Citations sur La fin des océans (Bleue) (34)
Au début, leur histoire avait certainement été belle, mais elle était devenue moche avec les années ; or rien n'est plus laid que la beauté perdue.
Je vais à la rencontre de la nuit.
Le ciel est à la terre ce que la surface de l'eau est au monde d'en dessous : elle surplombe de hauts sommets, des vallées profondes et des millions d'espèces que l'on n'a jamais vues.
Je suis cernée par l'océan, la seule chose sur laquelle fixer mon regard est une plateforme pétrolière,son squelette brille contre le ciel de plus en plus noir. Chaque jour, on extrait deux millions de barils de pétrole, deux millions, sachant qu'un baril contient cent cinquante-neuf litres... Je n'ai pas la force de calculer combien de litres ça représente en tout par jour. Ils sont là, les gens qui bâtissent la Norvège tout en détruisant le monde. Et s'ils disaient non, tous ensemble, s'ils refusaient de travailler, s'ils faisaient grève ? Rien qu'une semaine, rien qu'un jour, ça ferait toujours deux millions de barils en moins dans la nature.
Dieu, ce qu'on se disputait quand on était petits, ma soeur et moi... À propos de tout. Alice ne me laissait jamais gagner. Un temps, je m'étais dit qu'elle aurait dû. Elle en avait l'occasion puisque, en tant qu'aînée, elle détenait le pouvoir. Les aînés ont toujours le pouvoir. Et la responsabilité.
Quand on est seul avec un enfant, on n'est pas deux, mais un être humain et demi. C'est très différent lorsqu'on est seul avec sa moitié : cette personne est aussi grande que vous, ou presque, elle est capable d'apaiser sa faim, de s'hydrater suffisamment, de changer elle-même ses sous-vêtements. Elle peut vous tenir, vous tenir fermement, vous tenir bien droit. Elle porte une bonne partie du poids sur ses épaules. Avec un enfant, c'est vous qui portez tout.
Rien ne peut m’arrêter, me dis-je.
Je suis là, encore et toujours. Rien ne peut m’arrêter.
Rien.
Anna n'était pas pudique. Il lui arrivait de s'énerver en tenue d'Ève. Nous nous disputions souvent, certainement plus que la moyenne. Nous criions, hurlions l'un sur l'autre. Mais ses seins nus qui pointaient sur son buste me distrayaient. Une poitrine jeune et légère.
Parfois, au milieu de la dispute, elle éclatait de rire, remarquant les allées et venues de mon regard entre sa bouche qui m'engueulait et ses seins qui me souriaient. On eût dit deux grands yeux au milieu de son corps.
L'eau avait une force, un pouvoir, que j'avais toujours considéré comme absolu. Mais plus maintenant, entre les mains des hommes, avec leurs pelleteuses, leurs tunnels et leurs tuyaux d'acier, plus maintenant à l'heure de l'industrialisation, du profit et de l'État providence.
Le sentiment d'être en route, voilà ce qu'il y a de mieux sur un bateau, savoir que l'on se rend quelque part, sans savoir quand on arrivera, avoir un but à atteindre.