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Critique de raton-liseur


Ella Maillart est comme une icône du récit de voyage, mais j'ai toujours hésité à la lire, ne comprenant pas bien le mélange de ses exploits sportifs et de ses voyages. Suite à un portrait que je qualifierais d'attachant et de lumineux dans l'émission hélas maintenant disparue « Partir avec… » de Stéphanie Duncan (que j'ai déjà cité à plusieurs reprises comme inspiration pour des lectures), je me suis finalement décidée à franchir le pas.
Je ne m'étais guère trompée, et je ne sais toujours pas pourquoi Ella Maillart entreprend ses voyages. Que cherche-t-elle ? L'amour du risque et de l'interdit, la difficulté et le dépassement de soi ? Ce livre est à l'image du bercement monotone du cheval sur le dos duquel elle parcourt tant de kilomètres d'un interminable désert. On y apprend finalement peu de choses sur les zones traversées, hormis quelques anecdotes assez insignifiantes sur les conditions du voyage et les démêlés avec l'administration.
Pourtant, étrangement, j'ai lu ces quelques trois cent pages de longues chevauchées avec plaisir, emportée par les pas des chevaux et des ânes successifs qu'Ella Maillart monte, ou mettant mes pas dans ses pas qui font s'ébouler les dunes de sable ou de rocs. Je ne sais comment, dans ce texte qui égraine les jours et les heures monotones, Ella Maillart réussit à transmettre son bonheur d'être à sa tâche quotidienne, heureuse des efforts et de la fatigue physique. Rien ne résume mieux cette apparente contradiction que la juxtaposition de ces deux phrases qui décrivent ce voyage :

Fatigue intense… Une fois encore, il ne s'agit plus que de durer, de tuer une heure, et puis une encore. (p. 186, Chapitre 5, “Adam djok ! Adam bar ?”, Partie 2, “L'imprévu”).

Je suis toute à la curiosité de cet avenir incertain, au sentiment d'être délivrée désormais des obstacles des hommes ; toute à la joie de sentir que chaque jour, maintenant, sera neuf, et qu'aucun ne se présentera deux fois ; toute à mon application de n'observer plus qu'une seule règle :celle de marcher droit devant moi. (p. 85, Chapitre 9, “Far-West chinois”, Partie 1).

Peut-être ai-je aimé ce livre parce que j'y ai trouvé l'écho à d'autres lectures. Il a notamment rendu plus proche les nouvelles de Yasushi Inoue dans Lou-Lan, il m'a fait recroisé diverses figures déjà croisés dans Bouddhas et rôdeurs sur la Route de la Soie de Peter Hopkirk, en particulier Sven Hedin, dont deux livres m'attendent sur mes étagères. Peut-être l'ai-je aimé parce que tout comme moi Ella Maillart ne peux s'empêcher de faire des parallèles saugrenus, ici entre les paysages traversés et certains souvenirs de sa Suisse natale ou (plus justifiés) de ses voyages précédents.
Je l'ai aimé probablement parce que, par petites touches à peine évoquées, Ella Maillart donne une vision de la vie et du bonheur qui font écho à mes propres préoccupations, à mes interrogations et à mes contradictions. Parce qu'elle cherche le bonheur dans les creux des dunes et dans les sommets enneigés, et parce qu'elle ne trouve qu'elle-même au bout du chemin.

Le bonheur le voilà : cette ivresse que crée un instant d'équilibre entre un passé qui nous satisfait et un avenir immédiat riche de promesses. (…) Un fou rire de gamine s'empare de moi tandis que je bourre les côtes de Peter de coups de coude, incapable d'exprimer autrement la joie qui bouillonne en moi. (p. 262, Chapitre 12, “En Kachgarie”, Partie 2, “L'imprévu”).
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