AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,31

sur 823 notes
Un superbe roman choral d'une profondeur inouïe malgré sa brièveté.
Derrière ce titre si poétique se cache la réalité de l'Irak rural de ses hommes à la fois fiers, braves et terrorisés, de ses femmes soumises et transparentes sous leur abaya noire , de leurs enfants qui viennent au monde dans « un pays de victimes et d'assassins ». Une petite merveille de poésie, de sensibilité et de réalisme.
Commenter  J’apprécie          60
Par où commencer ? Peut-être, pour retarder l'inéluctable, par vous parler de pourquoi j'ai acheté ce livre, et pourquoi je l'ai lu, d'une traite, jusqu'à en avoir les poils hérissés et les yeux humides. Si sa parution aux éditions Elyzad, une maison d'édition tunisienne d'expression francophone, était totalement passée inaperçue dans la rentrée littéraire, ce très court roman de 79 pages bénéficie ces dernières semaines d'une très belle mise en avant sur les réseaux sociaux. Ne me demandez pas pourquoi, mais à force de le voir dans tout un tas de publications toutes aussi positives les unes que les autres, je me suis penché sur ce petit bouquin dont la photo de couverture est réalisée par l'autrice elle-même, Emilienne Malfatto étant photo-journaliste et particulièrement intéressée par les conflits armés et la vie sociale en Iraq.

Ce très court récit, j'ai fait le choix de l'engloutir comme pour faire passer la pilule plus vite, comme pour oublier la douleur en me disant « voilà, c'est fait, c'est derrière moi ». Car il y en a, de la douleur, à la lecture de ce récit, ce roman qu'on jurerait tiré d'une histoire en particulier. Une jeune iraquienne raconte sans larmoiements et avec une résignation bouleversante la mort qui l'attend de la main de son frère aîné. Son crime ? Être tombée enceinte de l'homme avec qui elle devait se fiancer et qui, à l'aube de partir au combat, n'a pas pu attendre avant d'éprouver sa virilité sur celle qui lui était destiné.

De ce rapport sans effusion, sans plaisir, et presque sans désir, découlera un drame inéluctable lorsque le soldat sera tué et que la jeune femme verra son ventre s'arrondir. Un enfant hors mariage, c'est l'honneur d'une famille et de toute une société qui est en jeu, et l'honneur a plus de valeur que la vie d'une femme et de son bébé à naître. Aussi, malgré la douleur de sa soeur, de ses autres frères qui aimeraient pouvoir s'opposer à cette barbarie d'un autre âge, personne ne fera rien, et elle subira le sort qui attend toutes les femmes qui ne respectent pas les règles.

Ce qui est incroyable, c'est qu'un roman aussi court puisse être aussi fort, aussi touchant et aussi dur. On n'y aborde pas seulement le poids des traditions, l'ubuesque supériorité d'un honneur intangible face à la valeur d'une vie humaine, car c'est également la vie des femmes dont il est question dans ce récit, leur liberté, leur vie, leur destinée. Ces femmes devenues objets qui étouffent leurs désirs et leurs aspirations pour s'enfermer dans ce que les hommes attendent d'elles. Un roman terriblement dur qui ne devrait pas vous laisser insensible.
Lien : https://www.hql.fr/que-sur-t..
Commenter  J’apprécie          60
Court, incisif, percutant, saisissant ! Voilà ce qui se dégage du 1er roman d'Emilienne Malfatto, que j'ai eu le grand plaisir de rencontrer hier à la librairie Place Ronde à Lille. Dans l'Irak rural, la narratrice commet l'irréparable alors elle va bientôt mourir et elle connaît son assassin. C'est un fait, c'est ainsi. Roman dans lequel chaque membre de sa famille prend la parole, qui du lâche (mais l'est il vraiment ?) Qui de la soumise (elle a sans doute raison de l'être) qui de la mère, de l'assassin (a t il d'autre choix que de la tuer ?) et de l'amant mort sous les bombes. 80 pages d'une construction inédite, puissante, avec une plume totalement maîtrisée ! Et lorsqu'on entend Emiliene Malfatto dire qu'elle l'a écrit en 3 jours, que l'histoire est juste naît comme ça, cela force l'admiration d'avoir écrit un tel texte !
Elle connaît bien son sujet : elle a vécu en Irak, elle parle couramment l'arabe, après des études en France en et en Colombie elle intègre l'école de journalisme sciences po à paris. Elle est depuis journaliste et photographe indépendante.
Je vous invite grandement à découvrir ce formidable roman dans lequel je me suis totalement immergée, dans lequel on perd ses repères occidentaux aussi. Un 1er roman coup de poing !
Un grand bravo pour ce titre et pour la couv 👍🏼 et merci à ma fille de me l'avoir offert
Commenter  J’apprécie          60
Un sujet très sensible, un traitement d'une très grande délicatesse. Être une jeune femme en Irak, ça peut être difficile, et dangereux, terriblement dangereux. Mortellement dangereux. En alternant les chapitres et les points de vue, nous allons suivre cette histoire tragiquede tradition, de lâchetés, de féminicide.
Magistral !
Commenter  J’apprécie          50
"Dans ce pays de sable et de scorpions, les femmes payent pour les hommes".

