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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Pour entendre la région, pour bien la comprendre, il faut, bien évidemment, regarder le passé, analyser L Histoire. Qui a décidé? pourquoi? comment? Il faut se retourner, observer le siècle passé, prendre de la hauteur pour comprendre l'actualité. Pourquoi Daech? Pourquoi une expansion aussi rapide? Répondre au "pourquoi" pour peut-être entrevoir le "comment": comment sortir de ce merdier? comment corriger les erreurs du passé? comment établir la stabilité?

Pierre-Jean Luizard revient ici, brièvement, rapidement, sur quelques éléments qui peuvent nous aider à comprendre "le piège Daech". Il nous explique, dans un premier chapitre, l'irruption de l'Etat Islamique, son succès et sa rapide expansion. Un modus operandi particulièrement efficace (à l'opposé d'al Qaïda qui forçait la population locale, l'E.I restitue le pouvoir à des acteurs locaux en contrepartie, bien entendu, de leur allégeance absolue), une communautarisation de la scène politique irakienne et un accord avec le kurde Massoud Barzanî permettent en effet l'avancée, en Irak, des troupes de l'Etat Islamique. Seulement, la rupture de l'accord et l'appel au djihad de l'ayatollah Ali Sistani obligent l'Etat Islamique à revoir ses plans: l'expansion illimitée sur le territoire irakien étant désormais, pour lui, très compliquée voire impossible, il décide d'envahir la Syrie dans l'espoir d'unir, de faire une, la communauté sunnite arabe désormais soumise au Califat proclamé le 29 juin 2014. Cette proclamation est un pied de nez à L Histoire qui a vu l'Empire ottoman se disloquer par le jeu des puissances "occidentales" qui se sont amusées à le démembrer et le découper pour "mieux" réorganiser "son" territoire. Les pays mandataires (France et Grande-Bretagne) fixent - c'est le second chapitre - les frontières, participent à la création d'Etats dès le début contestés... l'objectif est la sauvegarde de leurs propres intérêts. Depuis on le sait, c'est le chaos dans la région. Il faut citer l'auteur:

Si l'ordre étatique régional menace de s'effondrer aujourd'hui c'est avant tout en raison de son épuisement et de ses contradictions internes, devenues insoutenables. Ce n'est pas le califat proclamé par Abou Bakr Al-Bagdadi qui menace aujourd'hui l'Etat irakien. Ce ne sont pas les combattants de l'Etat Islamique qui ont amorcé le processus d'autodestruction du régime de Bachar Al-Assad qui entraîne toute la Syrie dans sa chute chaotique et interminable. En réalité, l'Etat Islamique n'est fort que de la faiblesse de ses adversaires et il prospère sur les ruines d'institutions en cour d'effondrement. C'est ce long processus de délégitimation et de décomposition d'Etats dont la viabilité était largement viciée dès l'origine, qu'il s'agit maintenant d'étudier". (p.58)

Etudiant et définissant, dans les chapitres suivant, l'Etat irakien et syrien, Pierre-Jean Luizard s'interroge également sur les bouleversements que l'apparition de Daech imposent au Moyen-Orient; des bouleversements tels que l'auteur conclut en écrivant qu' "on ne reviendra pas au Moyen-Orient que nous avons connu depuis près d'un siècle" (p. 178). Dès lors, il interroge: "Une guerre lancée sans perspectives politiques n'est-elle pas perdue d'avance? C'est le piège que l'Etat Islamique tend aux démocraties occidentales pour lesquelles il représente certainement un danger mortel." et conclut "Les leçons de l'Histoire doivent aussi servir à le combattre". Qui veut connaître rapidement et succinctement cette Histoire peut ainsi approcher le livre de Pierre-Jean Luizard. Ceux qui la connaissent déjà peuvent, comme moi, l'aborder pour se rafraîchir la mémoire.
Lien : http://mezelamin.blogspot.fr..
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"It's a trap", par l'amiral Ackbar.

Cet ouvrage écrit par l'historien Pierre-Jean Luizard permet de mettre en perspective le phénomène de l'État islamique. Particulièrement opportun et salutaire à une époque où le court termisme prend la place du temps long, où toute tentative d'analyse un minimum construite est phagocytée par le culte de la hâtetée (si vous me permettez un barbarisme langagier) et du discours simpliste et schématique, quand ce n'est pas simplement par un discours va-t-en guerre des plus risibles.

La majeure partie de l'ouvrage de Luizard est consacrée à un axe « purement » historique. C'est-à-dire qu'il s'intéresse à l'évolution, à la mutation des sociétés moyennes orientales depuis, grossièrement, une centaine d'années, concernées en premier lieu par l'Etat islamique (Irak, Syrie, Jordanie, Turquie…) et dont la dite évolution est, de même, à l'origine de l'émergence de ce dernier. Naturellement, l'auteur ne peut faire l'impasse sur le rôle non négligeable des puissances occidentales et leur chronique et nocive duplicité dans le capharnaüm kafkaïen qu'est cette région du monde. Néanmoins, Luizard s'arrête aussi de manière approfondie sur l'évolution interne de ces sociétés, la place mouvante qu'occupent les différentes catégories de la population (religieuses, ethniques …), le développement d'un nationalisme arabe ou national contrarié etc etc. C'est sans doute, dans un ouvrage accessible à tous, le seul moment où le lecteur peut être un peu égaré par la profusion de détails néanmoins nécessaire à une bonne compréhension. Au final, le « Moyen Orient » ressort constitué d'Etats à la légitimité faillible et à la solidité fragile.

