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Citations sur Yeruldelgger, tome 2 : Les temps sauvages (127)

– Écoute, grand-mère, je sais la réputation qu’ont pu me valoir mes dernières enquêtes, mais je ne suis pas un justicier. Ou disons que je ne le suis plus.
Un soupçon d’orgueil redressa le menton de la femme et son port s’affermit sur son cheval.
– Tu ne crois pas avoir déjà vécu un peu plus que moi pour te permettre de me donner du grand-mère ?
– Comme tu veux, grand-mère, tu as sûrement raison, mais je te trouve soudain bien fière à jouer les amazones du haut de ta monture.
– C’est que je ne m’attendais pas à trouver mon Alexandre si peu grand à déféquer ainsi, accroupi parmi les gentianes et les œillets nains.
– Je défèque comme l’ont toujours fait les nomades, petite sœur, et comme a dû le faire aussi ton Alexandre, je suppose, dans un trou creusé à même la steppe immense. Alors comme ça, je serais ton Alexandre le Grand ? D’où te vient cette connaissance des légendes anciennes ?
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– Je suis venue te demander ton aide, dit-elle.
– Crois-tu vraiment que je sois en position de t’apporter le moindre secours ?
– Je peux attendre.
– C’est justement ce que je ne pouvais pas faire, s’amusa-t-il.
– Je cherche ma fille qui a disparu. Je veux que tu m’aides à la retrouver.
Il resta quelques instants concentré, autant sur ce qu’il essayait de faire que sur ce qu’elle était venue lui demander.
– Pourquoi moi ?
– Parce que je sais qui tu es.
– Tu sais qui je suis ?
– Oui, tu es Yeruldelgger.
– Alors tu sais que je ne suis plus dans la police.
– Je sais. C’est pour ça que je t’ai choisi. Je ne veux pas d’un fonctionnaire pour retrouver ceux qui ont enlevé ma fille. Je veux quelqu’un pour m’aider à les punir.
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Il la laissa venir jusqu’à lui, admirant sa maîtrise de la monte, tout en douceur, et son port altier malgré l’âge. Il avait raison. La femme portait sur ses épaules le poids d’au moins une demi-vie, mais son visage trahissait une force tranquille qui laissait penser qu’elle pouvait envisager de vivre encore autant. Elle arrêta son cheval sans un geste, juste à bonne distance pour pouvoir lui parler.
– Pas la peine de te demander de tenir tes chiens, je suppose, dit-elle dans un sourire qui rajeunit son visage de deux vies de femme.
– Pas vraiment, en effet, répondit Yeruldelgger en chassant une mouche qui bourdonnait autour de ses genoux.
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Sans un geste, elle commanda au cheval de descendre la colline au pas et il la regarda approcher. Elle ne cherchait pas à rejoindre la yourte. Elle venait tranquillement vers lui et ce qu’il faisait ne l’arrêtait pas. Yeruldelgger cala ses deux pieds un peu plus écartés sur les planches pour prendre une meilleure assise. Seul son visage amusé dépassait du rocher. La cavalière montait maintenant son versant du vallon, tapissé de gentianes, d’œillets nains et de géraniums sauvages, inondé du premier soleil allongé de la journée. Quand elle fut à mi-chemin, il nota qu’elle portait un deel moiré brodé de motifs blonds et un arc en bandoulière. À sa selle pendaient des sacoches et un carquois dont dépassaient les empennages jaune et vert d’une brassée de flèches. Il en fut content. Cette femme guerrière, cette amazone dans le levant, c’était une vision inattendue qui le ravissait malgré l’inconfort de sa position.
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Elle ne pouvait pas ne pas l’avoir vu. Elle pointait déjà son imperceptible silhouette contre le ciel de la colline quand il était sorti du sommeil feutré de sa yourte. Nul doute qu’elle attendait, dans le matin frisquet qui précède les fortes chaleurs, qu’il donne signe de vie. Donc elle l’avait vu, dans son deel un peu défait, sortir à la fraîche et se diriger vers le rocher. Et bien entendu, elle savait qui il était. Ou au moins quel genre d’homme. Elle avait dû remarquer l’absence de museaux. Ni chèvres pour le cachemire ou le lait, ni moutons pour le lait et la viande, ni chameaux pour le trait, ni yacks pour la crème. Pas la yourte d’un nomade. Celle d’un bono. Sûr qu’elle avait compté ses trois chevaux et même d’aussi loin deviné qu’il ne possédait aucune jument. Même pas de quoi fermenter du lait pour faire son aïrag. Donc elle savait à peu près qui il était et avait attendu qu’il donne signe de vie. Nul doute non plus quant au fait qu’elle savait très bien ce qu’il faisait caché derrière son rocher.
