deux.

Dmitri Lipskerov, je le disais plus haut, est habile, il construit son roman avec différents narrateurs qui s'expriment par chapitres, un coup le capitaine de police, un coup le poissonnier devenu poisson, puis d'autres intervenants au fur et à mesure que l'histoire avance. Evidemment, tout se recoupe, et même si les liens sont faciles à faire, à chaque fois, le romancier surprend ses lecteurs par des inventions, des folies inimaginables pour tout esprit sain, pas celui de l'auteur...

C'est un roman fou comme rarement j'en ai lu, d'une folie douce et parfois plus violente qui exacerbe les passions humaines, les pulsions mais aussi les bons sentiments. J'ai peur que mon article soit pâlot, je l'écris juste après ma lecture, et qu'il ne transmette que peu la joie et l'enthousiasme avec lequel j'ai dévoré ce livre. Laissez vous tenter par ce coup de coeur, laissez-vous embarquer dans ces histoires fantasques, magiques, cocasses, tragiques, comiques, grotesques, totalement barrées -j'accumule les adjectifs, parce qu'un seul est trop réducteur et j'ai même l'impression que ma liste est trop légère, en-dessous de la réalité, c'est dire le pied que j'ai pris et que vous allez prendre...

Diable, c'est une tuerie ce bouquin !
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Un roman dans la veine du réalisme merveilleux dans lequel l'humour, la drôlerie de certaines situations et la galerie de personnages loufoques, ne suffit pas à masquer la noirceur du propos. le romancier y met en évidence une société en proie à bien des difficultés, où bien et mal ne se distinguent plus toujours. Une folle sarabande pleine d'imagination qui se transforme bientôt en danse macabre.
Lien : https://appuyezsurlatouchele..
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Une oeuvre qui surfe entre le conte fantasmagorique et le roman contemporain philosophique dressant le portrait d'une société russe abîmée tout en apportant une réflexion profonde sur le sens de la vie et de l'amour...

Avant propos

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le dernier rêve de la raison est un roman original qui ne peut être classé dans une seule case. Si certaines choses peut rendre perplexe, l'auteur usant du burlesque et d'idées farfelues, pour le reste, le roman est porté par une écriture à la fois vive et posée, poétique et concise, on est vite porté par un melting pot de réflexions très actuelles sur la société russe, d'émotions à travers ses riches personnages ou d'imaginaire alambiqué qui se révèlent, au final, un ensemble de qualité.

Personnages farfelus et points de vue

Ilyassov, vieux poissonnier Tatare et amoureux des silures, un solitaire qui ne parle à personne et qui a perdu son seul et unique amour : Aïza qui s'est noyée sous ses yeux, et puis un jour il disparaît ne laissant dans son sillage qu'un silure massif et effrayant... Sinitchkine est capitaine dans la police, chargé d'enquêter sur un meurtre potentiel après la découverte d'un doigt, près de la décharge populaire et d'un étang douteux, il a les cuisses douloureuses par le frottement et puis un jour elles enflent, et donnent naissance à un très joli poisson exotique...
Évidemment le destin de l'un va s'entrecroiser avec l'autre et donné lieu à des situations rocambolesques, improbables tout en s'ancrant dans une réalité contemporaine.
Sans oublié des personnages secondaires qui viennent certainement sublimer les notions, idées, réflexions que l'auteur souhaite transmettre ou engendrer chez son lectorat à l'image de Mitrokhine et Mykine, deux amis d'armes, alcooliques notaires, pêcheurs intrépides et bagarreurs sans complexes.

L'auteur a joué sur deux axes de lecture de son oeuvre, il y a donc beaucoup à en dire, difficile d'être concis quand d'un côté on vous propose une lecture contemporaine, peinture d'une russe appauvrie et aux valeurs perdues, où les idées philosophiques affluent sans forcément être soporifiques, au contraire c'est intéressant, intelligent et attachant quelque part.
De l'autre, un conte fantastico-fantasque où les idées folles s'accumulent, toujours plus imaginatif, toujours plus surprenant et atypique, l'ouvrage ne plaira pas forcément à tous par cet aspect, personnellement, j'affectionne les univers décalés, déjantés et originaux, cette lecture n'est pas comme les autres et c'est tant mieux !

