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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je poursuis avec passion la découverte de la famille Mann. Après avoir lu la magnifique biographie romancée Klaus Mann ou le vain Icare de Patrick Schindler, j'ai adoré découvrir Les Buddenbrook et La Montagne magique de l'immense Thomas Mann, puis poursuivre sur les écrits de deux de ses enfants : Klaus, Alexandre et Ludwig, et maintenant ce recueil de nouvelles d'Erika. L'enchantement est à nouveau présent !


J'ai pu penser que ce livre serait mineur tellement l'oeuvre du père est écrasante. Il n'en est rien ! Cette Erika Mann possède une vraie personnalité et du talent. le milieu familial allié aux circonstances ont permis de révéler ses multiples compétences artistiques et un engagement sincère. Son éclairage littéraire est loin d'être anecdotique en ces années où le régime nazi s'acharne à éteindre toute lumière.


Ces dix histoires entrelacées sont toutes très bien écrites et se lisent rapidement sans que l'intérêt ne retombe. Une petite ville allemande est confrontée à la montée de la manipulation nationale-socialiste hitlérienne. Une chape de plomb s'abat insidieusement ou brutalement sur différents personnages emblématiques, parfaitement choisis par l'autrice. le caractère universel des récits saute aux yeux et j'ai pensé à de nombreux pays où une population voit s'installer un régime développant sa propagande, soutenue par des groupes radicalisés alors que ceux qui gardent leur lucidité se retrouvent piégés par la puissance de la machine totalitaire. le nationalisme remplace la raison à coup de mots, de vérités tronquées et de mensonges. L'intérêt ici est de montrer comment cette machine s'emballe, sans rien pour l'arrêter, jusqu'au génocide final.


Erika a choisi de s'intéresser aux années 1930, avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir – par les urnes ! – jusqu'au début de la guerre. A travers ces histoires se dégage l'atmosphère d'une époque charnière qui va bouleverser l'Allemagne et le monde pour longtemps. Les personnages sont représentatifs des différentes couches sociales. Ils sont domestiques, industriels, paysans, commerçants, prêtres, médecins...
J'ai particulièrement apprécié la nouvelle La justice est ce qui sert notre cause. le cours de droit du professeur Habermann, développant habilement l'absurde devant des étudiants comprenant – ou pas... – l'ironie et les sous-entendus, est un modèle du genre.


Il s'agit pour certains des personnages présentés de voir clair, d'être fort, de chercher la vérité et l'assumer face à l'adhésion au national-socialisme, face au risque terrible à la moindre opposition... Dur combat contre l'indifférence aux autres, le déni, la cupidité, l'arrivisme. A la lecture on se dit : qu'aurais-je fait ? La supériorité de la fiction éclate ici et permet de s'immerger dans l'histoire, de mieux comprendre l'inouï de ce qui se prépare. le chef-d'oeuvre est au bout de la démarche. L'autrice utilise habilement des faits réels : décrets, discours, articles de journaux, mais aussi des confidences, des rencontres et témoignages. Dans la superbe postface, Irmela von der Lühe précise que, pour cette édition, toutes les indications ont été vérifiées, seules quelques-unes étaient incomplètes. J'ai rarement eu cette impression d'oeuvre totalement littéraire et à la fois sociologique et historique, à l'opposé de certains romans basés sur des faits historiques mais où le ressenti, l'opinion ou de la volonté de manipulation dominent.


C'est une oeuvre universelle qui devrait être étudiée dans les écoles car elle amène à la question de l'esprit critique, pas seulement en Allemagne dans ces années fascistes, aussi ici et maintenant... Pour réfléchir aux conséquences d'un vote ou du laisser-faire, par exemple...

La genèse de ce recueil est en soi un véritable roman. C'est très intéressant par rapport à la sauvegarde et la mise à disposition du public d'une oeuvre mémorielle et littéraire aussi importante que celle-ci.


Une traduction américaine a été faite à partir du texte allemand original par Maurice Samuel avec le soutien d'Erika et Klaus Mann. Elle est parue en 1940 sous le titre The Lights Go Down avec des illustrations de John O'Hara Cosgrave.


Le texte original ayant été perdu, il a fallu attendre 2005 pour que le livre d'Erika paraisse en Allemand, établi à partir de la traduction américaine.


Une première version partielle en français a circulé entre 1939 et 1943. La présente traduction française, parue en 2012, a été réalisée à partir de la version allemande au miroir des traductions américaine et espagnole. Cette réédition en livre de poche reprend les belles illustrations de Cosgrave et comprend un bel appareil critique dont je conseille la lecture, sa qualité le rendant incontournable.

Erika Mann est la fille ainée de Thomas Mann, née en 1905 à Munich. Autrice, comédienne et chanteuse – avec son cabaret le moulin à poivre –, elle et son frère Klaus quittent l'Allemagne dès l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Exilée en Suisse puis en Amérique, elle deviendra correspondante de guerre durant la Seconde Guerre mondiale. Erika Mann est décédée à Zurich en 1969.


