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EAN : 9782956166047
320 pages
L'Atteinte (18/01/2023)
4.18/5   39 notes
Résumé :
Un ultime roman comme dernière tentative avant d'abandonner le métier d'écrivain qui condense à lui seul tout le talent de l'auteur pour jouer avec nos émotions. Quatre personnages : Céleste, Monsieur, le duc de Reschwig et Rose Poussière, comme autant de figures perdues dans la ville de Rowena écrasée par le soleil d'été. Ils suivront chacun leurs trajectoires incertaines, et c'est à une perdition orchestrée à laquelle on assistera, fascinés par la beauté de ce dés... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Dernière page du livre, un avertissement de l'éditeur tamponné à l'encre rouge :


« Service de presse.
Ne peut-être [sic] vendu que par un bon gros connard de soi-disant journaliste pourri bon pour la poubelle. »


D'accord. Je referme ma gamelle, un coup de flotte pour la rincer et éviter que des morceaux de gésier ne chutent une fois de plus au fond de mon sac à dos. Je sors du bungalow-réfectoire et j'entre dans le bungalow-chiottes pour me chercher une bouteille de flotte. En chemin, réfléchissant à cette énigmatique mention de l'éditeur, je me demande : Est-ce que revendre ce livre ferait de moi une journaliste ? La poubelle remplacerait-elle donc l'Enfer pour le moderne ? Je n'apprécie certes pas tous les charmes de la modernité mais si l'Enfer nous est perdu pour être remplacé par une benne à ordures, j'accepterais de reconnaître certaines vertus à cette époque.


Voilà qui est étrange : je n'avais pas encore pensé à revendre ce livre que l'éditeur me le suggère immédiatement. Suis-je en détention d'un livre dont n'importe quel lecteur aimerait aussitôt se débarrasser ? Il fait chaud dans le bungalow-chiottes. Au moins vingt-cinq degrés. L'eau croupit dans les bouteilles en plastique. Les règles dites de sobriété énergétique ne sont pas encore venues jusqu'au site industriel portuaire de Ternay. Je ne traîne cependant pas, car la lumière de ces toilettes me met mal à l'aise. Dehors, l'air est vif. [note écrite voici trois semaines] Ces écarts de température favorisent l'eczéma.


Evidemment, la maison d'édition L'Atteinte se fait défenseuse rétrospective de la mauvaise réception de son oeuvre que subit en son temps Jean-Pierre Martinet. En 1987, nous dit la postface, Martinet a été occulté par les romans La fée carabine de Daniel Pennac, le Filles de Geneviève Brisac et La nuit sacrée de Tahar Ben Jelloun. Quel niveau, me direz-vous. Aussi demandé-je : Martinet espérait-il vraiment plaire au tout-venant ? lui qui fait dire à l'un de ses personnages :


« Elle accéléra le pas. Elle fonçait, tête baissée. Les autres n'avaient qu'à s'écarter. Elle n'avait plus la moindre envie de sourire ni de s'excuser. D'ailleurs, ils n'avaient rien d'urgent à faire, eux. Manger, famille, travail, vacances, se reproduire en mammifères disciplinés, se distraire, jouir, les sales petites besognes, tout ce qu'elle avait toujours détesté. Elle n'avait même pas envie de leur jeter le moindre regard. de toute manière, elle ne s'était jamais senti un seul point commun avec eux. »


Je suis très contente que ce livre de Martinet soit réédité, mais est-il besoin de faire tout un tintamarre sur la supposée « littérature dangereuse » ? Je reprends le livre par le début et, cette fois, sur les premières pages, je trouve cette inscription :


« L'éditeur dédie ce livre à celles et ceux qui acceptent le danger, dans la littérature comme ailleurs. »


Le vrai danger serait plutôt de connaître habilement les règles de grammaire afin de s'éviter la redondante et démagogique formule « celles et ceux ». Quelle fatigue. Me voici renvoyée à mon adolescence. le danger, ce fameux danger qui n'amène jamais rien que les ennuis habituels, mais dans des proportions toujours extravagantes. le désagrément quotidien haussé à la criaillerie tragique du téléfilm.


Je me souviens à présent de ce formidable roman de Martinet que j'avais tantôt lu : Jérôme. Jérôme, qui m'avait marquée notamment par sa scène de masturbation dans un pot de yaourt, ensuite habilement repercolé pour être dégusté après le repas par un tiers. Il y aurait une psychanalyse à faire des scènes les plus marquantes que nous retenons de nos lectures, des années après les avoir achevées.


