Le Livre de Neige

La tristesse, c'est comme la météo de Nathalie Rihouet. Il ne faut pas s'en faire. Le soleil finit toujours par revenir surl'ensemble du territoire, des côtes de l'Atlantique jusqu'aux Ardennes.

Je crois que c'est exactement la définition de la tristesse. Être triste, c'est avoir épuisé toutes les façons possibles de parler à ceux qu'on aime.

Ma mère me parle de l’éveil du féminin. Elle dit cela : l’éveil du féminin, c’est simplement changer nos émotions en amour. On pense que l’éveil du féminin, c’est la femme. Or l’éveil du féminin correspond à la relation directe que chaque être a avec son cœur. L’éveil du féminin, autant chez l’homme que chez la femme, c’est l’amour.
Se réaliser avec amour.
L’amour n’est pas uniquement la sexualité mais la disposition à aimer.
Ce pouvoir est en chacun de nous. 

«  Special K… Parce que je suis spéciale ! »
Moi, je ne la trouve pas spéciale, je la trouve géniale. Même que madame Poisson, la maîtresse, m’a demandé :
— Que fait ta mère dans la vie ?
— Elle est multigéniale.
Madame Poisson a souri, va savoir pourquoi. 

De l’autre côté de la porte, je sens que son corps est traversé de sanglots. Les murs vibrent. Moi, quand j’entends ma mère pleurer, ça me fait mal en même temps. Comme si toute sa douleur était la mienne, à cause de cette histoire de cordon et de nombril qu’on ne m’a jamais expliquée à l’école. 

La ZEP… La ZEP, c’est la cité où je travaille. Ça veut dire : « Zèbres Époustouflants et Prodigieux » ! Elle adore ses élèves. Quand elle arrive, la première chose qu’elle fait est de dire à Benjamin d’arrêter de mettre ses doigts dans les prises électriques. Ensuite, elle console Clara qui ne fait que pleurer. Après les avoir fait méditer durant dix minutes
– certains s’endorment pendant ce temps-là, car ils ne dorment pas chez eux –, elle commence son cours de maths. Elle dit que pour enseigner, il faut avoir l’amour des enfants. Puis, quand tout le monde est calmé et heureux, elle commence à expliquer la géométrie à ses élèves. À la fin de l’année, elle reçoit des dizaines de lettres d’amour de leur part. Elle dit avec émotion : « Mes monstres ! Ils ont bien travaillé, mes monstres, aujourd’hui !  

Sur la margelle de la fenêtre, une petite mésange bleue vient picorer la margarine. Le regard de Neige s’illumine. Quand elle est heureuse, des milliers de papillons dansent dans ses yeux comme s’ils tournoyaient en s’approchant du soleil.

La forêt est sa psy, sa fée, sa chamane, sa poétesse, son temps du Rêve. Elle invente et pratique intuitivement sa sylvothérapie. C’est aussi dans ce contexte d’énergie et de sérénité grandissantes que lui vient le désir d’avoir un enfant. »

Elles sont cette vieille femme qui a ouvert l’autre jour le robinet du gaz dans le quartier pour écouter la mélodie finale de sa détresse.

« Elle lit des livres de Jean Perrin sur la radioactivité et les atomes. Elle est dans le plaisir. L’évasion. L’émotion. Elle s’échappe dans sa bulle. Plus tard, quand elle sera enseignante, pour combattre l’échec scolaire de ses élèves, elle utilisera cette recette. Le plaisir. La grâce de la curiosité. Le goût du nouveau. Apprendre est un jeu.