Après son « Vercingétorix »,
Philippe Madral, historien de formation et romancier confirmé, met à profit son expérience de scénariste et d'auteur dramatique pour nous plonger au coeur de la célèbre affaire des poisons. Adoptant la forme d'un journal intime – en l'occurrence celui tenu par La Reynie – «
Une sorcière à la cour » nous livre les secrets de la longue enquête que dirigea le chef de la police de
Louis XIV pour venir à bout d'une vaste conspiration visant la personne même du Roi.
Solidement documenté, ce roman nous fait voyager en compagnie de la Reynie : à sa suite, nous pénétrons dans les coulisses de
Saint-Germain, nous respirons les parfums contrastés de la cour à Versailles, nous pataugeons dans les rues de la capitale, nous fronçons le nez en visitons les prisons, nous nous obligeons à assister au supplice de la question… D'une grande sûreté d'écriture, l'auteur brosse au fur et à mesure de son récit de vivants portraits consacrés aussi bien aux grands personnages du temps –
Louis XIV, ses maîtresses, ses ministres – qu'aux figures des bas-fonds parisiens où, se tenant par la main, empoisonneuses, avorteuses, espions, tueurs à gages ou adeptes des messes noires dansent une ronde macabre.
Cerise sur le gâteau : non content d'esquisser un panorama de l'époque,
Philippe Madral prend plaisir à glisser ici ou là, et toujours par la voix de la Reynie, quelques réflexions critiques qui, compte tenu du contexte historique, restent pertinentes sur la condition féminine, l'exercice du pouvoir, la pratique de la torture ou la fascination populaire pour le spectacle des exécutions capitales. Comme quoi, on peut avoir été un grand « flic » dans une période où la vie comptait bien peu et se distinguer par sa rigueur morale.
En résumé, «
Une sorcière à la cour » est un roman aussi foisonnant que passionnant qui renoue avec la grande tradition romanesque. Il fera le bonheur de ses lecteurs qu'ils soient amateurs de polars ou fans de récits historiques…