Peinture d'une russe abîmée

Ainsi, la société populaire russe est décrite dans son jus, avec tous les problèmes récurrents à ce peuple ; l'alcoolisme des hommes mais aussi des femmes qui se perdent dans ces tord boyaux souvent très bon marché et aux qualités douteuses, la drogue qui sévit au sein de la jeunesse, à l'image de la fille de Mitrokhine, qui se retrouve dans des situations dépravées sans en avoir réellement conscience, les soucis financiers et la pauvreté où ceux qui peinent à boucler leur fin de mois se retrouvent parqués dans des quartiers populaires et sales, proche d'une décharge abandonnée et d'un trou d'eau servant de zone de pêche.

La violence récurrente aussi, les bagarres nés d'un excès d'alcool ou d'une pulsion incontrôlée, les actes physiques à la limite de la torture et d'une jouissance pour celui qui les commet, à l'image de Petrov avec les pigeons, ou encore les agressions verbales. La femme échappent rarement à ces derniers, la russe n'a pas forcément une position enviable, toujours soumise à l'homme, et ce malgré sa position sociale... Tout un peuple donc qui dérive peu à peu dans une dépression chronique.

Les valeurs ancestrales aussi perdues ou empoisonnées au profit d'une réalité contemporaine peu élogieuse, à l'image du guerrier ou de l'homme - arbre, la sagesse n'est plus et la guerre réduite à un échange de feu dont on ne sait même plus s'il attend une cible ou non.

Le sexe semble également être un élément important, on note souvent son caractère graveleux et trivial, pas de grande place au romantisme ou à la sensualité, les scènes sont crues, rapides, expéditives, entre le vulgaire et le devoir conjugal. La chose masculine souvent un bout de chair, une rigidité dressée et soumise à des assimilations peu flatteuses et l'on oublie évidemment, le plaisir féminin qui n'est pourtant pas en reste si les hommes savaient l'entrapercevoir.

Des notions plus profondes encore

D'autres idées ne sont pas en reste, l'environnement, aquatique le plus souvent mais aussi terrestre, la décharge, les rues chargés sont tout autant de clins d'oeil à une problématique actuelle et réelle. L'auteur part aussi dans des idées philosophiques sur la valeur de la vie ou la notion d'amour qu'il soit marital ou filial, les couples sont nombreux, les enfants aussi avec toujours ces difficultés et ses bonheurs... de même, la mort et ce qui s'en suit est vivement évoqué, sans forcément apporté de solution, il pose la question, soumet ses personnages à cette réflexion et par là même son lectorat aussi.

Une dimension fantastique et fantasque

Je pense que l'auteur a voulu illuminer cette peinture un peu désastreuse par son côté comique et fantasmagorique, une façon de nous dire qu'il y a toujours du beau et de l'espoir dans le pire, en instillant une espèce de merveilleux même si fondamentalement cela reste tragique pour beaucoup des personnages. Jouer sur des situation cocasses, surréalistes et complètement barrées étaient certainement une façon d'apaiser et de contrebalancer le poids de cette dérive du peuple populaire russe et curieusement cela marche plutôt pas mal.

Accrochez - vous tout de même car l'imagination de l'auteur déborde, déborde, déborde ! Difficile d'atteindre ces limites tant cela part dans des dimensions imaginaires assez grotesques et souvent délirantes. Imaginez donc un homme qui se métamorphose en silure et autres animaux, qui retrouve sa bien aimée, noyée des années plus tôt, de manière très éphémère plusieurs fois (sort cruel !), des cuisses qui gonflent atteignant des dimensions incroyables pour donner naissances à, et bien à des choses assez bizarres, des bébés qui sortent de l'eau glacée, des corbeaux affamés, carnivores et vengeurs, etc...

Tout cela est dépeint de manière très poétique par l'auteur et son écriture, cela apporte une touche d'onirisme à l'ensemble, c'est finalement tellement bien raconté et écrit que l'on adhère à cet ouvrage farfelu mais riche, OVNI littéraire assumé pleinement et jusqu'au bout !

