Eléments de philosophie angélique

Qu’est-ce que vouloir ?
D’abord, se faire une idée de ce qui doit être. Ensuite, agir pour la réaliser.
Vouloir : le mental s’oppose au réel pour s’imposer à lui.
La volonté, c’est la pensée qui prend le pouvoir sur la vie. (page 185)

Agir : réaliser ce qui est impossible.
Faire : se limiter au champ du faisable.
… agir n’est pas faire : le faiseur répète ; l’acte est créateur.
Or créer, c’est opérer une réalisation qui dépasse les seules forces de celui qui crée ; c’est réaliser ce qui est impossible. C’est pourquoi l’on parle d’inspiration. Être inspiré, c’est recevoir quelque chose que l’on ne peut se donner soi-même. Face à son œuvre, l’artiste s’émerveille, car ce qu’il connaît de lui-même ne suffit pas à expliquer celle-ci. À lui seul, l’œuvre était impossible. Mais il a reçu plus que lui-même.
Faire, au contraire, c’est se limiter à ses propres capacités.
Nul besoin de m’ouvrir à ce qui me dépasse !
Rien de nouveau, rien d’inédit, rien d’impossible dans le faire, puisqu’il s’agit seulement de répéter. (pages 155-156)

Être moderne, c’est décider d’ignorer l’inexplicable.
Hélas, si tout s’explique, plus rien n’a de sens.
Tout ce qui donne à la vie son sel, son intensité, sa signification réside dans l’inexplicable.
(Page 214)

Notre humanité n’est pas accomplie.
Chacun de nous est appelé à devenir humain.
Cet ouvrage est une introduction au thème de ce devenir. (…)
Comme il est des mises en bouche, ce livre est une mise en désir.
(page 11)

Culpabilité : illusion d’être puissant sur le passé.
Souci : illusion d’être puissant sur l’avenir.
Paix : conscience qu’il n’y a de puissance que maintenant.
(page 23)

Solitude : face obscure du miracle d’être unique.
Fuir la solitude, c’est échapper à sa propre singularité.
Ne pas être seul, c’est ne pas être soi.
(page 35)

Tout chemin de libération passe donc par un usage immodéré, mais léger et joyeux, du remords.
(page 25)

Le sujet moderne, Nietzsche l’a diagnostiqué, est donc pure volonté de puissance.
Or, vouloir la puissance pour la puissance, c’est vouloir ce que veut la pulsion, c’est-à-dire la toute-puissance, et cela n’a aucun sens.
Le moderne ne transforme les choses que pour vérifier qu’il règne sur elles, et il ne veut régner que pour échapper à l’angoisse issue de la nouvelle donne existentielle.
(Page 292)

Chaque fois que nous n’avons mal nulle part en effet, le comble du plaisir, l’absolue béatitude nous sont offerts : pure joie d’être, pur plaisir de se sentir vivant.
Mais cela ne nous arrive jamais. Car la douleur est toujours présente, même lorsque nous sommes en bonne santé et que notre corps nous laisse en paix. Pour quelle raison ? Parce que nous sommes perpétuellement tendus, tendus vers des « objets de plaisir », raidis contre l’expérience, ici, maintenant, de notre chair vivante. Si nous lâchons nos négations, notre refus de la sensation, nos fuites vers d’illusoires soulagements, alors s’installent une détente totale, un accueil inconditionnel de la vie, un absolu bonheur.
(Page 261)

Devenir épicurien, c’est prendre conscience que le plaisir n’est pas dans les objets mais dans les corps : le plaisir, c’est le corps, quand on ne le fuit plus.
L’existence incarnée est en soi un plaisir, le seul vrai plaisir, le Plaisir absolu. La sagesse, selon Épicure, c’est l’âme qui se réjouit de son union à une chair.
(Page 262)