L' Écosse, vielle terre ridée et usée, avait été la Calédonie pour les Romains, la Dalriada pour les Scots venus d'Irlande. Puis elle avait été appelée le royaume d'Alba par les Pictes et enfin le royaume de Scotti.
Mais qu'était la vie d'un homme ? Un espace de temps insignifiant dans l'éternité, mais si riche et intense, jalonné d'épreuves parfois si terribles. Comment un homme pourrait-il les traverser sans amour ? Et que restait-il de cet homme après son passage, aussi insignifiant fût-il, sur cette terre ? Ses enfants ? Sa chair, son sang, bref le prolongement de lui-même. La preuve irréfutable qu'il avait été et qu'il avait occupé un rôle quelconque, dans l'histoire des hommes.
Pendant la journée, mon esprit avait eu tout le loisir de se perdre dans les méandres de l'analyse des derniers faits que j'avais appris. Il avait sauté d'une thèse à une anti-thèse. Il s'était égaré sur le chemin du doute. Il avait trébuché sur des éléments nouveaux, quelques détails, quelques lacunes qui m'avaient échappé dans mon affolement. Il avait un moment pris le sentier de l'optimisme. Puis, il s'était heurté durement au mur des évidences, de l'irréfutable... pour finalement revenir à la case départ.
Nous avons tous dans notre vie des épisodes que nous voudrions effacer à jamais. Mais c'est impossible, ma fille. Cela fait partie de nous. C'est ce qui nous façonne, tu sais. Nous sommes comme de la pâte entre les mains du destin. Chaque coup du sort laisse son empreinte.
Le crépuscule embrasait la vallée et peignait d'or et de pourpre les collines couvertes de bruyères et de hautes herbes brûlées par le soleil d'été. Une partie des bêtes de Glenlyon y paissaient tranquillement, ignorant les regards qui les convoitaient.
Duncan Macdonald retira son béret de laine bleue et passa ses doigts dans sa tignasse couleur corbeau qui brillait dans les derniers rayons du soleil.
– Hum... Si nous arrivons à tous les prendre, ce sera du bon travail. Il doit bien y avoir une trentaine de têtes dans ce troupeau. Ces imbéciles de Campbell croyaient-ils qu'après notre échec du mois dernier nous ne reviendrions plus leur rendre visite ?
Quelque chose frôla ma main. J'ouvris les yeux.
Frances s'était agenouillée devant moi et me tendait le petit mouchoir brodé de tante Nellie.
- Demain, tu dois retourner à Carnoch, maman.
- Oui, hoquetai-je entre deux sanglots. Pourra-t-il jamais me pardonner d'avoir douté de lui?
- Papa t'aime, et aimer n'est-il pas pardonner?
- Frances... C'est parfois si difficile de pardonner.
- Il comprendra que tes mots ont dépassé ta pensée.
J'essuyai mes yeux et me mouchai; je caressai la joue de ma fille qui me regardait avec compassion.
- Je ne sais pas; sa blessure est profonde. Mais je le souhaite de tout mon coeur.
Si la défaite avait laissé aux insurgés un goût amer , elle ne leur avait pas enlevé l'espoir d'arriver un jour à leurs fins . Certes , les anglais nous avaient à l'oeil.Mais les années passeraient , et un jour un homme se lèverait et brandirait de nouveau une croix ardente.Alors les clans sortiraient de leur léthargie et fourbiraient l'acier tranchant de leur armes , astiqueraient leurs mousquets.Puis les cris de guerre retentiraient dans les vallées pourpres et ocre des Highlands et feraient vibrer les guerriers endormis.Le sang des Gaels se remettrait à bouillir dans leurs veines.Les anglais devraient se méfier de l'eau qui dort . Les écossais avaient la tête aussi dure que le granit de leurs montagnes:Jamais ils n'abandonneraient