L'approche que fait ce livre du yoga est une approche avant tout psychologique et spirituelle, évoquant la puissance de cet art millénaire capable d'aider l'Homme à affronter sereinement les affres de notre monde contemporain, de le traverser comme un passe-muraille et surtout, surtout, à se connaître lui-même.
Mon étonnement vient de la façon étrangement différente de présenter le yoga par rapport aux nombreux livres actuels que j'ai pu lire sur le sujet.
Si l'engagement sur cette voie est initié par des motivations semblables, la façon de gagner le but diffère ; toute notion de "feel good" ou de « gymnastique douce » est absente ainsi que toute idée d'esthétique, de mode. Visiblement, il y a 60 ans l'aspiration yogique, beaucoup plus confidentielle, était, comment dire, plus profonde, plus épaisse.
Bien plus qu'un simple manuel présentant une succession de postures acrobatiques aux visées gymniques - Celles qu'il faut faire pour se sentir bien, pour être détendu, pour être..... heureux - l'auteur rappelle ici simplement quatre ou cinq postures incontournables.
Edouard Longue n'a rien à vendre, il expose simplement la façon dont la pratique assidue de cette « philosophie physique » ancestrale produit un individu authentique loin, très loin, du parfait soldat formaté dominé par son ego insatiable. Il montre combien "entrer" en yoga peut être salvateur.
Il explique pourquoi certains d'entre nous ne peuvent que rencontrer tôt ou tard le yoga comme formalisation d'une attitude qui leur est innée ou acquise très précocement, parce que pour eux la vie de course après toujours plus, toujours plus de bonheurs n'est pas la vie...tout simplement.
Et le "progrès" de revenir comme un leitmotiv et comme cause de beaucoup des tourments agitant les occidentaux, ce que je crois aussi.
Avec cette nuance près qu'a la fin des années 50 cet enfoncement dans la société de consommation était qualifié de progrès alors qu'il n'est plus que notre condition usuelle de fonctionnement et que la révolte contre ce fonctionnement demande une volonté plus affermie et conduit plus facilement à une marginalisation.
Néanmoins je reprocherais à l'auteur d'être un tantinet excessif lorsqu'il présente les qualités développées par une pratique assidue du yoga. A l'en croire le yogi ressemble étrangement à un fakir voire à un extra-terrestre.
C'est dommage car l'ouverture d'esprit procurée par l'ouvrage est annihilée par le trop d'espoir et le trop peu de patience donnés au candidat qui, finalement, risque de refermer son esprit.
En marge du texte lui-même, je dirais mon grand étonnement de constater, dans cet ouvrage de 1959, combien les tourments qui sont les nôtres agitaient les lecteurs d'il y a 60 ans : stress, surmenage, dévalorisation du monde du travail, mauvaise nourriture avalée à la hâte, vie chère, avalanche de gadgets "modernes", épargne difficile, etc...
par contre j'ai beaucoup moins apprécié les allusions sexistes et xénophobes de l'auteur qu'il faut néanmoins comprendre au vu du contexte social de cette époque révolue.
En forme de synthèse, je dirais : bravo pour l'ouverture du champ des possibles, pour l'approche spirituelle du yoga, pour l'association à un mode de vie.
Mais ….. ? pour les excès des dons supposés des yogis, pour les espoirs sans mesure donnés au lecteur, pour les propos trop dirigistes.
Le yoga est un chemin de longue haleine, modéré en tout, et nous en sommes un peu éloignés.