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Critique de SZRAMOWO


Dernier roman de Sophie Loubière, de cendres et de Larmes nous entraine dans les régions inconnues du coeur et de l'âme humaine.
Des personnages atypiques.
Madeline, Caporal Cheffe dans une brigade des pompiers de Paris, côtoie chaque jour le danger lorsqu'elle intervient dans la lutte contre les incendies, dont notamment celui de Notre Dame, mais plus dure est sa confrontation quotidienne avec la misère du monde, familles fracassées au sens propre et au figuré, enfants non désirés abandonnés ou maltraités, couples en déliquescence qui pour ultime preuve d'amour se détestent jusqu'à commettre l'irréparable.
Madeline est une femme forte. Côtoyer ce danger et cette misère, met sa famille à l'abri pense-t-elle. Est-ce bien sûr ?
Mère d'un ado qu'elle a eu avec Eric, un bipolaire dont elle a divorcée, elle est aussi mère de deux enfants plus jeunes, Anna et Eliot dont le père est Christian, un employé de la ville de Paris chargé de l'entretien des Parcs et Jardins, qui se retrouve propulsé Gardien (conservateur dit le titre officiel) du cimetière de Charenton dans le 12ème arrondissement de Paris.
L'occupation gratuite d'une maison immense sise dans l'emprise du cimetière est le principal intérêt du poste que Christian accepte non sans avoir consulté sa famille auparavant. Une visite de la maison permet de mesurer l'enthousiasme de tous ses membres. En effet, qui n'a jamais rêvé d'habiter dans un cimetière…
La famille se retrouve dans la situation des héros de Shining le roman de Stephen King. Il semblerait que la maison du cimetière ait sa propre vie et que ses anciens occupants, notamment ceux qui sont disparus de façon violente, se manifestent.
Dit comme cela la chose parait triviale. Sophie Loubière parvient à renouveler la façon de traiter ce sujet. le couple et ses enfants, autrefois soudés et organisés pour faire face aux absences de Madeline, souvent d'astreinte et parfois sollicité en urgence, connait ses premières avaries. Soit que la maison vive réellement, soit que l'atmosphère du lieu révèle les dimensions cachées de chacun des personnages, la machine familiale jusqu'alors bien huilée, se grippe…
« — Je ne veux pas que tu t'angoisses… On va s'adapter à la situation.
— S'adapter à la situation ? Il faudrait déjà que les plombs arrêtent de sauter dès qu'on branche le grille-pain et que les radiateurs se décident à chauffer ! »
Madeline est partagée maintenant entre ses nouvelles contraintes familiales et son travail qui lui laisse de moins en moins de temps :
« Les sapeurs-pompiers prenaient en charge une épouse au nez brisé couverte d'ecchymoses, ou un nouveau-né dont le comportement évoquait le syndrome du bébé secoué. »
« Car le feu prenait aussi la rue, nourri par la détermination des Gilets jaunes, quadruplant les sorties du FPT1 pour des incendies de barricades. »
« Un chariot brûlé à Pyramides, des palettes incendiées à la ZAC Chalon, un scooter calciné Cité Grise, un Abribus aux vitres éclatées square Contenot, une voiture cramée à Bercy… Et des mortiers lancés sur ses hommes pris pour cible à la Passerelle – la vidéo circulait déjà sur les réseaux sociaux. »
Les enfants sont livrés à eux-mêmes et ne peuvent plus compter sur les parents disponibles qu'ils avaient autrefois :
« Il (Eliot) courait lâchement, sans s'arrêter, avec la crainte de se faire coincer dans les toilettes par Yacine et sa bande, comme le pauvre Yliès, et s'imaginait déjà la tête dans la cuvette, sous les ricanements de ses tortionnaires :
— C'est bon, t'as plus soif, le croque-mort ? »
« — Au fait, Michael, c'est quoi, cette heure de colle sur ton carnet ?
— C'est juste un exo que j'ai oublié de rendre à la prof de SVT. Vous allez pas me soûler avec ça ! »
La petite Anna, la plus fantasque explore le cimetière malgré l'interdiction formelle de son père :
« Anna avala sa salive. Mentir était parfois nécessaire pour protéger ses amis et gagner quelques minutes d'attention.
— Bah, c'est elle.
— Qui ça, « elle » ?
— La petite fille qui habitait ici et qui est morte.
— Anna, mais qu'est-ce que tu racontes ? Il n'y a jamais eu de petite fille dans cette maison. »
Le roman prend son temps pour décoller, bien qu'il ne fasse que 200 pages. La première partie se traîne un peu jusqu'à l'arrivée de nouveaux personnages.
« On les amena dans un camp, à Paris. Dans des cabanes, adossées à un pont sur une voie de chemin de fer désaffectée, harcelées par le vent, là où aucun rêve n'a jamais germé. »
Un roman qui flirte avec le surnaturel sans jamais y tomber vraiment. La fin est inattendue.
J'ai trouvé à ce récit un côté expérimental qui peut parfois dérouter, mais l'envie de lire le récit jusqu'à son épilogue l'emporte.
Sophie Loubière propose de consulter le blog qu'elle a spécialement réalisé pour expliquer ses motivations dans l'écriture de son dernier roman.
Comme toujours, la description des personnages, de leur métier, des situations qu'ils vivent est extrêmement bien documenté et rend le récit crédible et jamais ennuyeux à lire.
Après 5 cartes brûlées et Black Coffee, j'ai trouvé le même plaisir à la lecture de de cendres et de larmes.


Lien : https://camalonga.wordpress...
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