Tu es trop libre pour ce pays.
... la seule chose que nous avons su préserver, c’est notre poésie et c’est la seule chose à sauver de l’Iran.
J'apprendrais plus tard qu'il s'agit des "Fatmeh Commando" : la milice des bonnes mœurs. Les Fatmeh Commando sont des femmes qui s'attaquent à toute femme mal voilée ou habillée de manière provocante. De "manière provocante " veut dire dans l'intention de violer l'esprit pur et chaste de l'homme qui s'efforce de ne pas être tenté par ces créatures diaboliques mais qui a l'esprit tellement bien placé dans le cul et le sexe des femmes que le moindre poil féminin le fait sortir du droit chemin
"Nous continuons d'observer, d'abord en silence, et chacune son côté. C'est toujours ainsi que nous procédons. nOus devons digérer ce que nous voyons puis nous commentons, nous échangeons, nous partageons nos impressions. Parfois, nous déduisons des choses passionnantes sur l'existence, la vie et la mort. Nos observatios nous emportent très loin. Je me souviens de ce vers de hafez qui disait :"assieds-toi sur les bords d'un ruisseau, et vois le passage de la vie..."
Les pages de mes livres d'enfants que les doigts de ma grand-mère tournaient sous mes yeux conquis et pleins de lumière, mes yeux qui s'émerveillaient de la magie des histoires contées, la beauté des mots alignés, les mots qu'ils faisaient surgir dans mon monde.
On efface, on nettoie, on nous plonge dans les eaux de la Francophonie pour laver notre mémoire et notre identité et quand c'est tout propre, tout net, l'intérieur bien vidé, la récompense est accordée: tu es désormais chez les Français, tâche maintenant d'être à la hauteur de la faveur qu'on t'accorde. Etrange façon d'accueillir l'autre chez soi. Un contrat est passé très vite entre celui qui arrive et celui qui "accueille"; j'accepte que tu sois chez moi mais à la condition que tu t'efforces d'être comme moi. Oublie d'où tu viens, ici, ça ne compte plus. (p. 135)
Elle saute et je tombe. Tu es suspendue en l’air et c’est moi qui tombe.
Je tombe et ton ventre se creuse, je me tapis jusqu’à disparaître.
Je tombe et tu m’abandonnes dans ce ventre suspendu dans le vide.
Tu me jettes hors de toi. Mon premier abandon. Ma première blessure d’amour.
"Marx et la Poupée" de Maryam Madjidi
Ce livre est un énorme coup de cœur.
Il est poétique, touchant.
Maryam Madjidi raconte son enfance, dès le ventre de sa mère.
Elle raconte l'Iran en 1980, les crânes explosés, les enlèvements, les morts, puis l'exil, l'"assimilation" par l'éducation nationale française, les incompréhensions avec ses parents et surtout son père si attaché à la langue persane.
Le livre est parsemé de fables, de contes.
Et ses phrases sont elles aussi des mini-fables à elles toutes seules.
#68premieresfoisedition2017
- Je vais te dire comment j'ai rencontré le français. C'est encore une histoire qui va te plaire. J'allais avoir dix-neuf ans, c'était quelques mois avant de me faire emprisonner. J'étais chez des amis, on discutait politique comme toujours à cette époque, on fumait beaucoup et soudain quelques notes de piano se sont élevés au-dessus du brouhaha de nos paroles. J'ai tendu l'oreille, je me suis levé jusqu'à cette musique, et j'ai écouté le morceau en entier sans comprendre un seul mot, la tête penchée sur le vieux lecteur de cassettes. Je soupçonnais là quelque chose de très poétique et pathétique à la fois. J'étais séduit. Je demande ce que c'est. On me dit que ça vient de France, que le type qui chante s'appelle Brel. Ces mots, ces mots français, ces sons, ce ["r]" jamais entendu avant comme ça, et le son [e] comme dans "bonheur", "coeur", ça venait d'où tout ça ? Et j'avais envie de savoir, de déchiffrer leur sens caché, je voulais apprendre cette langue...
Je voulais comprendre les paroles de "Ne me quitte pas" de Brel un soir où j'avais à peine dix-neuf ans et un milliard de rêves dans la tête, puis j'ai découvert d'autres chansons, des livres aussi, j'ai eu le vertige de la littérature française, et j'en suis tombé amoureux.
Magicienne Shirin, tu as transformé la pesanteur en grâce.
Jamais quelqu'un n'a aussi mieux porté que toi son prénom : Shirin veut dire "sucré" en persan.
- Le persan est l'archet qui fait vibrer ton corps.