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... Les wagons sous douane pour la Chine, en provenance d'Europe, sont discrètement isolés en Mongolie. C'est là que nos militaires interviennent. Ils récupèrent la marchandise et la transportent jusqu'à Choybalsan où elle remonte en train vers la Sibérie. C'est en faisant payer ce transfert qu'ils s'enrichissent. Personne ne pense à contrôler les vols militaires.
- Mais pourquoi ce détour par la Mongolie ?
- Parce que si la marchandise remonte par Choybalsan ça veut dire que le trafic est entre les mains de la pègre de Sibérie. Irkoutsk, probablement. L'astuce des wagons scellés sous douane pour la Chine leur permet deux choses : échapper aux corruptions douanières russes et mongoles, et surtout échapper aux autres pègres de Russie occidentale.
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Les rares promeneurs le voyaient de loin, debout sur la plage face à la mer, immobile contre le vent puissant. Ils le prenaient pour un original d’abord, puis pour un fou et s’en moquaient entre eux, mais quand ils s’en approchaient, ils pressaient soudain le pas en silence, terrorisés par la force et la violence qui émanaient de cet homme au visage de barbare. Lui ne les regardait pas. Il devinait leur approche, sentait leur peur et les laissait passer derrière lui sans leur prêter attention. Il ne regardait que la mer impérieuse et immense et laissait monter en lui cette idée qu’il aimerait lui ressembler. Ne jamais renoncer, tout briser jusqu’à tout réduire en poudre de pierre, être trop grand pour être pris, pouvoir tout engloutir.
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Yeruldelgger s’assit à la table en bois, les pieds dans la neige au bord de la route, devant l’échoppe du vieil homme. Le bol de raviolis de mouton à la vapeur, gras et moelleux à souhait, fumait dans l’air glacé entre ses mains emmitouflées. Il tournait le dos à la bicoque du grand-père, une petite guérite de bric et de broc tout enturbannée de fumées d’huile des kuushuurs et de vapeurs des buzz. Quelques bières locales, des cannettes de Coca et des cigarettes de contrebande traînaient sur la planche qui faisait office de comptoir. Les buzz promettaient d’être délicieux. Il se souvint soudain de la dernière fois qu’il avait vu Colette et des kuushuurs savoureux qu’ils avaient partagés. C’était juste avant qu’il n’aille abandonner aux ours dans la forêt le corps blessé d’un salaud qui avait massacré une petite famille. Et maintenant Colette était morte elle aussi.
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Il leur fallut plusieurs heures de marche et de romantisme français pour rejoindre le musée. Le professeur avait eu bien besoin de l’esprit des Lumières et de l’écoute de Grandgousier pour conjurer sa peur. Il se laissa glisser le long du pelage rêche incrusté de givre, enserra encore le cou du yack, puis le regarda disparaître dans la nuit d’un pas nonchalant mais sans hésitation. Il rentrait chez lui, et chez lui c’était n’importe où dans la steppe. Quand il eut disparu, le professeur aussi rentra chez lui. Il se laissa tomber dans son vieux fauteuil et la terreur de ce qu’il venait de vivre le secoua soudain de sanglots puissants.
Quand il parvint à se reprendre, après une longue gorgée d’artz, il chercha son portable et laissa un message à ce drôle de Yeruldelgger.
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Ce qui se voit, c’est que ton cœur est meurtri. De cette ville, de ce que deviennent les gens, de ce que tu fais pour vivre, de ce que tu ne peux plus faire pour les autres. Tu es fort dehors, mais tu pleures à l’intérieur. Alors que tu aimerais que la montagne sacrée te rapproche du ciel, tu as au contraire l’impression qu’elle pèse toute entière sur tes seules épaules. Tu voudrais remettre de l’ordre dans ta vie et dans la ville, mais tu ne peux le faire que par la force et la colère.
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