Pour qu'un livre nous touche, il faut sans doute qu'il s'établisse entre notre expérience et celle de la fiction - entre les deux imaginations, la nôtre et celle qui se déploie sur la page - un lien fait de coïncidences.
L'expérience du quotidien niée par ce que nous voudrions qu'elle soit, que vient nier à son tour ce que nous espérons qu'elle est en réalité.
Quand je lis les -Mémoires d'outre-tombe-, j'oublie que c'est Chateaubriand, et non pas moi, qui se désole. (p. 92)
PIcasso disait que tout était miracle et que c'était un miracle de ne pas fondre dans son bain.
Borges, interrogé sur sa croyance en Dieu: " Si le mot Dieu signifie un être qui existe en dehors du temps, je ne suis pas sûr de croire en lui. Mais s'il signifie ce quelque chose en nous qui est du parti de la justice, alors oui, je crois, en dépit de tous les crimes, que le monde obéit à un dessein moral". (p.51-52)
Procédé éprouvé : la vraisemblance est obtenue dans la fiction par un prétendu manque de certitude.
Je n'aime pas qu'on me résume un livre. Tentez-moi à l'aide d'un titre, d'une scène, d'une citation, oui, mais pas de toute l'histoire. Amis enthousiastes, quatrièmes de couverture, enseignants et histoires de la littérature sabotent une grande partie de notre plaisir de lecture en révélant l'intrigue. Et, l'âge venant, la mémoire aussi peut gâcher le plaisir d'ignorer ce qui va se passer. Je me rappelle à peine ce que c'était de ne pas savoir que le docteur Jekyll et Mr Hyde étaient une même personne, ni que Robinson Crusoë allait rencontrer Vendredi.
Mes lectures colorent non seulement mon expérience du monde mais aussi celle de la page lue. Je suis souvent surpris de retrouver la voix d'un auteur que j'ai lu chez un autre tout différent, à des continents et des âges de distance. ( p.241)
La lecture est une conversation. Des fous se lancent dans des dialogues imaginaires dont ils entendent l'écho quelque part dans leur tête; les lecteurs se lancent dans un dialogue similaire, provoqué par les mots sur une page. Si, le plus souvent, la réaction du lecteur n'est pas consignée, il arrive aussi qu'un lecteur éprouve le besoin de prendre un crayon et de répondre dans les marges d'n texte. Ce commentaire, cette glose, cette ombre qui accompagne parfois nos livres préférés transpose le texte en un autre temps et une autre expérience. (p.12)
En turc,le mot muhabbet signifie à la fois conversation et amour.Pour l'un et l'autre,on dit:"faire muhabbet".J'aime l'idée que la conversation est comme une fenêtre donnant sur le coeur et l'esprit.