Les premières pages ont fait leur petit effet : un XIXème siècle charmant s'offre à nous, le décor s'installe, on fait connaissance avec les personnages, tout cela est plutôt agréable. Puis on rentre habilement dans le vif du sujet : l'injustice faite à toutes ces femmes qui parce qu'elles sont un peu marginales, un peu rebelles, traumatisées, épileptiques, déprimées ou même juste un peu fragiles sont considérées comme folles et envoyées manu militari à la Salpêtrière. Ouste les cinglées : folles ou pas vous dérangez et il ne s'agit pas de faire tâche dans le décor de la famille idyllique. Il ne faudrait pas égratigner la réputation d'une famille respectable. Papa veut bien être gentil mais une fille ça doit être jolie, faire un beau mariage et se taire sinon ça devient vite encombrant. Pas de ça chez nous. Au pire on mate les fortes têtes en faisant disparaître le problème et peu importe si sa propre enfant se retrouve enfermée dans un lieu cauchemardesque. L'honneur est sauf, papa est content. Une fille ? Quelle fille… ? Evidemment il faut quand même un coupable à tout cela et le coupable est… non pas papa, l'utérus ! Oui être une femme c'est être prédisposée à l'hystérie et la folie selon ces charla… euh ces médecins honorables et réputés d'un autre temps.
Alors évidemment oui ça m'agace mais pas comme ça le devrait. Pour parler d'un tel sujet il faut pouvoir indigner le lecteur, le révolter, le prendre aux tripes et le toucher en plein coeur. C'est là où l'écriture est un peu faiblarde à mon goût. C'est tiède. Il m'a manqué les phrases percutantes et la plume engagée.
J'ai regretté que le quotidien de la Salpêtrière ne soit pas plus détaillé. A part deux personnages (Louise et l'ancienne) on ne sait rien de ces femmes qui restent des ombres. Pourquoi sont-elles ici, qu'ont –elles vécues ? Mais donnez-leur la parole à la fin Mme MAS ! Seules Eugénie et Genevière (l'infirmière en chef) ont plus d'épaisseur mais sans plus.
Je reste avec beaucoup de questions : sur la Grand-mère, sur le Grand-Père, sur la mère d'Eugénie dont on ne sait absolument rien, une ombre elle aussi. Autre frustration : le bal ! C'est quand même le titre du livre, et bien trois petits tours et puis s'en vont… expédié le bal. Et sur la médecine de l'époque quasiment rien non plus. Ce sont pourtant des médecin réputés qui ont laissé leur empreinte, alors comment on peut être homme de science et énoncer des bêtises pareilles ? Il n'y a rien sur le sujet et les théories de l'époque qui nous ont amené là.
Frustrant je vous dis ! Tout est intéressant mais rien n'est exploité jusqu'au bout. C'est tellement dommage.
Par ailleurs j'avoue ne pas avoir compris le choix de l'auteur d'intégrer cette part d'ésotérisme. On peut en toute objectivité être sceptique face à quelqu'un qui vous dit qu'elle parle avec les morts mais qu'elle n'est pas folle. Pourquoi ne pas avoir abordé ce thème avec une cause d'internement moins controversée. Cela aurait enlevé une certaine ambigüité. Tant de femmes ont été internées pour des broutilles, il y a tellement à faire avec la réalité, pourquoi s'embarquer sur ce terrain glissant ? Inutile d'avoir recours au surnaturel pour rendre l'histoire de ces femmes passionnante. Elle l'est déjà.
Malgré tout je reconnais avoir passé un bon moment et avoir eu hâte de connaître la suite des évènements. Pour être honnête je pense que ma lecture a pâti de la comparaison avec d'autres lectures sur le même thème et qui pourtant datent un peu. Je pense à
La salle de bal d'
Anna HOPE,
le parfum de l'hellébore de
Cathy BONIDAN, ou encore
10 jours dans un asile de
Nellie BLY (un documentaire passionnant).
Petit aparté outre ce bal des folles il existait également un bal des enfants auquel participaient les jeunes épileptiques. La presse en rendait compte et les braves gens venaient dans l'espoir de voir ces pauvres gosses faire une crise. Glauque à souhait ! Quelle époque !