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Critique de jlvlivres


« le Garde-Fantome » traduit par Michel Waldberg et préfacé par Tony Cartano (1980, Editions de la Différence, 144 p.) contient quatre nouvelles jusqu'alors inédites en français. « Chambre d'Hôtel à Chartres » (Hotel Room in Chartres), « le 30 juin 1934 » (June the 30th, 1934), « Récit de Kristbjorg : Dans les collines noires » (Kristbjorg's Story : In the Blck Hills) et « le Garde-fantôme » (Ghostkeeper). A ma connaissance seules les deux nouvelles (June et Kristbjorg) étaient disponibles en anglais, tout d'abord dans « Psalms and Songs » (1975, New American Library, 308 p.) et dans « The Voyage that never ends » édité par Michael Hofmann (2007, New York Review Books, 520 p.).
On retrouve dans ces nouvelles les thèmes chers à Malcolm Lowry. C'est un combat pour l'oeuvre en train de se faire. Comme le fameux « Work in Progress » (1923-1938) de James Joyce, avant que cela ne devienne « Finnegans Wake » en 1939. Création en cours dont dépend toute rédemption possible, avec en fond de toile la culpabilité et souvent un désir d'utopie. Se superposent à cela l'alcool et l'autodestruction, avec le paradis perdu. Ce devrait être au final la nouvelle « Divine Comédie » de Dante. Certains critiques, dont Catherine Delesalle-Nancey ont même parlé de « La Divine Comédie Ivre » (2010, Michel Houdiard Editeur, 192 p.). Toujours entre un bar et un train, entre l'irrépressible besoin de partir et la halte nécessaire, Lowry cherche désespérément la jonction des éléments, sachant qu'ils sont opposés et contradictoires.
Bref rappel de la vie de Malcolm Lowry à cette époque. Il publie « Ultramarine » en 1933. A la pension Carmona, à Grenade, il rencontre Jan Gabrial, cascadeuse et petits rôles pour Hollywood. Fol amoureux, il l'épouse le 6 janvier 1934 à Paris. Ce sera le modèle de l'amour malheureux, puis perdu de Yvonne et du Consul. Jan est très instable, et Malcolm boit, beaucoup. Jan part pour New York six mois plus tard. Puis c'est le premier voyage au Mexique en1937 avec Jan Gabrial. Prémices à « Au Dessous du Volcan » dont une première version est terminée en 1940. le couple se sépare, Malcolm se remet à boire, est arrêté pour ivresse et expulsé du Mexique. Ce sera la cure de désintoxication au « Bellevue Hospital » à New York d'où il tire « Lunar Caustic », publié de façon posthume en 1968. Second voyage au Mexique, mais avec sa nouvelle femme Margerie Bonner en 1946, donnant lieu à « Sombre comme la tombe où repose mon ami » et « La Mordida ». Une première version de « Au Dessous du Volcan » qui sera perdue lors de l'incendie de leur cabane à Dollarton, près de Vancouver en Colombie Britannique, puis retrouvée.

« Chambre d'hôtel à Chartres ». C'est un couple qui se querelle dans un train qui va de Paris à Chartres. Querellés de la veille, il rêve. « Il était maitre d'équipage, […] à son dernier voyage ». Pourquoi Chartres ? « Fuir là-bas. Fuir ». Arrivés. le couple se déchire, puis se reforme. C'était le temps d'une marée.
« le 30 juin 1934 ». Deux Anglais, le révérend Bill Goodyear et Firmin voyagent en train et bateau de Paris à Londres. C'est l'entre-deux-guerres, n pleine affaire Stavisky. En fait il ne lit pas son journal, « il se dissimulait derrière lui ». Conversation anodine jusqu'à Amiens avec Firmin. C'est un ancien combattant devenu négociant en acier. Traversée, puis Pullman. « Fer, acier. Fer, acier. Fer étain, Fer, étain. Acier et acier de fer et acier de fer et acier de fer ». Lowry annonce les « Frères Jacques » des machines des bateaux. Une analyse de la France de juste avant-guerre qui contraste fortement avec les récits éthyliques.
« Récit de Kristbjorg : Dans les collines noires » se passe dans le Dakota du Sud. C'est aussi la brève histoire d'un Allemand qui « se soûlait à mort » C'était en 1906 et « les bars ouvraient vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et les barmen faisaient les trois huit comme les mineurs ». « L'Allemand n'était pas une cloche, c'était un soûlard ». Jusqu'à ce qu'il en meure.

« le Garde-fantôme » se déroule le 5 février 1952 dans Stanley Park, Vancouver, en Colombie Britannique. le ménage Goodheart, Tommy et Mary, se promène. C'est un immigrant anglais, « chroniqueur attitré d'un quotidien de la ville ». Sa chronique a pour titre « Je me promène dans le Parc ». le mari est un écrivain en panne. Il prend des notes tout en discutant avec son épouse. Ils tombent sur l'épave d'un canot de sauvetage et découvrent une montre. Sur la montre on a gravé le nom de « H. Ghostkeeper ».
« Pour mémoire, trouver ce poème de jeunesse de Conrad Aiken où il est question d'une montre, et en faire la citation ». Il y a des grandes chances que ce soit dans « Senlin : A biography » traduit par Philippe Blanchon (2014, La Nerthe,92 p.).
La montre fait partie du long poème « Ses préoccupations futiles » (His futile preoccupations). Et on peut lire « Ma montre est remontée, une clé est dans ma poche, / Et le ciel est sombre quand je descends l'escalier. / Il y a des ombres à travers les fenêtres, des nuages au ciel, / Et un dieu parmi les étoiles ; et j'irai / En pensant à lui comme je pourrais penser au point du jour / Et fredonner un air que je connais ».

Voilà donc pour ces quatre nouvelles, avec l'appréciation qu'en fait Malcolm Lowry. « La nouvelle-type est sans doute une très mauvaise représentation de la vie […] Elle demeure statique, morceau de mort, figé, sorte de papillon épinglé ».

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