Je n'avais jamais lu de littérature africaine avant "Batouala". Ce livre est une jolie perle. Tout d'abord, le style d'écriture est très particulier, à mi chemin entre prose et poésie. Assez dur de se mettre dedans, mais une fois qu'on y est, on se laisse porter. le sujet, ensuite. Ce livre est une lutte contre le racisme des blancs, contre l'utilisation des tirailleurs sénégalais pendant la première guerre mondiale. Et l'auteur, en nous offrant une vision de la vie des noirs, parvient à nous faire passer cette critique, à nous faire comprendre le pouvoir qu'avait les blancs à l'époque. Un petit bémol pour la scène de l'excision, un peu dure à passer...
Voilà cependant un livre qui donne envie de découvrir plus amplement la littérature africaine.
« Que votre voix s'élève !
Vous, les écrivains de France, il faut que vous aidiez « ceux qui disent les choses comme elles sont, non pas telles qu'on voudrait qu'elles fussent.» clame dans la préface de son livre René Maran.
Batouala, « Véritable roman nègre » a reçu le prix Goncourt il y a juste 100 ans. Ce fut un tollé, d'abord parce que l'auteur n'était pas connu, aussi parce que sa description, par delà la poésie et le lyrisme indéniable, s'attache aux coutumes d'un village d'Oubangui Chari( actuelle Centrafrique)et qu'il y fait, surtout dans sa préface de la première édition (1921) le constat de l' exploitation des « nègres », leur embrigadement dans la guerre de 1914, parce que les « frandjés étaient en palabre avec les zalémans et qu'ils les battaient comme on ne bat pas son chien. ».
Et puis le cours du caoutchouc est tombé, plus de travail.
Goncourt, donc, pour cet auteur antillais, fonctionnaire de préfecture, nommé Administrateur du Ministère des Colonies en Oubangui-Chari, Goncourt qui soulève des vagues : celles de l'Administration française, qui veut bien entendu former une élite « indigène » sachant lire et écrire, mais qui n'admet pas que de l'intérieur, on dénonce les pratiques coloniales ; celles aussi d'écrivains africains, pas très contents que leurs coutumes soient mises à jour comme par un anthropologue les jugeant tels qu'ils sont.
C'est dans son introduction, remaniée en 1937, que René Maran , qui, entre temps, a été doucement poussé à démissionner de l ‘administration, a subi critiques et pamphlets, dénonce les pratiques coloniales, en particulier cet impôt « de capitation », qui pousse souvent les africains à la plus grande pauvreté, jusqu' à vendre même leur femme.
Ce roman est tout objectif, nous dit l'auteur. Il ne tâche même pas d'expliquer. Il constate. Il ne s'indigne pas : il enregistre…. C'est un roman d'observation impersonnelle.
Ses coutumes, le fait qu'une femme doit allaiter 2 ou 3 ans, pendant lesquels elle ne peut faire l'amour, les fluides ne devant pas se mélanger amènent à l'obligation pour l'homme de prendre d'autres femmes.
Les fêtes, pendant lesquelles ont lieu la circoncision et l'excision ( mon professeur d'ethnologie disait que ces pratiques avaient pour but d'éliminer dans chaque sexe ce qui ressemble le plus à l'autre sexe : les membranes chez l'homme, et le clitoris érectile chez la femme.) sont décrites telles qu'elles.
René Maran parle du désir fou, malgré les tabous comme par exemple celui des règles « impures » donc l'impossibilité de faire l'amour ces jours-là.
Il parle aussi des rites funéraires, et de la pensée que la mort ne pouvant être naturelle, il s'agit de chercher et trouver le responsable…. Parfois, cette recherche recoupe une vengeance privée…. Mais bon.
Que votre voix s'élève, vous les écrivains de France!
Dans la reprise de sa préface en 1937, il reconnaît que la prise de conscience de personnes bien placées qui pourtant étaient au courant des horreurs commises : «Après tout, s'ils meurent de faim par milliers, comme des mouches, c'est que l'on met en valeur leur pays »s'est accomplie grâce à André Gide avec son Voyage au Congo en 1927, et Denise Moran qui a écrit Tchad peu après.
Et bien sûr, il en a été le précurseur.
Pour le centenaire du prix Goncourt, la Bibliothèque Nationale de France organisera avec l'académie Goncourt, le 1 · décembre 2021, un événement commémoratif dans son auditorium.
Prix Goncourt 1921, précurseur de la littérature de la négritude, censuré et conspué à sa sortie pour sa dénonciation du quotidien du colonialisme.
Étonnant livre, prix Goncourt en 1921, précurseur de la littérature de la négritude, et qui valut à son auteur, administrateur colonial d'origine antillaise, les foudres de la censure, et une carrière brisée.
Cette histoire d'un chef villageois traditionnel de l'Oubangui-Chari (Centrafrique), ébranlé dans ses certitudes, lorsqu'à ses soucis personnels (infidélités supposées ou redoutées de sa première épouse, prestige au sein de la communauté, rivalité avec un chasseur plus jeune et conquérant,...) s'ajoute l'ombre du premier conflit mondial, et de la levée accrue de "tirailleurs sénégalais" (engagés dans toute l'Afrique française), cède certes un peu trop, sans doute, à une tentation de la description exotique...
