Après l'émouvant et inoubliable premier roman,
L'eau de Rose,
Laurence Martin poursuit son exploration de la face cachée de l'être humain à travers ce recueil de nouvelles, après la résilience et l'émotion motivée par la réparation de soi, ressentir ce pincement au coeur à l'idée de retrouver une plume qui vous a remué au fond de vos tripes, comme le premier Noël magique dont vous vous souvenez, comme cette balade avec Maman dans l'insouciance d'une jeunesse qui se dissipe au gré des courants des épreuves de la vie, de ces moments fugaces mais si vivants que vous gardez précieusement en vous, pour reprendre une des phrases d'une nouvelle, "on ne fait pas toujours ce que l'on veut dans la vie", le destin peut prendre parfois des tournures inattendues.
Après quelques lignes, après quelques nouvelles, une chose est sûre, la prose confirme une poésie indéniable et cette mélancolie vaporeuse, le poids des mots et les retombées métaphoriques au point final, chaque nouvelle propose des thématiques universelles, chacun pourra y voir son propre reflet ou méditer sur des sujets aussi sensibles que le sentiment d'abandon, le deuil de l'absent, allégorie du temps qui passe, la deuxième chance, la quête de liberté, le poids des décisions, l'importance de préserver ses racines familiales, l'amour du prochain mais surtout la vie à travers le filtre de personnages formant une gigantesque peinture murale, les sentiments contrastés et divisés ne s'affichent jamais loin au détour qui d'une phrase, qui d'un mot par lequel tout peut chavirer,
Nouvelles voies propose dix variations pour accrocher autrement les perches qui se dévoilent, les mains qui se tendent, les coeurs qui battent à l'unisson.
Dans tous les recueils de nouvelles, à la question de distinguer l'une de l'autre, l'autre de l'une, c'est peut-être ce qui fait tout le piment d'un recueil qui se permet des digressions osées, parabole de la vie ou arc symbolique déterrant des souvenirs propres au miroir de l'âme, la question est posée, un auteur prend le risque de laisser entendre sa propre voie et de déterrer ses propres souvenirs, point de chute ou point de suspension, chaque nouvelle apporte de l'eau au moulin, si j'osais m'avancer sur la pointe des pieds, certaines m'ont touché plus d'autres, la fameuse "chute" indissociable à toute nouvelle n'est pas obligatoire pour la définir telle quelle, autour de la réflexion centrale construite, le départ peut se décliner en une multitude de chemins de traverse, illusion perdue ou éclat existentiel, la place des personnages peut sembler réduite dans l'espace délimitée d'une nouvelle, l'aura de leur sentiment débridé n'en dégage que plus de saveurs, d'ellipses pouvant s'interpréter suivant le vécu de chacun, l'expression "la vie est un long fleuve" n'a jamais été aussi distordu dans la route de la vie empruntée dans chaque nouvelle.
Et il y a cette ombre qui plane judicieusement, tantôt de façon subtile (l'usage du prénom), tantôt sous la forme d'un clin d'oeil, Rose, belle comme la fleur, jolie comme la vie, celle qui a déjà touché tant de personnes et parfois ému jusqu'aux larmes dans un roman éponyme, à l'instar des destinées singulières des nouvelles proposées ici, elle attend maintenant son heure, sur ce quai d'une gare ferroviaire muni de sa petite valise, habillée de la couleur de l'espoir, de la chance, de l'indépendance et cette liberté de s'envoler vers d'autres horizons, délicatement, à l'écoute de l'annonce cruciale, celle qui pourrait faire définitivement basculer sa vie, il ne s'agit plus d'une voie de garage mais peut-être les prémices d'un nouveau départ ...