Citations sur Marx et la poupée (112)
Je savais que je leur ressemblais. Malgré moi, malgré mon déni, mon refus de les accepter comme des frères. Ils étaient mes frères. Mes frères de misère, d'exil, de nostalgie, de tout ce que nous portions sur nos petites épaules d'écoliers, et ce poids nous l'avions en partage et nous devions avancer avec ça. Parfois, j'avais l'impression que dans nos cartables c'étaient pas des stylos, feutres, livres et cahiers qu"on portait mais un tas d'histoires pas très drôles et beaucoup de visages disparus.
Je déterre les morts en écrivant. C'est donc ça mon écriture ? Le travail d'un fossoyeur à l'envers ?
On est en France, il faut manger des croissants. On est en France, il faut apprendre le français. On est en France, il faut boire du vin. On est en France, il faut aimer le fromage qui pue. On est en France, il faut se comporter comme des français. Voilà, tu devrais être content, elle est si bien intégrée maintenant qu'elle refuse d'apprendre et de parler ta langue.
- Ce n'est pas ce que je voulais. Elle doit avancer avec sa double culture et garder ses deux langues car, qu'elle le veuille ou non, elle sera toujours un mélange des deux.
Je voudrais passer ma vie à récolter des histoires. De belles histoires. Dans un sac, je les mettrais et je les emporterais avec moi. Et puis au moment propice les offrir à une oreille attentive pour voir la magie naître dans le regard.
Je déterre les morts en écrivant. C'est donc ça mon écriture ? Le travail d'un fossoyeur à l'envers.
Je déterre les morts en écrivant. C'est donc ça mon écriture ? Le travail d'un fossoyeur à l'envers. Moi aussi j'ai parfois la nausée, ca me prend à la gorge et au ventre. Je me promène sur une plaine vaste et silencieuse qui ressemble au cimetière des maudits et je Déterre des souvenirs, des anecdotes, des histoires douloureuses ou poignantes. Ca pue parfois. L'odeur de la mort et du panné est tenace. Je me retrouve avec tous ces morts qui me fixent du regard et qui m'implorent de les raconter. (p36)
2003 - le foulard rouge
Je vais chez ma tante Ameh Aziz. J'attends pour traverser la rue. Soudain, je vois en face de moi une voiture de police qui s'arrête net en crissant des pneus. Deux femmes intégralement voilées en sortent et attrapent une jeune fille au foulard rouge et qui porte des espadrilles découvrant des ongles vernis violets. La fille se débat, les femmes la frappent au visage, elle crie, appelle au secours, l'une la gifle, l'autre tire ses cheveux.
J'apprendrai plus tard qu'il s'agit des "Fatmeh Commando" : la milice des bonnes moeurs.
En exergue
La vie n'est pas une plaisanterie,
Tu la prendras au sérieux,
mais au sérieux à tel point,
Que les mains liées, par exemple, dos au mur,
Ou dans un laboratoire en blouse blanche,
avec d'énormes lunettes,
Tu mourras pour que vivent les hommes,
Les hommes dont tu n'auras même pas vu le visage.
Et tu mourras tout en sachant que rien n'est plus beau, que
rien n'est plus vrai
Que la vie"
Nâzim Hikmet
Je voudrais me taire quand on me demande mes origines. Je voudrais raconter autre chose, n'importe quoi, inventer, mentir. Je voudrais aussi qu'on me pose d'autres questions, des questions inattendues, déroutantes, même absurdes, qu'on me surprenne. Et en même temps, je me vautre dans mon petit monde exotique et j'en tire une fierté jouissive. La fierté d'être différente. Mais toujours cette gêne, cette voix intérieure qui me rappelle que tout ça ce n'est pas moi, que je me cache derrière un masque, celui de l'exilée romanesque. Je vous le donne, ce masque, prenez-le, je le dépose entre vos mains.
Enfin, je t'attrape dans mes bras [la grand-mère de la narratrice]. Je plonge ma tête dans ton cou et je respire mon enfance. (p. 185)