Elle, celle qui n'a pas de nom, parce qu'elle est toutes les femmes, d'ici ou d'ailleurs qui plient encore sous le joug de l'homme, des traditions. Elle qui ne s'appartient pas parce qu'elle est l'ombre. Elle, qui va payer de sa vie parce qu'elle n'a pas dit non au désir d'un homme, un homme qui avant de mourir voulait jouir, posséder.
Rien ne viendra changer le sort qui lui est réservé.

Un roman très court, mais percutant.

"Nous naissons dans le sang, devenons femmes dans le sang, nous enfantons dans le sang. Et tout à l'heure, le sang aussi. Comme si la terre n'en avait pas assez de boire le sang des femmes."

"Dans cette famille, une femme déshonorée est une souillure que seul le sang peut laver. On jettera des pelletées de sable sur son corps et sur son souvenir, on l'oubliera au vent du désert et aux pluies de décembre, jusqu'à ce que tous, nous puissions prétendre qu'elle n'a jamais été."
Commenter  J’apprécie          50
Un texte court, à plusieurs voix, où dominent l'inéluctable, la résignation. La jeune fille et son entourage ne se révoltent pas face à la tradition obscurantiste qui va conduire à son assassinat. A
son anéantissement même, puisque après son décès son nom ne devra plus être évoqué.

La connaissance profonde de l'auteure de l'Irak, de ses plaies, de ses coutumes, transparaît tout au long du récit. Elle maîtrise admirablement son sujet.
Commenter  J’apprécie          50
Autant la fulgurance du remarquable « Voyage au bout de l'enfance », de R. Benzine, m'avait transpercée, autant ce récit, qui se veut pourtant celui d'une histoire universelle révoltante - celle de la « condition » de la femme dans les pays appliquant la Charia - me laisse perplexe…

Évidemment, cette histoire, qui est celle de (trop) nombreuses femmes dans le monde, est tragique, épouvantable, déchirante , mais j'ai trouvé au fil de ces pages une description très (trop) factuelle des protagonistes d'un drame familial que la bêtise humaine rendra acceptable, souhaitable même: le sang versé pour racheter l'honneur familial souillé.

Trop de personnages, effleurés par trop peu de mots, de sorte que l'on passe, finalement, de l'un à l'autre sans réellement saisir qui ils sont, pourquoi ils sont ce qu'ils sont, sans ressentir le conflit intérieur qui les habite, sans saisir les convictions qui les animent…

Je suis, pour ma part, restée «en retrait» de ce drame en mosaïque, un peu étrangère à cette plume qui n'est jamais parvenue à me cueillir.

J'ai très largement préféré le bouleversant « Et ces êtres sans pénis », de C. Djavann, qui m'a broyé les tripes et soulevé le coeur.

Peut-être parce que ses mots à elle n'étaient point fiction mais la restitution sans fard de l'intolérable violence imposée à « LA » femme, et donc à toutes les femmes, dans ces régions du monde où le Dieu que vénèrent les hommes les a diabolisées.
Commenter  J’apprécie          56
Les avis très élogieux, sur Babelio, m'ont poussée à acheter ce (très) court roman.
Le sujet est terrible, et tout est dit dès le début : une jeune fille va être assassinée par son frère, parce qu'elle est enceinte et l'homme qu'elle aime est mort avant d'avoir pu l'épouser. L'honneur a plus d'importance que la vie.