Je trouve dans l'ouvrage un petit mot adressé de Camille :


« Chère Alexandra,
Puisse cet ouvrage vous émouvoir autant qu'il l'a fait pour nous,
Au plaisir. »


Mon coeur frémit en même temps que mon regard balaie distraitement les caméras de sécurité, celles-ci m'assurant qu'aucune âme ne rode ici-bas. Je le reconnais : autour des ratés peut se débusquer la plus grande tendresse, le plus grand anéantissement, ainsi que le prouve ce petit message. En valait-ce pour autant le coup, de faire partie du sérail ? Je me dis bien que oui, mais l'avenir nous le dira. Aussi bien pouvez-vous lire ce livre si vous vous sentez également l'élan des ratés, et revendez-le ensuite si vous pensez pouvoir vous élever jusqu'à l'art du management.
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"Plus de musique. Rien. Un jour, toutes les musiques s'arrêtent, et voilà. On se retrouve à Rowena. Ni couché, ni debout. Juste là. Les bras battant l'air chaud, le regard vide. Légèrement oscillant dans l'espace. Ni douce lumière, ni atroce blancheur de ciel. Rien. Personne".

Et c'est dans cette ville fictive de Rowena, censément située à proximité de la frontière franco-allemande, mais que l'on pourrait croire au fin fond de l'impasse du monde, tant elle paraît grise et désolée, que nous fait échouer Jean-Pierre Martinet dans "L'ombre des forêts".

Nous n'y sommes pas seuls...
Nous y errons en compagnie de trois guides improbables, au gré de déambulations anxiogènes et désordonnées.
Pardon, "compagnie" n'est en réalité pas le terme approprié. Les tristes héros de Jean-Pierre Martinet sont à ce point enfermés dans la conviction de leur inutilité, de leur insignifiance, à ce point absorbés par le mécanisme de leurs obsessions, que toute possibilité de communication avec eux est proscrite.

Ainsi Monsieur, qui a engagé Céleste suite à la disparition de Roberte, sa fidèle gouvernante, préfère emprunter lors de ses allées et venues l'escalier de service de sa vaste demeure plutôt que de prendre le risque d'une rencontre impromptue avec sa nouvelle employée. Il a jeté son carnet d'adresses dans une bouche d'égout, abandonné son répondeur dans un terrain vague, et passe des heures terré dans sa chambre, sous la lumière perpétuelle de Globe Sale, le lustre avec lequel il entretient une étrange relation, que Céleste a l'interdiction formelle d'éteindre ou de nettoyer.
Peu importe, elle compense en astiquant de fond en comble le reste de la maison, de façon presque compulsive, rongée par la mauvaise conscience que lui procure la moindre seconde d'oisiveté, et par le malaise que suscite l'attitude de Monsieur envers elle.
Rose Poussière, dernier élément de ce curieux trio, a quant à elle élu domicile dans un hôtel sordide, locataire d'une chambre qu'elle quitte rarement, terrorisée à l'idée d'être dissoute par la pluie qui risquerait de la surprendre si elle mettait le nez dehors... Elle-même a miraculeusement escamoté de son esprit les quarante années durant lesquelles elle fût Edwina Steiner, dont elle nie l'existence depuis qu'elle a vécu l'horreur des camps de concentration.

Les personnages de Jean-Pierre Martinet évoluent dans une sorte de spirale qui se nourrit de leurs psychoses et de leur paranoïa. Comme transparents aux yeux des autres, ils se réfugient dans un univers intérieur où règne leur fantasmagorie personnelle, à partir de laquelle ils interprètent les signes en provenance de l'environnement extérieur, les parant d'une dimension grotesque et horrifique. A travers le prisme de leurs traumatismes, la ville, notamment, se transforme en un labyrinthe hostile, aux contours imprécis.
Et le fait de vivre dans l'espace intime qu'ils se sont créés ne leur procure ni satisfaction ni sentiment de sécurité.
S'ils tentent de se persuader qu'ils n'ont pas besoin du monde et de l'attention des autres, c'est finalement pour se protéger, parce qu'ils refusent d'affronter les risques inhérents à la relation avec autrui : celui d'être déçu, humilié, celui d'être malheureux... Mais ce faisant, ils s'exposent finalement à des dangers encore plus grands -comme celui de sombrer dans la démence-, et à des souffrances d'autant plus profondes.

