Le loup rouge

- Non, non, non, répondit l'archiviste. Rien d'inhabituel. J'ai passé ma date de péremption, mais je peux rester au frigo encore quelques jours avant qu'ils me jettent. C'est juste que personne n'achète quelqu'un qui devient de plus en plus acide et prends la place des produits frais, mais ça ira, c'est comme ça dans la société de nos jours.

L’air dans la salle de conférence au septième étage de la Fédération des Communes était irrespirable. […] Thomas s’essuya le front. […] Sophia était partout avec lui. Là, elle était assise entre les lignes de la proposition de la commission pour la programmation à long terme, ses talons hauts claquaient entre les documents de coopération et les envois de documents du congrès au représentant de la Fédération des Conseils Généraux. Thomas se pencha en arrière, écouta les directives hachées du directeur des Communes et laissa glisser ses yeux sur les participants. Sophia en costume rayé blanc et chemisier en soie avec ses dents blanches et ses cheveux parfumés à la pomme, près de la fenêtre. Sophia, en soutien-gorge de dentelles, lèvres entrouvertes, appuyée contre le support de papier accroché au mur. Sophia sans culotte à califourchon sur le rétroprojecteur. Il se gratta la gorge, secoua la tête et força son cerveau à revenir à la réalité.

Renoncer volontairement à sa liberté pour un autre être humain, ça arrive uniquement dans notre société.

- Tu dois te faire aider, dit-elle. Tu entends, Annika ? Tu ne peux pas te balader avec des araignées au plafond.

- La révolution est morte, répondit durement le Dragon. La société capitaliste qui traite les gens comme du bétail a gagné et avec elle toutes les idéologies mensongères : la démocratie, la liberté d’expression, la justice devant la loi, les droits des femmes. […]
- La classe ouvrière a été réduite en une horde de consommateurs imbéciles, aux cerveaux lavés reprit Nilsson. Il n’y a plus aucune volonté d’obtenir réparation. Les autorités illégitimes mènent le peuple à l’abattoir sans que personne ne proteste. […]
- Ceux qui ont le pouvoir utilisent les gens, maintenant comme toujours, dit-il d’une voix claire et sûre. Comme de tout temps, mais aujourd’hui ce sont des gouvernements élus par le peuple qui laissent les patrons nous surexploiter. J’ai accepté qu’il en soit ainsi, et j’ai combattu à ma manière. La révolution?
Il secoua la tête.
- Il n’y aura jamais de révolution. Les gens l’ont vendue pour du Coca-Cola et la télévision câblée.

Les paroles de Mao, citées par des voix tremblantes de jeunes garçons, avaient éclairé dans l’obscurité. Elles avaient été reçues dans l’euphorie, sans la moindre trace de doute : « Les peuples du camp socialiste doivent s’unir, ceux des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine doivent s’unir, les peuples de tous les continents doivent s’unir, tous les pays épris de paix comme tous les pays victimes de l’agression, de la mainmise, de l’intervention et des vexations des États-Unis doivent s’unir, afin de former le front uni le plus large contre la politique d’agression et de guerre de l’impérialisme américain et pour la défense de la paix mondiale. »

Homme, l’esclavage sera ton lot, sous la domination du capital.

L’immuable jouait un rôle de plus en plus important, c’était quelque chose qu’elle sentait, à la fois pour elle même et pour la société. Quand le chaos régnait et que la guerre changeait de nature, il était plus important que jamais de regarder en arrière, de tirer profit de l’Histoire.

Il alla dans la penderie vérifier que son sac de marin était toujours là.