Il était temps , tout de même , que je lise ce livre qui a recueilli autant de commentaires et , surtout obtenu , entre autres , le prix Renaudot des lycéens, lycéens qui , soit dit en passant ont toujours une approche passionnée et passionnante des problèmes sociétaux. Normal , me direz - vous , c'est à eux de " construire ou réparer " les bases du monde dans lequel ils voudront vivre , rejeter ce qui ne leur convient plus et faire preuve d'imagination pour favoriser le bien - être de tous .
Alors là , pour une plongée, c'est une sacrée plongée : 1885 , La Salpétriére où sont enfermées les personnes " dérangées " ( dit - on ) , des femmes dont le seul " crime " est d'avoir dérogé , souvent bien malgré elles , aux règles dictatoriales et scandaleuses édictées par une société masculine sans pitié. Folles , pas tant que ça, embastillées pour se taire et disparaître , certainement .
La vie à l'intérieur des murs nous permettra de croiser " rapidement " et superficiellement ces femmes contraintes au silence . Plus que les personnes , c'est le contexte qui nous perturbe, nous dérange , nous choque . Bien entendu , on suivra Geneviève, Thérèse et Eugénie mais on comprendra rapidement que, quoi qu'il arrive , leur destin est scellé dés lors que la porte de cette prison est franchie , que le retour hors les murs est impossible ,que ces mêmes murs , bien vite , deviendront inutiles , que la société l'a décidé ...et les a rejetées à jamais .
Je disais que je n'étais pas étonné que ce roman ait plu aux lycéennes et lycéens épris de justice et d'égalité. Il reste tant à faire pour que femmes et hommes jouissent des mêmes droits , du même respect , du même regard , des mêmes libertés...L'actualité du quotidien montre que le chemin sera encore long et nécessitera encore bien des combats ...Les murs " physiques " tombent mais d'autres ,plus dangereux parce qu' invisibles et sournois s'érigent.
Il y a dans ce beau roman fort et terrible ,des assertions descriptives d'une beauté simple et sublime...des petits passages au goût sucré : des pavés puissants sous la pluie , le bruit des sabots des chevaux , l'odeur du café fumant dans un bol .....On pourrait en recopier des dizaines pour la rubrique " citations " mais ce qui reste a , hélas, un goût très amer, celui du destin , ou plutôt du non destin de ces femmes....
Victoria Mas a écrit ce roman "avec ses tripes". le message a été bien reçu par la jeunesse et ça, franchement , c'est bien le plus beau prix qu'elle puisse recevoir , non ?