Il est difficile de sortir indemne des romans de Jean-Pierre Martinet. L'atmosphère dont il nous enveloppe, grisâtre, oppressante, l'état d'esprit désespéré de ses personnages qui se heurtent, en boucle, à l'absurdité de leurs raisonnements et à leur solitude font de ces lectures une expérience parfois éprouvante, mais aussi très forte. D'autant plus forte que son écriture, par sa précision, sa justesse, a le pouvoir de nous toucher profondément.
Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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Je ne connaissais pas cet auteur et je le découvre avec ce roman vraiment particulier. Quatre personnages évoluent dans la ville de Rowena, chacun avec ses angoisses, ses peurs, ses manques et autres joyeusetés. Enfermés qui dans sa folie, qui dans ses obsessions. Ils traînent leurs misères et ne se connaissent pas.
On évolue dans un univers sombre, déganté, où ces 4 personnes, qui peuvent prêter à sourire parfois par leurs comportements sans queue ni tête, nous renvoie à cette humanité perdue, qui traîne sa carcasse dans un monde où elle se sent incomprise , elle même ne comprenant plus grand chose à comment être et vivre.
Honnêtement je n'ai pas accroché parce que cette vision qu'à l'auteur de certains humains ne me parle pas. Ils existent oui mais ce n'est pas cette vision que je veux garder à l'esprit, pas du tout. Sans doute que tout est trop décousu et perturbé à mon goût.
L'écriture est belle certes mais c'est beaucoup trop noir et désespéré pour moi

Merci à masse critique Babelio et aux éditions L'atteinte pour cet envoie.
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Étrange roman noir à deux personnages, Rose Poussière qui traîne son passé d'Edwina Steiner et ses souvenirs de Mauthausen et Monsieur, l'homme fuyant sa domestique Céleste et observé dans sa chambre par « Globe Sale », un plafonnier allumé jour et nuit, l'oeil dans la tombe. Auxquels il faut ajouter le Duc de Reschwig dans sa poubelle et des serveurs de bar anonymes, hostiles et abuseurs, sauf un qui cite longuement Nabokov. le décor : nuit, crasse et canicule. L'action : insomnie, errance, attaques de panique et cuites, homicide et viol, peut-être vécus, peut-être fantasmés, enfin l'apaisement dans le suicide.

