Eléments de philosophie angélique

Désirer, c’est toujours aller vers ce qu’on ne sait pas. Au contraire de la pulsion qui, Freud l’a montré, est régressive et vise le rétablissement d’un état antérieur, le désir, lui, va de l’avant. Son seul objet est l’inconnu.
(Page196)

Philosophie angélique… On peut s’étonner de cette alliance de mots accolant la rigueur d’un mode de pensée rationnel à une notion religieuse désuète qui évoque en général une forme de béatitude mièvre et déconnectée des réalités.
Mais écoutons l’étymologie du mot. Angélia, en grec, signifie l’ « annonce du nouveau » (d’où Évangile, la « Bonne Nouvelle »). Ainsi l’ange est-il, étymologiquement, celui qui annonce le nouveau.
(page 9)

Agnosticisme : position philosophique du croyant qui s’ignore.
Les croyances minimales d’un agnostique sont au nombre de trois :
Il croit qu’il n’a pas de croyance.
Il croit qu’aucun savoir métaphysique n’est possible.
Il croit que la saisie d’une vérité métaphysique est de l’ordre du savoir.
(page 13)

En effet, la vie en société, c’est-à-dire la vie sous le regard d’autrui, a pour l’individu des conséquences dramatiques.
Pour correspondre aux attentes sociales, aux conventions (ne qu’en grec on appelle nomos), il va se construire une personnalité fausse.
Il va se nier lui-même, se couper de ce qu’il est, de la spontanéité de sa nature.
Devenu un être de convention, asservi au regard d’autrui, un être artificiel, l’individu à son tour façonne la société, qui va vers toujours plus d’artifices.
L’homme se fabrique des besoins de plus en plus faux et de plus en plus grands, il dépense pour les satisfaire toujours plus d’énergie.
Il est de plus en plus malheureux.
(page 60)

« On dit du fou, disait Ronald Laing, que c’est un malade qui n’arrive pas à s’adapter à une société saine.
Je croirais plutôt que c’est un individu en bonne santé qui n’arrive pas à s’adapter à une société malade. »
(page 60)

L’acte créateur, quel qu’il soit, n’implique aucune difficulté à vaincre, aucun effort. Il s’agit juste de se disposer à recevoir l’inspiration.
Un artiste croit souvent que ce sont ses efforts qui ont rendu possible son inspiration. Rien n’est plus faux.
L’inspiration, au contraire, n’a pu se donner que lorsqu’il a enfin relâché la tension de son effort, pour se rendre simplement disponible.
Il est alors passé de l’impossible au facile, et c’est le temps passé dans l’impossible qui lui laisse croire que c’était difficile.
(page 157)

Depuis quatre siècles environ, l’homme a entrepris de se définir par sa capacité à nier la dimension naturelle, autour de lui comme en lui-même. Ainsi l’Occident moderne a-t-il bâti une civilisation du non à la vie qui met l’homme en guerre contre lui-même et contre la nature. (page 309)

Connaître n’est pas savoir
… le verbe « connaître » se conjugue avec un complément d’objet direct (je connais Paris, les vins de Bordeaux, je vous connais), alors que le verbe « savoir » introduit une proposition complétive (je sais que la terre tourne autour du soleil) ?
Le verbe « savoir » , quand il n’est pas utilisé comme synonyme de « pouvoir », introduit un énoncé langagier ; le savoir, c’est du langage.
La connaissance, quant à elle, n’est pas nécessairement liée au langage, et repose toujours sur une expérience directe, sensorielle, incarnée de son objet. (page 32)

L’art d’être soi-même est celui de n’être pas ce que l’on croit. (page 29)