Décidément cette famille est incroyable. Je vais poursuivre en découvrant prochainement l'oncle, le célèbre Heinrich Mann. Et vous, êtes-vous tenté(es) par ces nouvelles émouvantes et habiles d'Erika Mann ?

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Retrouvez cette chronique avec des illustrations personnelles sur Bibliofeel ou sur Facebook à clesbibliofeel.

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La nouvelle en littérature est un art véritable et en tant que tel, pas à la portée de toutes les plumes.
Erika Mann porte cet art au sommet.
Chaque nouvelle que compose cet ouvrage est une oeuvre d'art. En effet, si mes souvenirs, ténus certes, des enseignements en littérature que j'ai reçus par d'excellents professeurs, l'art de la nouvelle est périlleux, délicat, délicieux quand il est réussi, bref de la haute gastronomie.
Quand les lumières s'éteignent met la lumière sur la vie banale, quotidienne des Allemands dans l'Allemagne hitlérienne. A chaque nouvelle, une vie s'éteint. C'est donc à la fois une description toute simple de vie tout à fait ordinaire, de gens qui font comme ils peuvent, dans cette Allemagne militarisée, hitlérisée, déshumanisée, étatisée, des gens qui restent malgré tout humains, mais ça, ce n'est plus acceptable. Chaque nouvelle est différente, car chacune raconte une histoire nouvelle, et pourtant quel sentiment de répétition que de voir des petits humains tout simples, tout humbles, ou tout plein d'espoir, se débattre, déjà sans l'avoir compris, englués dans la glu du fascisme, du totalitarisme, de l'intolérance, de l'indicible haine et non moins indicible volonté de détruire l'autre, d'être le plus puissant.
Remarquablement écrit, chaque nouvelle mérite d'être lue sous une lumière qui ne serait pas éteinte, en pensant au monde qui nous cerne aujourd'hui. Une oeuvre historique mais si actuelle.
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Retour de lecture sur "Quand les lumières s'éteignent" de Erika Mann. Ce livre qui traite de la période d'avant guerre et de la montée du nazisme a été écrit par la fille du nobelisé Thomas Mann, l'auteur de la montagne magique, mon roman préféré. J'avais donc particulièrement hâte de découvrir cette plume. Basé sur des situations réelles provenant de témoignages qu'elle a rassemblés, il a été publié aux États-Unis en 1940, pays où elle s'est installée en 1938 pour fuir le régime nazi, après être passée par la Suisse où étaient déjà réfugiés ses parents. C'est un livre vraiment remarquable, il constitue l'un des plus efficaces et intelligents réquisitoires contre le national socialisme. Ce sont 10 nouvelles entrelacées, avec des personnages qui se retrouvent, qui dressent le portrait d'une petite ville de Bavière en 1938-39, alors qu'elle est sous la domination nazie. Ces nouvelles décrivent des destins individuels pris dans l'engrenage du totalitarisme. On est là dans un univers très proche de 1984, sauf que ce livre n'est pas de la science-fiction et décrit une situation qui a bien eu lieu. Il contredit cette idée fausse consistant à croire que Hitler a redressé ce pays pour en faire le plus moderne d'Europe. En fait tout cet ordre nouveau, cette économie en surrégime, n'avait qu'une vocation, construire l'armée la plus puissante du monde, sans aucun bénéfice pour la population, sauf celui d'avoir du travail, et au prix d'énormes sacrifices. A l'entrée en guerre en 1939, beaucoup de matières premières et de denrées alimentaires de base manquaient déjà pour la population, c'était un pays en recul dans de nombreux domaines, sauf dans l'armement, qui s'est lancé à la conquête de l'Europe. Ce livre montre bien, en détaillant parfaitement les mécanismes, comment un système totalitaire arrive à gangrèner progressivement toutes les strates d'une société, tous les domaines y compris intellectuels, culturels et scientifiques. Il détaille avec précision les conséquences catastrophiques de l'ingérence de la politique dans tous les domaines de la vie allemande. Ce que nous montre Erika Mann est dramatique, et on voit une population perdre progressivement toute liberté d'action, de pensée, pour se laisser endormir par un système politique totalitaire, le national socialisme, qui promet d'oeuvrer que pour son bien, de ne penser qu'au développement du pays. Les passages traitant notamment de la justice ou de la médecine sont particulièrement édifiants. Dans un cas on nous explique comment doit fonctionner la justice dans un pays où justement la notion de justice n'existe plus, dans l'autre cas comment les critères qui définissent un bon Allemand, comme la condition physique et les origines aryennes, prennent le pas sur ceux qui définissent un bon médecin, ses connaissances, pour aboutir à une baisse drastique du niveau globale de la médecine dans le pays. L'écriture d'Erika Mann est très particulière, il y a une douce et fausse naïveté, un peu comme dans le Candide de Voltaire, dans la manière de montrer le contexte de l'époque. Ce n'est pas une attaque ou une dénonciation frontale, mais elle nous explique cela à travers le quotidien de ces Allemands qui, bien que plutôt sceptiques par rapport aux discours officiels, se sont laissés endormir, et ne mesurèrent que bien trop tard les conséquences de leur inaction, de leur naïveté, une fois que le pays fut engagé dans une spirale apocalyptique. C'est une démonstration par des exemples. Ce livre est tout simplement exceptionnel justement par l'authenticité de ces exemples qui sont des transpositions de faits réels. Un livre incontournable, que tout le monde en âge de voter, devrait avoir lu.

