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Critique de Pequignon


Il s'agit du premier tome d'une trilogie. Arrivé à la fin (très vite pour ma part), on a presque le goût amer que tout ceci n'était qu'une introduction pour le vrai spectacle. Mon enthousiasme est donc à mettre au conditionnel de la suite.
Si vous avez lu La Ménagerie de Papier, recueil de nouvelles de Ken Liu foisonnant d'idées, autant en science-fiction qu'en littérature blanche, mais toujours au service de l'imaginaire, oubliez-le. Ici, il se met à la fantasy, et montre sa malléabilité en réservant les effets de style à quelques aphorismes et poèmes ponctuels. Il met son style au service d'une lecture longue qu'il veut rapide. Ce que l'on retrouve de la Ménagerie de Papier, c'est peut-être la modestie avec laquelle il présente ses idées les plus intelligentes, qui peuvent presque passer sous notre nez comme des banalités.

On oscille donc entre le classicisme le plus jouissif et l'originalité propre à toute fantasy maligne. Ken Liu nous ballade sur une carte géographique pas très grande, assez simpliste et fonctionnelle finalement, où chaque montagne semble conçue pour être difficile à arpenter sauf pour ses natifs, chaque gros fleuve fait pour faire frontière, chaque île faite pour accueillir une petite société et une identité particulière. Pendant une vingtaine d'années, alliances, batailles, trahisons s'enchaînent à une vitesse assez impressionnante même pour qui est aguerri à la fantasy. En quelques huit cents pages, c'est cinq intégrales de Game of Thrones qui passent. Les choses sont toujours décrites dans leur globalité, la description d'une ville entière se cantonne parfois à un simple paragraphe, un siège de cinq mois prend un chapitre de cinq pages. Ce rythme peut dérouter, ou lasser, ce qui aurait dû être mon cas car j'aime qu'on s'attarde sur les choses importantes. Seuls les dialogues font parfois l'objet de scènes plus détaillées où le rythme reprend son souffle. Mais il ressort de ce trop plein une richesse et une densité qui en fait a stimulé mon avidité pour la suite. C'est donc ce qu'on peut appeler une lecture fleuve. Chargée, ellipsée, mais fluide.

On pourrait dire simple et efficace. Mais tout ce fatras déjà vu de luttes de pouvoir est agrémenté de plein de jolies trouvailles comme les plantes, la fumée de Risana, l'approche de la culture à travers le personnage de Luan Zya, les animaux inventés comme les crubènes, les double pupilles de Mata Zyndu, les aérostats, plein de chose passionnantes viennent nourrir le cerveau déjà emporté dans le flot de l'Histoire. Avec un grand H car c'est une vraie vision de l'Histoire humaine qui nous est offerte. Les rapports de pouvoir, les relations entre leaders sont largement plausibles, sans aucune notion de lutte entre bien et mal. le doute aux causes défendues et à l'avenir de la rébellion est permanent, chaque retournement est aussi inattendu qu'obligatoire, un peu comme dans L Histoire, ce que beaucoup d'auteurs visent sans toujours y parvenir.
Autre exemple de l'intelligence de la narration : vous avez au début du livre deux cartes géographiques dont (attention anti-spoil) une seule carte sera explorée durant tout le tome. Astuce extrêmement intelligente car porteuse d'attentes. N'ayez pas peur, le livre ne nous laisse pas non plus dans un cliffhanger.

Petit reproche, certains personnages et villes ont des noms semblables. Heureusement, il y a un annuaire des personnages auquel se référer en cas de doute. Ils sont nombreux, peuvent parfois ne durer qu'une dizaine de pages. Encore une fois, c'est à la fois jouissif et frustrant de passer si vite sur les événements. La rapidité empêche une réelle profondeur des personnages secondaires. Mata Zyndu, un des principaux plutôt fascinant, est finalement assez simpliste.

Il est dommage que l'éditeur ait voulu estampiller ce roman d'une étiquette vendeuse. La quatrième de couverture annonce l'invention d'un nouveau genre, le silk-punk. Ce terme prend son sens car l'auteur nous informe au début avoir été très inspiré par dynastie Han, qui régna en Chine au troisième siècle avant JC, la soie est effectivement présente et on a bien un univers cohérent avec sa couleur propre. Mais Jack Vance, Franck Herbert et Dune, Alain Damasio et sa Horde du Contrevent, nombreux sont les livres-univers qui pourraient prétendre avoir inventé un genre. Un coup de pub qui fait du tort finalement à ce bon roman de fantasy, car on pourrait s'attendre à encore plus. Mais l'attente des tomes deux et trois lui laisse le bénéfice du doute.

Bref, beaucoup de choses pour pinailler une fois le livre fermé. Mais en cours de route, il n'y a rien de mieux pour s'oublier et laisser l'horloge tourner bien trop vite pendant que les années passent à travers les pages. Très grande immersion, j'étais à deux doigts de l'arrêt de travail.
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