Maman se laissait faire. Elle laissait Papa s'accrocher à elle comme un naufragé à une bouée. C'était comme un aveu, cette étreinte.
Il flottait dans l'air l'odeur d'un souvenir, le souvenir d'une odeur.
Parler quand on pleure, c'est comme crier à travers des milliers de bulles. Certaines d'entre elles éclatent, mais d'autres se multiplient, vous emplissent la bouche.
On peut pas choisir d'ignorer la fin de l'histoire.
À nouveau il souriait : ça débordait de son visage. Il avait l'air d'avoir beaucoup trop de dents. (...) Il ne cessait pas de sourire, quand il s'excusait, et ça ne semblait pas présomptueux. Au contraire, ça paraissait courageux de sa part. Vulnérable. Elle n'avait jamais eu de copain de son âge capable de s'excuser si facilement et en gardant le sourire.
C'était comme si elle respirait par les oreilles maintenant et que la radio était sa seule source d'oxygène.
- Je n'y peux rien si je n'y crois pas, protesta-t-elle.
- Si, tu as le choix ! On a toujours le choix de croire ou pas.
Alors Maman faisait le choix d'être comme ça? Elle choisissait de leur imposer ça, à son père et à elle? Impossible.
- Faire semblant, quoi.
- Non... Croire. Espérer !
- Se mentir.
- Mais non ! Pourquoi est-ce que tu penses ça?
- Tu les imagines ? continua Anna. Cet hiver, ils se presseront les uns contre les autres pour garder un peu de chaleur. Ils racleront les poubelles avec leurs griffes. Il se cacheront dans les coins des terrasses pour mourir et il y aura des petits tas puants de chatons morts partout dans la cité.
Elle sortit et s'assit à même le sol avec son petit déjeuner. Thé noir, tartine beurre et miel.
Quand je bordais le foc, j'ai tout senti, le vent et le bateau. C'était comme si j'avais disparu mais que je faisais partie de tout le reste.