Outre cet aspect historique, l'auteur s'arrête sur ce qui, selon lui, fait, en addition et de manière concomitante au passé, la force de l'Etat islamique dans sa propagation, son installation et son maintien. L'analyse n'est certes pas renversante de complexité, de théorisation, d'argumentation (faute aussi aux sources insuffisantes ? Au public à qui s'adresse en premier lieu l'essai ?) mais parvient à distiller par ci par là tout de même quelques éléments à garder en mémoire. Tout d'abord, évidemment, l'Etat islamique, malgré l'image qu'il renvoi de lui, bénéficie d'un important soutien de la population locale (notamment sunnite, rapport à l'histoire tout ça tout ça) et peut être vu comme un libérateur face à des pouvoirs étatiques rejetés. L'Etat islamique prône une politique territorialisée qui s'appuie sur les viviers locaux à qui ils reversent une partie du pouvoir (moyennant quelques contreparties) ce qui laisse une marge d'autonomie aux populations autochtones. Au final, l'Etat islamique, si une analogie peut être faite, peut ressembler, se rapprocher, déjà, par certains aspects à un "Etat classique" dans le sens où il lève l'impôt, dispose d'un système judiciaire, s'intéresse à l'éducation, entretien une force armée et s'est territorialisé, contrairement à leurs frères ennemis d'al Qaïda par exemple.

Deux petits points, non essentiels dans l'ouvrage, sur lesquels j'étais complètement passé à côté ont particulièrement retenus mon attention. D'une part, concernant les populations chrétiennes présentes dans la sphère d'influence ou de domination de l'Etat islamique et d'autre part, le rôle des kurdes dans l'émergence de l'Etat islamique.
Tout le monde s'en souvient, les médias français (et ailleurs sans doute) se sont, pendant un temps, particulièrement « intéressés » au cas des chrétiens victimes de l'Etat islamique (les musulmans, c'est moins important pourrait-on croire). J'ai alors appris grâce à Luizard (on l'a peut-être dit ailleurs mais j'ai dû faire preuve d'inattention) que l'Etat islamique, qui suit, nonobstant son statut de Satan moderne, certaines coutumes, laisse les chrétiens devant un choix à trois voies, soit se convertir, soit accepter de vivre sous contrainte mais en pouvant continuer à suivre sa religion ou, en quelque sorte, la mort ou la fuite. Donc, il n'y pas eu de massacre systématique et automatique des chrétiens.
Pour ce qui est des kurdes, le point de départ est encore une mise en avant médiatique. Ces derniers, souvent d'ailleurs présentés comme un bloc monolithique et homogène alors qu'il s'agit finalement d'un groupe où l'hétérogénéité est de rigueur, mis sur un piédestal et personnifiés tel les spartiates affrontant aux Thermopyles les hordes barbares de l'Etat islamique grimées en suppôts de Xerxès. Certes, mais il est aussi intéressant d'apprendre que certains groupes kurdes sont aussi « responsables » du développement de l'Etat islamique en ayant, pour certains, passés des accords avec leurs ennemis d'aujourd'hui. Encore une fois, rien n'est simple dans le monde réel.

Évidemment, ce qui ressort en conclusion de cette lecture est, entre autre, la (plus que) probable inefficacité de la politique actuelle de lutte contre l'État islamique, bien que cet ouvrage ne soit évidemment pas indispensable pour arriver à cette conclusion. On ne peut que déplorer, encore une fois, mais c'est le cas dans un grand nombre de domaines, qu'au lieu de s'attaquer aux racines, à l'origine du problème, on se contente d'une politique superficielle militaire (voulue d'ailleurs, par l'Etat islamique, d'où le « Piège ») dont les effets de manches ne servent qu'à cacher l'impossibilité des dirigeants à sortir par le haut de cette (presque) impasse.
Comprendre, c'est déjà presque agir.
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Extrêmement intéressant pour comprendre l'origine historique et géopolitique de la création de l'Etat islamique. Un regret que la dimension religieuse ne soit pas davantage explorée.
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L'Histoire explique beaucoup de choses, elle nous aide à comprendre les actes actuels mais elle ne justifiera jamais la barbarie ni les exactions commises par certains.

Et finalement, L Histoire nous apprend aussi qu'elle n'est qu'éternel recommencement parce que certains ne comprendront jamais rien, d'autres ne voudront qu'imposer leurs idées car ils n'acceptent pas d'autres avis...tout cela au prix du malheur et de souffrances de tant de pauvres êtres sans défense.

TOUT CA POUR CA?
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