Alors qu’il était parti dans l’espoir d’une guerre courte et de batailles décisives, c’était un enfer interminable que François avait trouvé, un enfer dans lequel on les avait précipités, ses compagnons et lui.
On s’était tout dit, tout raconté, en évitant toutefois d’évoquer une certaine chose, ce sujet brûlant qu’il était interdit d’aborder.
La guerre va bien s’arrêter, ça ne peut pas durer toujours, ou alors il ne restera plus d’hommes sur la terre !
Les hommes de la terre comme lui, au caractère rude et renfermé, ne savaient ou ne voulaient pas ouvrir de discussions sur certains sujets trop douloureux. Ils étaient capables de ne jamais rien dévoiler des peines secrètes qui les tourmentaient jusque dans la tombe.
On parlait beaucoup dans les campagnes, les rumeurs allaient bon train mais les véritables nouvelles, quand il y en avait, ne satisfaisaient personne, bien au contraire. Violette, qui d’habitude se rendait chez les uns et chez les autres pour assurer des travaux de couture, espaçait ses sorties afin de ne pas laisser sa mère seule dans la petite ferme. Elle craignait qu’un visiteur indélicat ne profite de la situation.
Quand le pays appelle, il faut répondre, c’est l’honneur de notre famille. En attendant, si peu de jours nous restent avant ce départ ! Je me demande avec quel genre de gens je vais me retrouver, à quoi vont ressembler les autres hommes pris comme moi dans la nasse des obligations militaires.
Les animaux sont moins cruels que les humains. À part certains que nous jugeons indésirables au regard de notre confort ou de notre sécurité, nous vivons en bonne intelligence avec les bêtes depuis toujours.
La vie est ainsi faite. Il y a parfois ce qu’on pourrait appeler des injustices… C’est le destin, ma fille.
Mon père arrivait à nous faire pleurer tant il avait le don de raconter des histoires. Il connaissait par cœur quantité de fables de La Fontaine et aussi l’histoire de la chèvre de M. Seguin. Combien de fois j’ai pleuré,assise près du feu, comme ce soir.
C’était l’époque du paradis familial, où le moindre cadeau paraissait merveilleux à tous. On se racontait des histoires au coin du feu. Il y avait des silences lorsque l’émotion saisissait l’auditoire ou prenait le narrateur à la gorge. Bouleversé, il devait s’interrompre tandis que les autres s’essuyaient maladroitement les yeux.