Monsieur est l'auteur de « Quelques romans publiés dans l'indifférence générale, pas de lecteurs ou si peu, le noble travail du pilon, mais ce n'était pas le pire. le plus intolérable c'était le sentiment de honte, et d'inutilité ». Autobiographie. La noirceur c'est long, surtout dans les dialogues, et la noirceur romancée, suspect. À lire pourtant pour des éclairs dans la dépression, dignes des poètes visionnaires (voir les citations).
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Céleste est femme de ménage chez un vieil homme aigri et solitaire qui vit reclus: il ne lui adresse jamais la parole, ne lui donne même pas d'ordre, à part la liste des courses (surtout le whisky ). Elle trompe son ennui dans le patis et le nettoyage compulsif inutile. Quant à Rose Poussière, ne lui dîtes pas qu'elle a 70 ans, elle est persuadée d'en avoir 40 tant il est vrai que sa première identité, Mademoiselle Edwina Steiner est morte dans les camps de concentration à l'âge de 30 ans. Comme tous les personnages de Martinet, elle crève de solitude et flirte avec la folie (elle est persuadées qu'elle grésille sous la pluie et à cause de ça n'ose pas sortir de l'hôtel où elle habite).
C'est superbe mais superbement noir, pas un rai de lumière dans les romans de Martinet et pourtant ça sonne vrai et ça résonne profondément en moi, comme un écho à des sensations familières. Quand on connaît un peu la vie de Martinet, on lit autrement ses textes où il a mis beaucoup de sa souffrance et une sorte de tendresse déçue, une volonté d'humanisme qui se heurterait à une réalité impitoyable. du coup, lire du Martinet est une expérience très étrange car on aime être mal dans ses pages, comme une sorte de délectation morbide mais nécessaire et pas malsaine.
J'adore le style de Martinet : c'est sûrement très réfléchi et travaillé et pourtant l'écriture coule avec une fluidité déconcertante et on ne peut s'arrêter de lire une fois commencé (heureusement le livre est composé de petits chapitres permettant de reprendre son souffle). Par instant, on s'arrête sur une phrase qui nous met un coup de poing dans l'estomac et on la relit et on se dit "c'est terrible, terriblement pessimiste mais c'est vrai".
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critiques presse (2)
LeMonde
06 février 2023
L’Ombre des forêts, paru en 1987, six ans avant la mort de Martinet, est réédité : bienvenue en enfer. Ici, les vies sont rognées, les rêves ruinés, les plaies exaucées. Doit-on pour autant enfermer cet écrivain majeur dans l’évidente noirceur de ses ruminations narratives ?
Lire la critique sur le site : LeMonde
Actualitte
27 juillet 2018
Martinet a produit une œuvre étrange, puissante et déroutante, et il n’est pas étonnant qu’elle se soit si peu vendue. Elle est très éloignée des romans d’aventures ou des divertissements de plage. Finalement, l’oubli a triomphé.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Quelques romans publiés dans l’indifférence générale, pas de lecteurs ou si peu, le noble travail du pilon, mais ce n’était pas le pire. Le plus intolérable, c’était le sentiment de honte, et d’inutilité. Et cette souffrance qui ne servait à rien. Il était devenu d’une ignorance particulière, il n’ouvrait plus jamais un livre. Il avait liquidé sa bibliothèque pour une somme dérisoire. Son carnet d’adresses : dans une bouche d’égout. Quant au répondeur automatique qu’il avait fait installer pour échapper à la torture quotidienne du téléphone, il l’avait abandonné dans un terrain vague. Les voix enregistrées sur la bande magnétique le mettaient de plus en plus mal à l’aise, comme si elles ne faisaient que renforcer ce curieux sentiment d’irréalité qu’il éprouvait parfois : elles singeaient laborieusement l’amitié bourrue ou la camaraderie effrontée, avec des intonations nasillardes, presque vulgaires, dans lesquelles il ne reconnaissait pas ceux auxquels il avait cru s’attacher, autrefois. Deux hypothèses : ou bien il avait fini par percer la vraie nature de ces soi-disant amis, ou bien quelqu’un d’autre prenait la parole à leur place dès qu’ils lui téléphonaient, à leur insu. Une nuit, même, il crut entendre la voix de sa sœur, morte depuis plus de trente ans. Il ne regrettait vraiment pas de s’être débarrassé de cet objet maléfique. De toute manière, il n’avait pas la moindre envie de rappeler qui que ce fût. Tout ce cirque ne le concernait plus : c’était un peu comme si on lui avait adressé des signaux d’une autre planète, amicaux ou vaguement menaçants, mais, de toute manière, impossibles désormais à déchiffrer, car provenant d’un astre mort depuis des milliards d’années.
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L’alcool lui plaisait davantage. Souvent, à la fin d’une réception, on lui laissait finir les fonds de bouteilles comme à tous les larbins, dans l’arrière-cuisine. C’était un grand moment. La première fois, elle avait tremblé de tous ses membres, tant elle redoutait d’être surprise et congédiée sur le champ, mais, à la longue, elle avait appris à ne plus se gêner, et même à jouer des coudes pour arriver la première devant un fond de bordeaux ou de champagne car, ici comme ailleurs, il ne fallait pas s’endormir en cours de route si l’on voulait, ne fût-ce qu’un bref instant, participer à la fête. Après, les lumières s’éteignaient une à une, mais la tête tournait encore un peu. Alors, elle se sentait vaguement amoureuse, mais elle ne savait pas de qui, et d’ailleurs quelle importance, puisque de toute manière personne ne s’intéressait à elle.