C'est donc lent et solennel comme une tragédie, dont les différents personnages se présenteraient tour à tour, en expliquant le rôle qu'ils jouent dans cette histoire. Même le fleuve, le Tigre, prend la parole.
D'où le titre. La jeune fille va mourir, mais la lamentation est cosmique. le fleuve a vu se succéder les civilisations, il voit les hommes se battre et mourir, et il continue à couler, impassible.
Mais le Tigre du titre peut également être compris comme l'animal sauvage, le tigre féroce et violent. Les hommes sont-ils donc redevenus des bêtes sauvages ?
En parallèle, des extraits de l'» Épopée de Gilgamesh » donnent une dimension épique au récit. Je suis allée me renseigner sur internet pour essayer de mieux comprendre l'éclairage qu'ils pourraient apporter au roman, mais ce n'est pas évident. Je retiens que Gilgamesh était « le roi qui ne voulait pas mourir ».

Le seul aspect qui m'a un peu dérangée pendant ma lecture, c'est que le contexte est clairement nommé : l'Irak, Bagdad, Mossoul, etc … Pourquoi ne pas avoir donné une dimension plus universelle à ce récit ? La tragédie permet cela. En inscrivant son texte dans la réalité précise de l'Irak, l'auteure ne peut éviter que son regard d'occidentale ne déforme une réalité qu'elle a peut-être vue, mais pas vécue. le lecteur occidental ne peut s'empêcher de se dire que, décidément, ces gens-là sont des barbares, sans se sentir directement concerné, alors que la barbarie est inscrite au coeur de toute humanité.
Commenter  J’apprécie          50
Que sur toi se lamente le Tigre m'a tout d'abord intriguée à cause de son titre, que j'ai trouvé très beau. La 4e de couverture m'a définitivement convaincue. J'avais déjà lu Brûlée vive de Souad, témoignage sur le même sujet qui m'avait fortement marquée ; le côté plus littéraire de ce roman ne pouvait que m'attirer. Effectivement, le 1er chapitre donne le ton : la narratrice parle de raz-de-marée, de tonnerre, de l'univers qui s'effondre ; somme toute, de cataclysme : « longtemps, au bord du fleuve, j'ai attendu de voir l'eau devenir rouge », ce rouge du sang dont l'ambivalence est un thème central.

Les chapitres alternent différentes voix : celle de la narratrice, d'autres personnages, mais aussi celle du Tigre, le fleuve témoin de la déchéance des hommes, du désastre qu'ils sèment. Des extraits de l'Epopée de Gilgamesh rythment le récit. Bien que très court, le roman est très dense. de nombreuses phrases fortes m'ont marquée : « Aujourd'hui, Bagdad la tourmentée déverse en moi ses vomissures, sa bile et ses blessés ». C'est le récit d'un lent étranglement dont on connaît déjà l'issue, puisque le roman commence par la fin. C'est comme s'il y avait un décompte : « Amir ignore encore qu'il est un assassin ».

Ce que j'ai apprécié dans l'alternance des voix, c'est qu'elles nous permettent de découvrir la complexité des personnages et d'éviter les simples stéréotypes. Chacune de ces voix commence par se définir (plutôt que se présenter), d'un ton presque implacable. Nous sommes bien dans une sorte de tragédie au sens théâtral.
- Prenons Amir, le frère aîné : lui-même pris dans un engrenage (« ce n'est pas moi qui tuerai, mais la rue, le quartier, la ville. le pays. »), il endosse le rôle du meurtrier, mais n'est pas fondamentalement cruel. Il pose question.
- Les deux autres frères illustrent bien cette situation compliquée : Hassan, « le garçon qui appartient encore au monde des femmes », est encore entre deux eaux, tout n'est pas encore écrit. Cependant, n'est-il pas peu comme les colombes de Mohammed qui refusent de partir lorsqu'il les libère ? Quant à Ali, il aspire à davantage de liberté mais n'arrive pas à s'extirper du système, « navré d'être un salaud » (la beauté de la formule, vraiment, et le choc qui s'en dégage m'ont frappée).
- Baneen, la belle-soeur, adhère totalement au système (« je suis celle qui vivra car j'ai accepté de vivre à la mesure de la société ») mais elle n'est pas pour autant exempte de douleur, et l'on prend pitié d'elle tandis qu'elle affirme : « je suis peut-être la plus heureuse de tous ».
- Quant à la petite soeur, Layla, évoquée en dernier, elle pose véritablement question : symbole du futur, on lui fait porter le poids de l'oubli du passé, l'existence de sa soeur devant être effacée. Comment se construire dans de telles conditions ?
- Il est également intéressant que ce soit une voix posthume, celle de Mohammed, lui-même dégât collatéral de la guerre, qui évoque le fait que son amante paiera pour lui – et l'on a l'image de dominos qui s'effondrent, sans autre issue que celle de tomber…

