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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voyage au bout de l'amour.

On m'avait bien dit qu'Un homme pareil aux autres de René Maran était un de ces voyages littéraires qui marquent son lecteur. Et on m'avait dit vrai, tellement ce roman de 1947 est fluide et beau, au style à la fois poétique dans ce qu'il décrit et clinique dans ce qu'il dénonce.

Ce voyage, c'est celui de Jean Veneuse, brillant administrateur colonial envoyé de métropole au Tchad pour y faire régner la doxa républicaine et contrôler les populations locales. Mais aussi un « nègre » parmi les siens aux yeux de la société raciste des années 20.

Ce voyage, c'est celui de l'Afrique que Veneuse rejoint et traverse, en paquebot depuis Bordeaux puis en Vapeur via le Sénégal jusqu'à Kokaga puis Moussananga. L'occasion de pages sublimes comme autant de cris d'amour à une terre qui n'est pourtant pas la sienne, lui le natif des Antilles.

Ce voyage, c'est celui du plafond de verre racial que la société impose aux Noirs de l'époque, tout en exonérant Veneuse avec gène (« Je ne parle pas de vous, bien entendu, mon cher Veneuse »). Mais aussi son poids insupportable qui enclenche chez Veneuse une forme de sentiment d'usurpateur.

Ce voyage, c'est surtout celui de l'amour, de Veneuse pour Andrée, l'aimée blanche qu'il préfère fuir par crainte de l'aimer, sans pouvoir jamais la détacher de ses pensées. Omniprésente et culpabilisante jusque dans les bras de son amante de voyage ou dans la solitude de sa case.

Ce voyage c'est enfin celui de l'émotion, celle ressentie par Veneuse devant l'hommage touchant de ces villageois africains qu'il quitte, et celle du lecteur qui ne cesse de monter au fil des pages. Sans oublier celle de la littérature, qui élève et qui sauve.

« Lire a toujours été mon vice. Je puise dans les enseignements qu'il me donne une satisfaction d'autant plus vive qu'elle est secrète (…) Quel malheur qu'on ne puisse aimer les hommes comme on aime les livres (…) Mais lire, hélas ! n'est pas toute la vie… »

Si ça n'est pas déjà fait, embarquez pour ce voyage !
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Fidèle aux éditions du typhon dont on ne peut qu'apprécier la constance et leur volonté de creuser ce qui abime une époque, j'ai lu Un homme pareil aux autres de René Maran. Première découverte : René Maran est le premier auteur noir à avoir reçu le prix Goncourt en 1921. Seconde découverte de l'ordre de l'affinité élective, les éditions du typhon ont eu la bonne idée de confier à Mohamed Mbougar Sarr la préface.
Quant au roman, c'est le parcours d'une douleur. Un jeune homme se déteste pour sa couleur de peau alors il va se saborder : perdre la femme qu'il aime et dont il est aimé tout en prenant un poste d'administrateur colonial soit vivre de plein pied l'expérience du déchirement. Trop blanc pour les Noirs ; trop noir pour les Blancs, il est sans cesse tiraillé. Mais sur son chemin de croix, deux lueurs : la littérature qui le sauve ; une mutation intérieure qui lui permettra de s'aimer un peu pour recevoir l'amour de l'autre.
Dans une langue précise, érudite, lumineusement mélancolique, René Maran sonde une haine, celle de la différence et l'impact de celle-ci sur le rejeté. Ce que l'on en retient n'est pas une lamentation (au passage justifiée) mais une leçon de courage.
Un homme pareil aux autres est un livre dont on ressort grandi !
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NOIRE INTIMITE

Années 20.
Il est éduqué et instruit, administrateur colonial pour la France. Il s'appelle Veneuse.
Elle est à Paris et depuis leur rencontre, elle l'aime et attend de ses nouvelles. Elle s'appelle Andrée.
L'un et l'autre s'aiment d'un amour profond, romantique, prêt à s'épanouir.
Pourtant cet amour parait totalement inconcevable à Veneuse, malgré ses sentiments sincères et puissants.
Car lui est noir. Elle est blanche.

Selon Veneuse, face au qu'en dira-t-on et au racisme rampant, la seule solution est de renoncer. A jamais.
Car il est selon la formule convenue alors, « le sale nègre ».
Un poste d'administrateur colonial l'attend au Tchad, l'occasion idéale pour fuir cet amour impossible.
Mais vous connaissez la pensée pascalienne : « le coeur a ses raisons que la raison ignore »…
Rien ne peut lutter contre l'amour éternel. Il hante votre âme, votre coeur et fait vibrer tout votre corps.
Andrée est toujours là, elle est sa fidèle compagne de voyage et emplit malgré son absence ses longues journées sur le bateau.
Quitter la France c'est pour lui comme s'arracher le coeur. Il subit ce départ, en est le spectateur, le corps déjà parti, le coeur auprès d'Andrée.
Mais l'amour ne suffit pas, il en est convaincu. La couleur de peau s'impose et s'interpose. le racisme ordinaire lui rappelle sans cesse, à lui qui n'aspire qu'à être « un homme pareil aux autres », qui n'aspire qu'à aimer. Andrée est la seule qui compte à ses yeux mais elle est surtout l'inaccessible.

