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Critique de digito


Cet ouvrage se définit en 4e de couverture comme un récit d'apprentissage. Selon moi il est bien plus que la modeste histoire d'un étudiant qui délaisse les amphis pour devenir charpentier. L'auteur emmène dans sa caisse à outils son bagage académique, incluant le droit et la philosophie qu'il a étudié mais surtout une grande ouverture et curiosité sur le monde.

Il choisit la charpente comme il aurait pu choisir une autre activité artisanale, mais c'est dans ce domaine, au grand air, sur les toits, qu'il semble se sentir le mieux. Par tous les temps il travaillera tout en bénéficiant de jolies vues ce qui n'est pas pour lui déplaire.

Au début de l'ouvrage, il nous parle de la formation, les chantiers, les techniques, tout en évitant les clichés de la profession, ou le quotidien qu'on imagine parfois difficile. C'est plutôt vers l'art du faire, de construire pour plusieurs décennies qu'il veut nous emmener. Il ne dit pas que c'est facile, au contraire, la formation d'un compagnon dure sept ans – 10000 heures de formation - et une vie d'expérience. Il a fait le choix d'une école classique tout en changeant de chantiers et d'employeurs au gré des opportunités. Il ne manquera ni de travail ni d'occasions d'apprendre.

A mesure que l'on avance dans l'ouvrage, dans un plan en entonnoir, l'auteur prend de la hauteur sur le métier. L'artisanat permets de réaliser des choses concrètes où l'on peut être fier de son travail contrairement aux objets industriels qui aliènent et désincarnent. Il ne nie pas que le métier de charpentier se robotise de plus en plus, malgré tout on doit apprendre les gestes et savoir-faire, d'autant plus lorsqu'il s'agit de restaurer de vieilles toitures.

Les notions de transmissions, de traditions et de rites sont omniprésents : on apprend soi-même puis on transmets, ceci depuis le moyen-âge. Ces techniques ne sont pas secrètes, bien au contraire. Au début de l'ouvrage lorsque l'auteur nous emmène dans le jargon technique, on cherche une annexe avec des images, finalement par intérêt personnel j'ai trouvé facilement ces informations sur internet. Il compare de façon pertinente la transmission des savoirs, ce désir de partage, avec l'opensource et les biens communs en informatique.
Ce n'est pas un livre technique sur la charpente, c'est bien davantage selon moi un essai sur l'éthique d'une société écologique et solidaire.

Il rappel ainsi toutes les vertus du bois, sa noblesse, ses possibilités de réparation ou d'évolution. Lors d'un travail manuel ce ne sont pas que les muscles qui travaille, le corps ne peut pas être séparé de l'esprit. Il rappel ainsi qu'en sciant ou en clouant, l'oeil, la main et le cerveau travaillent ensemble.

Des anthropologues, sociologues, historiens et philosophes, sont cités, pour mieux argumenter son propos. Ainsi on trouvera dans le texte des passages évoquant des personnalités très différentes, comme Simone Weil, Richard Sennett, Bruno Latour, Bernard Stiegler ou encore Aloïs Riegl. J'ai toujours trouvé que ces citations étaient appropriés, permettant d'élargir le propos dans un cadre plus vaste qu'une toiture.

De façon métaphorique la charpente est cette structure qui permets de nous protèger des intempéries, sur laquelle on peut compter, solide, construite pour durer. Avec cette image rassurante, concrète, l'auteur propose selon moi un changement de paradigme, avec des métiers ou l'on peut s'épanouir du travail bien fait, utile et durable. Il ne critique pas directement la modernité, le capitalisme ou l'individualisme, mais l'on comprend que ceux-ci nous mène dans l'impasse dans laquelle se trouve notre monde globalisé aujourd'hui. Ce n'est pas seulement un éloge du travail manuel, c'est surtout une réflexion sur les conséquences de nos actes dans le temps long.

Enfin, l'auteur n'oppose pas modernité et tradition, au contraire, c'est davantage vers un métissage qu'il souhaite que l'on se tourne : utiliser les techniques d'aujourd'hui sans oublier les savoirs faire et notre culture.
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