Le thème de la mort est évidemment omniprésent (« mon corps si lourd, du plomb dans mes veines »). Cependant, on dépasse la sphère personnelle de la narratrice qui n'est qu'un grain de sable dans le contexte qui l'entoure : la guerre, les attentats, qui lui prendront son père et son amant. Plusieurs fois, j'ai eu les larmes aux yeux lors de ma lecture. Bon nombre de questions n'en sont pas vraiment (pas de point d'interrogation) comme si la réponse n'avait pas vraiment d'importance. On plonge dans l'acceptation du pire : « Au fond, quelle importance. Nous tuons, nous sommes tués. Nous sommes un pays de victimes et d'assassins ».

Pour conclure, Que sur toi se lamente le Tigre est un roman court mais intense, à l'écriture fine et poétique tout autant que frappante, avec des personnages complexes. A lire !
Commenter  J’apprécie          50
Encore en vie et pourtant déjà morte, celle par qui le déshonneur est arrivé n'en a plus que pour quelques jours. Dès les premières lignes on connait les détails du crime commis et la sentence prononcée. Il n'y aucune surprise, aucune fin heureuse à espérer, elle va mourir, elle le sait et l'accepte. Elle sait même par la main de qui elle passera de vie à trépas. Son frère, son propre frère a été désigné pour rétablir l'honneur des siens. Mieux vaut une fille morte qu'une fille-mère a-t-on coutume de dire. C'est ainsi que l'on voit les choses au fin fond de l'Irak. Aucune place pour les sentiments, pas plus que pour les souvenirs, cette fille n'a jamais existé, à peine enterrée tout le monde aura oublié jusqu'à son nom.

Je pourrais tout vous dire de ce livre que je n'en supprimerais pas l'intérêt de le lire. Parce qu'il y a le fond, l'inéluctable que l'on connaît déjà et parce qu'il y a la forme qui alterne points de vue des protagonistes et passages de l'épopée de Gilgamesh. Tout ceci est douloureusement beau.
Même si les membres de la famille affichent une unité de façade, chacun vit différemment la situation. de leurs rapports à la famille, de leurs croyances et convictions profondes, de l'amour ou du dégoût que leur inspire la jeune femme va naître l'envie de la voir vivre ou mourir. Mais qu'importe au fond puisque même les plus tolérants et les plus progressistes ne s'élèveront pas contre ces traditions archaïques. L'honneur et l'intérêt supérieur de la famille avant tout.

Comment voulez-vous sortir de ce livre sans être bouffi de colère ? le fanatisme religieux suinte de chaque mot et de chaque ligne de ce si court roman. Il aurait été bien inutile de chercher à en dire plus, cela va déjà bien au-delà de ce qu'il est possible de supporter alors même que le voyeurisme est laissé sur le pas de la porte puisque de l'exécution en elle-même on ne saura rien.
En fait, Emilienne Malfatto nous invite à partager les derniers jours d'une condamnée comme Victor Hugo l'avait fait avant elle. Chez Hugo on ignorait également le nom du condamné ainsi que le crime qui l'avait mené dans le couloir de la mort. Ici on sait pourquoi cette jeune femme va mourir demain. Pour la chose la plus belle et la plus naturelle au monde : aimer. Alors forcément c'est avec rage que le lecteur va l'accompagner jusqu'à la potence.

Ce roman fait écho à une nouvelle de Karine Giebel que j'ai découvert récemment en audio. Si vous le pouvez, lisez Sentence du recueil de nouvelles Chambres noires. C'est également un très beau texte sur ce sujet si douloureux.

Lien : https://www.lettres-et-carac..
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (1678) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3247 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}