Citations sur Le voyage de Madison (21)
Hodge avait souri en entendant ça. Toucher le soleil… Il comprenait. Lui l’avait touché, le soleil, mais c’était il y avait bien longtemps, c’était différent aujourd’hui… Comme s’il y en avait moins, qu’ils avaient tout bouffé à l’époque et qu’il n’en restait plus assez pour la nouvelle génération.
Elle lança mécaniquement un coup d'oeil dans le rétro. Plus de voiture bleue.
Ce qu'il lui fallait, c'était de l'essence.
Faire le plein, manger un bout et repartir.
Rejoindre sa mère.
C'était ce qu'il fallait.
La rejoindre et l'accompagner jusqu'à son dernier souffle. Lui dire qu'elle l'aimait avant qu'elle ne s'en aille.
Et cette histoire de meurtre pouvait l'en empêcher.
Alors, elle n'appellerait pas les flics.
Les choses restent dans notre esprit, les bonnes seulement. Les autres se cachent, se glissent dans des tiroirs bien fermés à clef.
Il lui avait fait un clin d’œil, et elle l’avait trouvé craquant quand il avait fait ça. Cool et élégant à la fois, et ça n’avait rien à voir avec le costume qu’il portait. C’était naturel, et tellement délicat de sa part. Alors, elle était montée dans la voiture et lui avait tendu une main maladroitement, en couvrant ses jambes avec son
Elle n’était pas du genre à regarder quand quelqu’un ralentissait à sa hauteur, un truc qu’elle avait déjà vécu plusieurs fois, avec des types qui ouvraient leur vitre pour balancer des conneries, alors elle l’avait ignoré et était restée concentrée sur le trottoir gelé.
Elle marchait sur le trottoir, et ça glissait vraiment, alors elle avançait prudemment, perchée sur une paire d’escarpins, les yeux rivés sur le sol. C’était ridicule de s’habiller comme ça, avec une jupe et des talons, alors qu’une pluie verglaçante tombait sur la ville et qu’elle prenait le bus pour aller bosser. Mais ça faisait partie du job, il fallait bien présenter, et puis sa mère était fière de la voir partir comme ça, parce qu’elle avait réussi, et que ça se voyait.
Ça faisait partie des choses qu’elle connaissait en matière de conduite, elle aimait entendre le tic-tac mécanique, un bruit qui la ramenait à l’enfance, quand elle était installée sur la banquette arrière de la Lincoln Town Car de son père. Le ronronnement du moteur faisait vibrer les sièges, et elle trouvait ça génial.
Elle était libre d’aller retrouver sa mère, et c’était bon. La vie était un tourbillon, trois années sans nouvelles… et voilà qu’elle apprenait qu’il ne lui restait que quelques jours… Un grand vide s’ouvrait, et elle se sentait précipitée dedans. Ce n’était pas comme si elle pouvait repousser sa visite, lui parler plus tard. Elle ne serait plus là, définitivement. Absente pour toujours. Il fallait qu’elle la voie avant qu’elle s’en aille, sa place était à ses côtés. Elle avait disparu subitement, sans laisser d’adresse, sans même un numéro de téléphone où la joindre. Tout allait trop vite, mais elle allait se rattraper. Ce qui comptait, c’était qu’elles se retrouvent, à ce moment où la vie vous échappe et où le Bon Dieu vous rappelle à lui. Elle sourit en ayant ces pensées… C’étaient les mots de sa mère…
C’était comme si son départ les avait séparées, comme si la vie s’était arrêtée après. Elle sourit, parce que ça lui ferait une sacrée surprise quand elle la verrait débarquer.
Elle le regarda avec ses grands yeux noirs. Cette fille lui mettait des papillons dans le ventre. Ce sourire, et puis ces yeux, cette énergie… Merde ! Il se sentait vivant. En croisant son reflet dans la vitrine, il remarqua son pantalon fatigué, sa chemise qui bâillait entre les boutons, et ça le ramena à la réalité. Fallait faire une affaire et puis c’était tout ! Cette fille était magnifique, mais il avait passé l’âge. Fallait qu’il oublie ça !