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Citations sur Yeruldelgger, tome 2 : Les temps sauvages (127)

- Mardaï était officiellement une "ville secrète" jusqu'en 1989.Aucune photo, aucune carte. Tu captes l'ironie de l'histoire? Tu vas sur Google en mode satellite et tu vois ce qui reste de cette ville. Tu passes en mode plan, et tu ne vois plu rien. Zone grise. Carte indisponible. Quinze ans après le départ des Soviétiques! Ces trucs de villes interdites, c'est vraiment un truc de Russes. Même chose pour Krasnokamensk : tu vois chaque détail de la moindre rue en mode satellite, mais zone grise en mode plan. Tu viens de là-bas je crois?
- Comment sais-tu que j'étais à Krasnokamensk?
- " Quand la steppe est trop grande, c'est le vent qui apporte les nouvelles", plaisanta le pilote en citant un vieux proverbe que Yeruldelgger n'avait plus entendu depuis longtemps.
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Chaque chaos a son ordre, chaque désordre sa logique.
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Lui et Solongo, c'était comme un rocher au milieu de l'eau. Ils auraient pu rester leur vie entière l'un contre l'autre, lui immobile et solide et elle profonde et calme.
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Erwan se retourna vers Zorig qui pestait toujours contre la perte de ses dessins.
– Zorig, il faut faire quelque chose. Tu as déjà vu un truc pareil ?
Zorig s’approcha de lui de mauvaise grâce et s’appliqua à observer le cadavre un long moment en silence.
– Oui, finit-il par lâcher.
– Oui quoi ?
– Oui j’ai déjà vu…
– Quoi, quelqu’un mort comme ça ?
– Non, une gravure, dans un livre. La mort de Djamuka.
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Depuis qu’il était rentré en Mongolie, il posait son chevalet loin à l’écart des autres, fixait la steppe à s’en hypnotiser le cœur, et laissait revenir à lui tous ses souvenirs de jaunes à marée basse, de courants irisés, de houles vert-de-gris, de vagues sombres et bleues brodées d’écume dentelée ou de falaises immaculées échevelées d’herbes folles. Depuis trois ans, Al ne peignait que des marines bretonnes au cœur de la steppe.
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Al s’éloigna sans répondre. Quelques années plus tôt, les trois artistes mongols s’étaient invités par surprise dix semaines dans la maison d’Erwan en Bretagne, et Al était resté marqué par les mers échouées à marée basse, les houles lourdes et laiteuses comme des huîtres pleines, les côtes ventées sur lesquelles leur hôte les avait poussés à planter leurs chevalets. Seul Al n’avait rien pu peindre. Rien. Il n’avait pas su. Aucun vert de ces ressacs moirés, aucun embrun argenté, aucune de ces brillances, de ces transparences épaisses et rondes. Il était resté sec de toute inspiration, stérile, immobile et muet, des heures entières, dans le vent continu aiguisé de poussière de granit ou dans l’explosion tonitruante des gerbes d’écume en geysers soufflées depuis le pied des falaises. Perdu à en pleurer face à l’immensité de l’horizon qui le laissait sans art. Vide.
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– Parce que c’est ça la force de notre projet, petit Breton de merde, répliqua Zorig. Le retour à la steppe. La pureté du trait pour la pureté des origines. La couleur première. La lumière d’avant, celle qui portait les messages, les deuils et les noces, les douleurs et les sourires, les cris et les pleurs à travers le temps et l’espace, avant le téléphone !

– Hey, où est passé Naaran ? coupa Al, interrompant la dispute, son chevalet sous le bras et tous ses pinceaux à la main.

– Je suis là !

Ils se penchèrent tous les trois par-dessus le vide d’où montait la voix. Leur compagnon s’était installé dans la pente rocailleuse, juste en dessous de la pierre qui lestait le corps. Ils convinrent en silence que la perspective devait être esthétique et inattendue. La pierre en gros plan, les bras distendus au bout de la corde dans son prolongement, et la tête tout en haut renversée contre le ciel, les yeux révulsés, la nuque épousant la courbe minérale de la roche. Zorig se retourna par réflexe pour vérifier la couleur du ciel. Bleu immobile. Ce con de Naaran savait toujours trouver les plus belles lignes de fuite dans les grandes couleurs plates.
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– Il faut appeler les secours ! les raisonna Erwan.

– Quels secours, il est mort !

– Au moins la police, alors.

– Tu connais la règle, nous partons toujours sans téléphone.

– Je suis content d’avoir triché alors, avoua le Français en sortant un smartphone de sa poche.

– J’y crois pas ! grogna Zorig en lui arrachant l’appareil des mains pour le fracasser contre un rocher. Erwan, c’est notre règle : on part et on peint, rien d’autre. On coupe tout avec tout le monde. C’est l’art nomade, putain !

– Quoi, l’art nomade, quel art nomade ? s’énerva Erwan, rouge de colère devant son iPhone 6 en miettes. Le premier cavalier venu a un smartphone dans la poche de son deel et une parabolique à la porte de sa yourte. Tout juste si maintenant ils n’ont pas des GPS accrochés à la selle de leur cheval quand ils galopent. Alors qu’est-ce que tu me bassines avec ton art nomade !
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C’est Erwan, en touriste curieux, qui avait eu l’idée de leur première virée sauvage. Il avait embarqué tout le monde dans son Land Cruiser de location vers les grandes steppes enneigées. Sur les conseils de Zorig, excité par le projet, ils étaient partis à l’est par Nalaikh pour plonger vers le sud et revenir vers l’ouest sur Zuunmod planter leurs tentes, aussi inspirés qu’avinés, face au massif du Bogd Khan. Ils avaient peint des jours entiers, fous possédés par des muses aimantes, dispersés dans la steppe avec leurs chevalets, emmitouflés comme des conquérants des pôles d’un autre âge, face au mont sacré éclaboussé de plein fouet par le soleil ras et froid du sud. C’est là que Zorig avait pour la première fois dilué sa vodka dans l’eau de ses aquarelles pour éviter qu’elle ne gèle. Et le soir, dans les mauvais bivouacs, s’étaient scellées ces amitiés nouvelles au nom desquelles ils avaient inauguré le rite du partage de ce breuvage coloré pour résister au froid dans leurs maigres duvets.
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Erwan ne sut pas quoi répondre. Il les connaissait, pourtant. Depuis dix ans il venait de France les rejoindre pour ces ateliers nomades et sauvages à travers la Mongolie. De sa Bretagne natale très exactement. Deux ou trois mois dans l’année, à peindre en pleine nature, sans contrainte, sans programme, sans itinéraire. À la vagabonde. Dix ans plus tôt, il les avait rencontrés dans un loft pour artistes, en plein hiver. Ils squattaient une aile abandonnée du bâtiment de l’Union des syndicats, face au palais du Gouvernement. Survivance d’une tolérance soviétique envers les artistes prolétaires et de la capacité de l’âme nomade à occuper les espaces désaffectés. Bien entendu, l’avidité financière pour les friches en cœur de ville les en avait chassés depuis, mais à l’époque Zorig l’avait accueilli, étonné par son carnet d’esquisses des côtes de Bretagne et de Normandie. Il l’avait présenté aux autres et ils avaient bu et peint comme des forcenés dix jours durant.
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