Je vis à cet instant la silhouette de l’homme qu’elle aimait, fluide et transparente, s’élever dans l’espace du firmament dont elle s’était exclue…
Lorsque je revins à moi, le soleil entrait sur le plancher, par la porte ouverte. Je m’accrochais à ce rayon de lumière pour émerger de cette histoire.
Un papillon passait par là, balancé dans une insouciance heureuse, tel un accent circonflexe ne sachant où se poser. Mon regard le suivit, lui souhaita bonne chance, et je le vis se perdre dans les jardins ensoleillés.
Il y avait tant d’espérance dans le cœur de ces deux-là. L’exploitation devait revivre, resurgir de cette jachère où le temps et les événements les avaient laissés dormir.
Ils m’ouvraient à leur avenir. Rolland se montrait doux et tendre avec Angèle. Non, ils n’avaient pas vingt ans ces amoureux-là, mais je crois que pires ils étaient…
Pour en revenir à l’été 1962, j’étais si heureux que partir pour l’armée ne me disait rien du tout, alors qu’un mois auparavant, ça ne me gênait pas. Je voyais Isabelle presque tous les jours. J’ai même appris à son frère comment pêcher la truite à la main : prétexte pour avoir Isabelle près de moi. Nous allions au ruisseau de Trousse-bois, pas très loin d’ici. Les Garoche nous lâchaient un peu, sauf Angèle qui courait toujours après moi. Son père lui disait :
“Tu vas voir ton amoureux ?”