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Citations sur L'ombre des forêts (27)

L’alcool lui plaisait davantage. Souvent, à la fin d’une réception, on lui laissait finir les fonds de bouteilles comme à tous les larbins, dans l’arrière-cuisine. C’était un grand moment. La première fois, elle avait tremblé de tous ses membres, tant elle redoutait d’être surprise et congédiée sur le champ, mais, à la longue, elle avait appris à ne plus se gêner, et même à jouer des coudes pour arriver la première devant un fond de bordeaux ou de champagne car, ici comme ailleurs, il ne fallait pas s’endormir en cours de route si l’on voulait, ne fût-ce qu’un bref instant, participer à la fête. Après, les lumières s’éteignaient une à une, mais la tête tournait encore un peu. Alors, elle se sentait vaguement amoureuse, mais elle ne savait pas de qui, et d’ailleurs quelle importance, puisque de toute manière personne ne s’intéressait à elle.
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Je voudrais pouvoir pleurer doucement, mais rien à faire. Pleurer devient de plus en plus difficile. D’ailleurs, on ne vous pardonne pas. On peut exhiber son cul, n’importe quoi, bravo, mais les larmes, quelle obscénité. Une fois, j’ai vu un homme pleurer, au cinéma, vraiment pleurer, comme jamais on ne l’avait montré auparavant sur un écran, c’était dans un film de Dreyer, la moitié de la salle était écroulée de rire. Comme j’admire cet écrivain qui avait demandé avant de mourir qu’on ne le secoue pas trop parce qu’il était plein de larmes.
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Le titre "A l'ombre des forêts" est tiré parait-il de Racine. Pourquoi ? Je trouve en effet ces mots dans Phèdre acte 1 scène 3:

Dieux, que ne suis-je assise à l’ombre des forêts !
Quand pourrais-je, au travers d’une noble poussière,
suivre de l’œil un char fuyant dans la carrière ?

De nouveau, pourquoi ?
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[A propos de Pnine de Nabokov]
- Il parle de quoi, là, votre bouquin ?
- C’est sur la solitude. On pleure.
- Ah bon ?
- Excusez-moi, je ne sais pas raconter une histoire.
- Vous êtes sincère, en tout cas. Dès qu’on est sincère, on a l’air un peu idiot. J’ai connu ça.
- Un émigré russe aux États-Unis. Un vieux professeur à qui il n’arrive que des malheurs. Un homme bon et distrait, terriblement distrait. Presque un savant, on pourrait dire. Mais ce qu’il connaît ne sert à rien. Personne ne l’écoute. Il a une atroce nostalgie de son pays natal. Remarquez, c’est un livre drôle, bourré d’humour, comme tous les romans de Nabokov, mais rien à faire, on pleure. Regardez, mon exemplaire est presque trempé. Touchez, vous allez voir.
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Ils veulent tous affirmer qu’ils sont vivants, mais pas un seul n’est capable d’en apporter la preuve. Résultat : même l’éternité pourrit. Le silence est contaminé. Le silence se désagrège lentement. D’un vert très pur au début, il s’assombrit peu à peu, devient noirâtre avec des Marbrures blafardes, puis il se détache par pans entiers qui vacillent un instant dans l’espace, avant de retomber en poussière fine sur le visage. Alors, il suffit d’écarter de la main les feuillages d’ombre. Peut-être pour la centième fois se relever, abandonner les draps trempés de sueur. Ouvrir un œil rouge. Par la fenêtre, on aperçoit un homme seul qui avance sous l’atroce couleur tango de la lumière, au milieu de la rue, d’une démarche un peu mécanique, et on a envie de la mort.
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Les hommes sont fous de désespoir, mais ils font tout pour le cacher. C’est bien ça l’horreur. C’est comme l’absence de musique. Et bientôt cinquante ans. Je n’aurai jamais cru que j’étais assez lâche pour arriver jusque là. Déguisé. Déguisé en homme pour n’être rien. Si on me touchait, je tomberais en poussière. Là, d’un seul coup : plus rien, personne.
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Aucune douce lumière. Ni atroce blancheur de ciel. Se coudre les paupières, avec du fil de fer, comme l'on faisait autrefois avec les éperviers sauvages. Ne plus supporter cette saloperie qui me nargue, et continue à me cracher à la figure son immonde lumière jaunâtre, épaisse, gluante, du pus. Pas sommeil. Inutile d'insister. Heureusement qu'il me reste une bouteille de Saint-Emilion.
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Elle accéléra le pas. Elle fonçait, tête baissée. Les autres n’avaient qu’à s’écarter. Elle n’avait plus la moindre envie de sourire ni de s’excuser. D’ailleurs, ils n’avaient rien d’urgent à faire, eux. Manger, famille, travail, vacances, se reproduire en mammifères disciplinés, se distraire, jouir, les sales petites besognes, tout ce qu’elle avait toujours détesté. Elle n’avait même pas envie de leur jeter le moindre regard. De toute manière, elle ne s’était jamais senti un seul point commun avec eux.
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Crever de rire, que pouvait-on imaginer de mieux, finalement ? Quelle plus belle sortie pour ceux qui n’attendent plus rien ? Tellement moins solennelle que le suicide, tellement moins vulgaire aussi. Monsieur avait essayé, plusieurs fois, dans des cinémas où l’on projetait des films dits « comiques ». Il était bon public, comique troupier, vaudeville, burlesque, tout lui plaisait, il était toujours le premier à s’esclaffer, il en pleurait presque, mais comme, par peur de la foule, il n’assistait qu’aux séances où les spectateurs étaient clairsemés, en début d’après-midi généralement, son enthousiasme retombait vite, le silence de la salle le glaçait peu à peu, un sentiment d’effroyable tristesse finissait par l’envahir, et il désertait bien avant la séance. Alors, il traînait pendant des heures dans les rues de Rowena, faisant de brèves escales dans les cafés, puis il rentrait se coucher, même s’il faisait encore jour. Bref, la grande vie. C’était tellement difficile de mourir de rire.
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[...] depuis la fin de son enfance, il avait si rarement éprouvé le sentiment d’être vivant qu’il lui semblait absurde de se priver d’un bien qu’il n’avait presque jamais possédé. Il valait mieux guetter dans l’ombre, et attendre. Attendre. Ne pas se décourager, surtout. Devenir presque invisible. Jouir de sa propre disparition. Ne pas s’affoler. Il finirait bien par se passer quelque chose. La bête, dans la jungle, finirait bien par se réveiller, et bondir. Alors, l’horreur symétrique, l’atroce machinerie du temps seraient vaincues.
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