Il vaut surtout par sa préface, qui explique le dessein descriptif et l'honnêteté de l'auteur, dénonçant en effet les méfaits du colonialisme, d'une manière toutefois suffisamment timide pour que le déchaînement de la censure et du scandale, à l'époque, n'en apparaisse que davantage significatif pour un lecteur contemporain : fallait-il donc que le racisme et l'exploitation soient bien ancrés dans la conscience du colon et de ses soutiens métropolitains pour "punir" ainsi un livre aussi... anodin, en fait (pour notre regard d'aujourd'hui en tout cas).
"Montesquieu a raison, qui écrivait, en une page où, sous la plus froide ironie, vibre une indignation contenue : "Ils sont noirs des pieds jusqu'à la tête, et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre."
Après tout, s'ils crèvent de faim par milliers, comme des mouches, c'est que l'on met en valeur leur pays. Ne disparaissent que ceux qui ne s'adaptent pas à la civilisation. (...) Civilisation (...), tu bâtis ton royaume sur des cadavres."
"Batouala", de René MARAN est considéré comme le premier roman nègre écrit par un nègre. Point de départ de la "Négritude", mouvement littéraire et artistique qui nourrira l'émergence d'une culture noire et de sa conscience, il a été écrit en 1921. Primé par le Goncourt, son auteur, obligé de démissionner de son poste au Ministère des Colonies, sera vilipendé par tous ceux qui n'étaient pas prêts à imaginer qu'un noir puisse penser et écrire sur sa vie, celle de sa tribu, ses traditions et la sagesse qui était parfois bien plus du côté des "sauvages" que du côté des "Blancs" !
L'histoire est celle de Batouala, patriarche respecté de sa tribu. Pour lui, la vie est simple. Tous les jours, faire de son mieux pour vivre dans le respect des Anciens et des présents. Entre la pipe matinale, la chasse, les honneurs à rendre à son épouse et à ses autres femmes, rivales, Batouala nous conte la vie, son quotidien, les fêtes oniriques de la tribu, les moeurs de passage de l'enfance à l'âge adulte. Il nous conte aussi son interrogation sur ces traditions qui se perdent, les anciens qu'on n'écoute plus de la même façon, leurs expériences et connaissances que les jeunes délaissent et la convoitise de ces derniers. Bref, il nous conte un monde qui change, qui se perd. Il nous entraîne vers sa fin, sa mort.
René MARAN développe une écriture qui est celle des conteurs africains (que l'on connaît maintenant). Mais au-delà de leurs descriptions émerveillées de la nature, de la force et la beauté des êtres, bêtes, hommes et femmes qui y vivent, il nous faut entendre le fond. MARAN nous parle d'un monde en mutation, d'un monde qui disparaît, d'un autre qui doit advenir.
Intéressant de lire ce livre plus de 90 ans après sa première parution et de refléter son histoire dans le miroir de notre temps présent, lui aussi, toujours en mutation.
Dans ce roman de l'antillais René Maran, prix Goncourt de 1921, nous suivons des évènements autour du chef de tribu Batouala. L'histoire se passe en Afrique équatoriale française, en Oubangui-Chari, aujourd'hui république centrafricaine.
Nous sommes donc dans la brousse, dans la maison du chef, dormant contre l'une de ses 9 femmes, autour d'un foyer éteint. le roman commence doucement, comme tous les matins au fond de la brousse. Les gens n'ont ici pas à se presser, loin de ce capitalisme européen qui les rend pauvres (très légers contacts avec l'administration dans ce roman). René Maran décrit très bien le réveil des hommes, des femmes et du chien, cet animal sur lequel on tape toute la journée (c'est encore le cas aujourd'hui). On ressent pleinement cette douceur de la nuit, se réveille tranquille, puis le commencement des activités féminines autour des cuisines, ainsi que les longues parties de chasse des hommes. Ici, pas de tabou, le sexe est décrit sans problème et les débordements liés à l'alcool et au sexe lors des cérémonies de circoncision et d'excision non plus. Aucun tabou.
Mais le fait de coucher avec n'importe qui lors de ces cérémonies peut avoir aussi quelques problèmes. C'est ainsi que Batouala va mener la chasse à un jeune guerrier, dont toutes les femmes raffolent, dont l'une des siennes qu'il vient visiter dès qu'il a le dos tourné.
C'est donc un roman qui retransmet bien la réalité de la brousse et de ces petits villages où l'on fuit l'européen et ses moeurs étranges. La terreur et l'incompréhension de celui-ci sont bien retransmis. On suit bien le cours des journées tranquille et des fêtes, alors que ce roman ne fait même pas 200 pages. L'auteur fait donc passer énormément de sentiments en très peu de page, rendant le roman très intense et plaisant. A absolument lire.
Dans quel pays d'Afrique se passe une aventure de Tintin ?