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Crever de rire, que pouvait-on imaginer de mieux, finalement ? Quelle plus belle sortie pour ceux qui n’attendent plus rien ? Tellement moins solennelle que le suicide, tellement moins vulgaire aussi. Monsieur avait essayé, plusieurs fois, dans des cinémas où l’on projetait des films dits « comiques ». Il était bon public, comique troupier, vaudeville, burlesque, tout lui plaisait, il était toujours le premier à s’esclaffer, il en pleurait presque, mais comme, par peur de la foule, il n’assistait qu’aux séances où les spectateurs étaient clairsemés, en début d’après-midi généralement, son enthousiasme retombait vite, le silence de la salle le glaçait peu à peu, un sentiment d’effroyable tristesse finissait par l’envahir, et il désertait bien avant la séance. Alors, il traînait pendant des heures dans les rues de Rowena, faisant de brèves escales dans les cafés, puis il rentrait se coucher, même s’il faisait encore jour. Bref, la grande vie. C’était tellement difficile de mourir de rire.
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[A propos de Pnine de Nabokov]
- Il parle de quoi, là, votre bouquin ?
- C’est sur la solitude. On pleure.
- Ah bon ?
- Excusez-moi, je ne sais pas raconter une histoire.
- Vous êtes sincère, en tout cas. Dès qu’on est sincère, on a l’air un peu idiot. J’ai connu ça.
- Un émigré russe aux États-Unis. Un vieux professeur à qui il n’arrive que des malheurs. Un homme bon et distrait, terriblement distrait. Presque un savant, on pourrait dire. Mais ce qu’il connaît ne sert à rien. Personne ne l’écoute. Il a une atroce nostalgie de son pays natal. Remarquez, c’est un livre drôle, bourré d’humour, comme tous les romans de Nabokov, mais rien à faire, on pleure. Regardez, mon exemplaire est presque trempé. Touchez, vous allez voir.
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Ils veulent tous affirmer qu’ils sont vivants, mais pas un seul n’est capable d’en apporter la preuve. Résultat : même l’éternité pourrit. Le silence est contaminé. Le silence se désagrège lentement. D’un vert très pur au début, il s’assombrit peu à peu, devient noirâtre avec des Marbrures blafardes, puis il se détache par pans entiers qui vacillent un instant dans l’espace, avant de retomber en poussière fine sur le visage. Alors, il suffit d’écarter de la main les feuillages d’ombre. Peut-être pour la centième fois se relever, abandonner les draps trempés de sueur. Ouvrir un œil rouge. Par la fenêtre, on aperçoit un homme seul qui avance sous l’atroce couleur tango de la lumière, au milieu de la rue, d’une démarche un peu mécanique, et on a envie de la mort.
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Vidéo de Jean-Pierre Martinet
« […] Je ne valais », écrit t'Serstevens (1886-1974) dans Regards vers la jeunesse, « que par des illusions que je n'ai plus, des enthousiasmes qui agonisent, une ardeur mystique qui me portait au-dessus de moi-même. Je préfère mes erreurs et mes sottes impulsions d'autrefois à mon intelligence prudente, à l'esprit critique dont je suis accablé. » […] […] t'Serstevens n'a cessé d'être poursuivi par son double, comme dans les cauchemars. […] La course-poursuite, malgré tout son entêtement, il l'aura perdue : l'horrible vieillard l'aura rejoint, il l'aura serré contre lui, il lui aura souri avec l'air doucereux et indulgent de ceux qui n'aiment plus la vie. […] […] On peut trouver contradictoire, en vérité, l'attitude d'un homme qui a su trouver les accents les plus vibrants pour célébrer la jeunesse, cette jeunesse qui se confond un peu […] avec l'esprit d'aventure, et sa férocité à l'égard de toutes les utopies, qui sont un peu la jeunesse des idées, leur adolescence. Cette contradiction, t'Serstevens en a eu conscience, et il l'a vécue dans le déchirement, du moins dans les premières années de sa vie d'écrivain. […] La tour d'ivoire où prétendent s'enfermer certains littérateurs pour échapper à la médiocrité de leurs contemporains, il n'y voit qu'une prison dérisoire : il lui faut l'air du large, la rumeur des ports, le sourire des femmes, l'odeur des acacias. Oui, ce qu'exprime en profondeur la première partie de l'oeuvre de t'Serstevens, c'est l'horreur de ne croire en rien. Cela n'a rien à voir avec le scepticisme, c'est, précisément, tout le contraire : la douleur de se sentir ballotté dans un monde où l'on ne comprend rien, où l'on n'a aucun repère, où toutes les idéologies s'effritent les unes après les autres […] : amertume ricanante, et non pas scepticisme souriant. […]
Il aura manqué, en somme, à t'Serstevens, d'avoir su se mettre en valeur, ce qui est une faute impardonnable dans notre petite république des lettres, qui oublie facilement les errants, les navigateurs, les ivrognes, les rêveurs, ou, tout simplement, les modestes. […] » (Jean-Pierre Martinet, « Un Apostolat » d'A. t'Serstevens, Éditions Alfred Eibel, 1975)
« Né […] en Belgique d'un père flamand et d'une mère provençale, Albert t'Serstevens, après un voyage en Égypte, s'installe en France en 1910 ; il est successivement employé de librairie, puis secrétaire d'un banquier, avant de publier en 1911 son premier ouvrage Poèmes en prose. […] » (universalis.fr)
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