Dès les premiers accords , le public se mit à crier le nom du groupe. Je n'avais jamais été au milieu d'une telle masse de gens, c'était impressionnant.
Ils démarrèrent d'un coup, à fond de train, la foule en délire sautait et hurlait.
One, Two, Three, Four! Hey Ho, Let's Go! Hey Ho, Let's Go!
Comme une décharge électrique. Hey Ho, Let's Go! Hey Ho, Let's Go!
Comme une mitrailleuse. They're forming in a straight line.
Je sentis les kilowatts frapper ma poitrine. They 're going through a tight wind.
Ramones fut le premier concert de ma vie et c'était comme si Dieu dont les curés nous rabattaient les oreilles était apparu devant moi puissance mille.
(Concert des Ramones, fête du PCE, Barcelone, 1980)
Je me suis senti à l'aise d'emblée.
Il n'y avait rien à prouver, rien à simuler aucune exigence entre nous.
L'Espagne pleure éprouvée comme jamais par le désarroi infini de son orphelinage ; l'heure est à la douleur et à la tristesse mais il ne faut pas se laisser abattre, ni désespérer (à l'occasion de la mort de Franco).
p.125.
Un an s’écoula. Puis deux. Et trois, sans qu’on ait des nouvelles les uns des autres. Quand la vie t’attrape et change les règles du jeu, on est bien obligé de s’adapter à la nouvelle situation.
p.37.
Tenir le rôle de grand-frère, c’était pas facile. Tous les jours, je devais défendre mon sandwich... Et celui de mes frères.
-Sérieux les mecs, on peut pas passer sa vie à fumer des joints et à écouter AC/DC.
p.133-5.
Jordi : L’Europe a toujours été à la botte des banques. Les rêves c’est révolu.
Jaime : Toi, t’as eu des soucis, non ?
Jordi : Oui. J’ai pris un gros coup de vieux.
Jaime : Tu me raconteras ce que t’es devenu depuis tout ce temps ?
Jordi : C’est du passé. Je suis revenu à Barcelone y a plus d’un an.
Jaime : Tu nous as rien dit !
Jordi : J’étais au fond du trou. Je voulais pas débarquer dans le quartier en mode "Venez, les mecs, on va boire des bières, mais me posez pas de questions personnelles ou j’éclate en sanglots." Je me suis endetté jusqu’au cou avec mon affaire, et ça a fait exploser mon couple. Je suis retourné à Barna, j’ai loué un appart et je suis entré comme cuistot dans le premier restaurant qui a voulu de moi.
C’était très joli en façade, mais la cuisine était minuscule. On passait 12 heures par jour confinés dans ce réduit. On mangeait sur place parce qu’on n’avait pas le temps de rentrer chez nous et aussi pour économiser. Mais manger debout en 15 minutes, c’est pas manger.
En plus, si je voulais que le chef me garde, je devais faire des heures sup’ non payées. À la fin de la journée j’étais tellement crevé que je m’endormais le ventre vide. J’ai quitté cet établissement, mais ce que je trouvais était de pire en pire. La crise, c’est pas seulement le manque de travail. C’est aussi la dégradation des conditions de travail. Et donc des conditions de vie. On nous a tous mis cartes sur tables.
Patron : Tu ne peux pas laisser ton poste pour aller à un concert !
Employée : C’est mon groupe préféré. Et tu me dois un jour de repos.
Patron : T’es virée !
Employée : Demain tu vas me rappeler. J’accepte.
Les seuls à avoir compris, c’est les jeunes. Ils sont nés sous ce nouvel ordre. Nous les vieux, on continue à croire que tout va s’arranger. Un matin, je me suis levé et je ne pouvais plus enfiler mes baskets tellement j’avais les pieds enflés. On aurait dit Elephant Man. Je suis allé chez le médecin. En chemin j’avais l’impression d’être dans un de ces cauchemars où tu sors nu dans la rue... Le médecin m’a engueulé de ne pas être allé le voir plus tôt. J’avais une thrombose veineuse due à mes conditions de vie déplorables. Selon lui, ça aurait pu mal finir. Dans une ville aussi touristique que Barcelone, travailler dans le secteur de la restauration est un enfer. Les horaires sont inhumains parce que les gens mangent et boivent à n’importe quelle heure. Je n’ai plus jamais travaillé dans un restaurant. Les perspectives n’étaient pas bonnes.
p.38.
Dans les années 70, on a vu tous les films de Bruce Lee. À la sortie du cinéma, mes tantes étaient excitées, elles avaient envie d’en découdre.
Au collège, tout le monde jouait à Kung Fu. On se serait cru dans un asile de fous.
p.117.
Pour l’instant je vais juste me garder une trace de cet endroit. Je me dis qu’un jour, ce sera démoli, ça disparaîtra. Tu vas rire, mais c’est comme quand je touche une pierre dans des ruines et que je pense à la foule de choses qui ont été vécues là. Pourtant, personne ne protégera cette vieille bâtisse. Elle disparaîtra et il en poussera une nouvelle.
p.90.
Le mieux qui puisse m’arriver, c’est de finir au mitard... la caserne, ça rend les gens méchants. Y avait un gamin qu’ils martyrisaient tous les jours parce qu’il était homo. Aussi bien les gradés que les troufions, tous... Il s’est pendu il y a quelques jours. C’est notre quotidien. Ils sont tous abrutis, ils me dégoûtent...