Dès les premières lignes de ce roman de René Maran, premier auteur noir à recevoir le Prix Goncourt en 1921 (autant vous dire que ça a fait du bruit !), je savais que c'était un gros coup de coeur.
L'incipit m'a saisie et ébranlée d'emblée. Comme Veneuse, mon coeur s'est déchiré. Et plus je tournais les pages plus j'aimais ce roman et surtout ses descriptions des paysages traversés, véritables incarnations de toute la solitude incurable du personnage.

René Maran a composé ici un magnifique roman sous forme de road trip colonial et amoureux, portant un personnage souvent sombre, jouant parfois les Cassandre, laissant s'évader sa pensée jusqu'en France et constatant désarmé son incapacité à croire en l'avenir de son amour.

Un roman assez différent il me semble des autres textes que j'ai lus des éditions du Typhon mais qui restera certainement un de mes préférés par les émotions qu'il a suscitées en moi.
Je vous en conseille vivement la lecture pour vivre la douceur mais aussi les douleurs de ce voyage incontournable.
Merci aux toujours excellentes éditions du Typhon d'exhumer de tels textes d'une très grande qualité littéraire.
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Un très beau livre, une autofiction semble-t-il, qui aborde avec profondeur la condition noire, dans les relations sociales, et particulièrement dans la relation amoureuse.

René Maran, au travers du personnage de Jean Veneuse, s'interroge sur la légitimité d'un homme noir à se marier avec une femme blanche européenne, au temps des colonies. Leur amour semble clair et partagé, puissant mais pudique, et pourtant sa condition d'homme noir l'empêche. Se peut-il qu'un "nègre", quand bien même sa culture et son intelligence, son éducation et sa sensibilité, n'ayant rien à envier à ceux d'un "blanc", se marie avec une "blanche" européenne?
Il n'est qu'un nègre au regard des autres, les rapports sociaux du quotidien le ramènent en permanence à cette condition. le récit interroge justement avec subtilité cette condition de l'homme noir à cette époque, et explore également le racisme "introjecté". L'auteur est imprégné par sa condition, sa position sociale et bien sûr par l'histoire tragique du peuple noir. Au point qu'il lui semble impossible voire illégitime de dépasser la frontière qui le sépare d'Andrée Marielle, sa promise et bien-aimée.

Enormément de poésie dans le style, une grande sensibilité dans l'écriture, notamment dans les descriptions sublimes des côtes africaines ou encore de l'océan et des couchers de soleil.

C'est à la fois un roman profond de réflexion sur la condition noire, et une ode puissante à l'amour et au désir.
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René Maran a ses détracteurs sur le plan littéraire, je n'en suis pas. La langue est belle, très classique. C'est Veneuse lui-même qui est censé rédiger la majeure partie du roman sous forme de journal intime, d'où une dimension pastiche indéniable : ça sent la khâgne et l'école coloniale. La dernière phrase est un pur joyau.
"Veneuse" décrit à merveille l'hypocrisie et les micro-agressions de la petite société qui se crée à bord du paquebot, puisque beaucoup de passagers supportent difficilement de devoir traiter un homme noir comme leur égal. Certaines situations et réflexions ont une pertinence toujours actuelle. Cela ne l'empêche pas d'avoir lui-même des réflexes racistes et de se conduire en cliché du fonctionnaire colonial.
Ce roman peut être une lecture éprouvante à cause de la misogynie du personnage (il y a pire, certes, mais on ne va pas le féliciter d'enjamber une barre au sol) et surtout de son misogynoir : épouser une femme noire n'est pas une option pour Veneuse, aucune ne peut l'égaler socialement et intellectuellement.

Si Maran s'est beaucoup inspiré de sa propre vie, ce serait une erreur de confondre roman et biographie comme le rappelle M. Mbougar Sarr dans la préface (qu'il ne faut surtout pas lire avant d'avoir terminé le roman, il divulgache presque tout). Je vois désormais encore plus de liens entre cette oeuvre et La plus secrète Mémoire des hommes.
Mais on comprend bien pourquoi Maran est passé à côté du mouvement de la négritude.

TW : mot en N évidemment, c'est d'époque.
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