En résumé

En bref, un roman original et délirant, fantasque et fantastique, aux idées riches et contemporaines, aux valeurs et idées intéressantes, une oeuvre complète et complexe qui se lit à deux niveaux tout en les liant intimement. C'est profond et intelligent, du grand art en somme !

Je remercie Babelio ainsi que les éditions Agullo pour cet envoi pour le moins original !
Lien : https://songesdunewalkyrie.w..
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Les Éditions Agullo ont eu l'excellente idée de rééditer « le dernier rêve de la raison » de Dmitri Lipskerov, dans la traduction de Raphaëlle Pache. Une traduction que je me permet de qualifier « d'invisible » tant elle est fluide et sonne comme une version originale.

Récit atypique, le roman mêle le surnaturel au poétique, le conte philosophique et une peinture, peu reluisante, de la Russie d'aujourd'hui.

Jouant de plusieurs registres, tous maîtrisés, l'auteur nous embarque dans une fable fantastique, aux trouvailles fulgurantes, où son imagination semble ne connaître aucune limite. le lecteur évolue au milieu de personnages tragiques et burlesques. L'intrigue ne se joue pas sur une ligne continue mais évolue plutôt en cercles concentriques, différents personnages vivant des événements parallèles et simultanés.

Fantastique et réel se mêlent dans un récit onirique, où la logique est souvent malmenée. D'une imagination débordante, l'auteur nous offre des images composites, baroques, pour finalement aboutir à une histoire universelle entre toute : l'amour et la mort, Eros et Thanatos.

Un livre que j'ai lu avec joie et gourmandise.

Décidément, les Éditions Agullo !!!
Lien : https://bonnesfeuillesetmauv..
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Je tiens à remercier les éditions Agullo qui m'ont permis de gagner et lire ce roman dans le cadre d'une opération "Masse critique".

Je n'ai malheureusement pas encore eu le temps d'en terminer la lecture, bien que j'apprécie beaucoup ce roman qui en utilisant les codes de la fable, du fantastique mélangé à des éléments liés à la société russe nous donne à voir cette dernière et surtout dépeint la nature humaine de manière remarquable.

Le personnage d'Ilya est touchant pour le moment, son destin est plutôt tragique. Les dialogues nombreux sont extrêmement vivants, nous font passer par divers registres, ce qui est très plaisant.

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Une lecture fantastique qui nous emporte dans un endroit où tout est possible, entre rêve et réalité, après l'amour et la mort, Ilya va se retrouver dans divers corps et retrouver l'amour de sa vie.
Elle va lui donner beaucoup de bonheur mais à chaque fois tout s'envole en fumée.
Entre eux c'est une histoire difficile et très cruelle. le policier qui doit se charger de l'affaire de disparition de notre Tatare va aussi avoir des gros soucis de santé et quand ses jambes énormes font de lui un être hors norme mais qui garde toujours espoir à terminer sa mission.
Des moments de lecture très agréable et une découverte pour moi.
Au fond d'un lac Ilya prend forme d'un silure, ensuite il s'envole très haut dans le ciel avec les ailes d'un oiseau puis il termine en insecte répugnant qui se cache afin de ne pas de faire broyer par la semelle d'un humain.
Dans cette histoire les personnages sont très attachants avec des particularités et des moeurs très bizarres.
C'est une fable qui nous raconte la vie et nous transporte dans un pays où les gens survivent malgré une vie très ordinaire, l'auteur va les faire devenir extraordinaires. Un roman qui veut dire beaucoup sur la vie, la mort et la naissance du bien et du mal, un livre fabuleux qui ne ressemble à aucuns que j'ai lu auparavant.
Si vous voulez vous évader lisez ce livre magique qui emporte notre esprit dans des endroits inattendus, des personnages complétement barrés et un final très réussi.
L'amour, la mort se mélange sous la plume de Dmitri Lipskerov, il nous invite à découvrir son subconscient et les rêves qui sortent du plus profond de son esprit
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