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"La vie l'avait contraint à penser d'une autre manière. Pour la première fois, il était confronté au concept collectif du « nous ». Avais-je jamais auparavant utilisé un autre pronom que « je », toujours « je » ? Trop tard, pensa-t-il. Mon diagnostic, vient trop tard."
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Au travers de ce livre Erika Mann nous montre comment s'installe un régime totalitaire. Comment se distille et se répand le poison auprès des masses.

Il semble que toutes les couches de la Société aient été touchées, en premier : tout ce et ceux qui porte (nt) atteinte au nouveau régime, puis viennent les commerçant, les artisans, jugés improductifs et que l'on reconvertira de force en ouvriers d'usine ou agricole. Les paysans qui devront donner quasiment toutes leurs productions au nouveau Ministère créé (encore un nouveau) celui de l'Alimentation, avant de voir leur ferme saisie pour être transformée en terrain de manoeuvre et/ou camps de concentration et qui n'auront d'autres ressources pour ne pas mourir de faim que de s'expatrier en ville. Les citadins mis dans l'obligation, par l'Agence Locale pour l'Emploi (et oui déjà...) d'accepter des postes extrémement mal rémunérés, dans des familles pauvres, mais faisant "honneur" au Parti avec leur moyenne de 4 enfants à charge. Et enfin, les membres du Parti eux-mêmes, ceux de la première heure, opposants plus ou moins passifs mais lucides qu'on destituera voire, emprisonnera sous des prétextes futiles et/ou fallacieux......la suite


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A travers dix histoires (basées sur des faits réels) au sein d'une même petite ville allemande Erika Mann rend palpable et terrifiante l'installation du totalitarisme nazi dans la vie de chacun . Ses personnages, plutôt favorables au régime ,prennent conscience de la monstruosité qu'ils ont contribué à créer . Certains seront sauvés , beaucoup seront broyés . La qualité et la finesse de ces récits permettent une utile réflexion ,ô combien actuelle, sur notre responsabilité personnelle dans le destin collectif .
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Dans le Berlin des années folles, Erika Mann, fille aînée de Thomas Mann (Prix Nobel de littérature en 1929), fait figure de bobo insouciante et légère. Elle ne s'intéresse qu'au théâtre, à la vie nocturne, aux voyages, aux rallyes automobiles (elle pilote) et aux scandales locaux (dans lesquels elle est parfois impliquée). La politique n'appartient pas à son monde.
Mais tout change en 1932 : suite à une invitation à réciter un texte lors d'une rencontre anti-fasciste, la jeune femme privilégiée et excentrique se transforme brusquement en une féroce opposante à Hitler. Elle se met à utiliser les scènes sur lesquelles elle se produit et le cabaret qu'elle dirige pour dénoncer et ridiculiser les nazis. La presse nationale-socialiste et les SA la menacent. On parle de la « liquider », elle et sa famille.
En 1933, elle convainc son père, alors à l'étranger, de ne surtout pas rentrer en Allemagne et quitte elle-même le pays. À partir de cette date, elle sillonnera le monde pour alerter sur ce qui se trame en Allemagne.

Quand les lumières s'éteignent, paru en 1940, décrit le quotidien d'une petite ville allemande entre l'arrivée de Hitler au pouvoir et le début de la guerre. Bien que ce récit emprunte sa forme à la littérature, notamment à la « small town literature » américaine des années 1920 mais aussi au conte, il ne s'agit certainement pas d'une fiction : toutes les histoires que raconte Erika Mann s'appuient sur une solide documentation (lettres, témoignages, documents officiels, etc.) ; toutes sont vérifiables. Ce sont, pour reprendre le sous-titre qu'Erika Mann envisageait à l'époque de leur rédaction, des « histoires vraies du Troisième Reich ».
Et c'est stupéfiant : à travers les histoires de quelques personnages ordinaires mais caractéristiques (avocat, prof, médecin, paysan, industriel, commerçant, journaliste, etc.), Erika Mann ne nous fait pas seulement pénétrer dans le quotidien des Allemands mais également dans leur intimité. C'est depuis l'intérieur même des foyers et des consciences que nous assistons à la destruction d'un monde par la dictature.

Rarement une mise en garde contre l'indifférence politique n'aura emprunté une forme aussi efficace. Ce livre devrait figurer dans toutes les bibliothèques personnelles et, puisque la simplicité de la langue dans laquelle il est écrit s'y prête parfaitement, être étudié dans toutes les écoles.
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Très beau recueil de nouvelles où le personnage récurrent est une petite ville sous le 3éme Reich. L'auteure nous montre avec finesse comment le poison totalitaire s'insinue dans les recoins les plus intimes.
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