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Avant-gardiste ou visionnaire, Paola Masino, à la fin des années trente, avait parfaitement cerné la fameuse notion de « charge mentale » qui allait émerger en 2017 dans la presse féminine, relayée par moult analyses psy ou BD de vulgarisation du concept.

Partant de ce thème elle développe ici une virulente apologie de l'émancipation des femmes sous la forme d'une autofiction très singulière. Pas étonnant que sous le régime fasciste de Mussolini, dont les mesures visaient à exclure les femmes de la sphère publique, le roman de Paola Masino fut plusieurs fois censuré.

Voilà pour le fond, qui bien sûr m'avait interpellée.
La forme en revanche m'a intégralement larguée. L'imaginaire vertigineux de l'auteure est parti vraiment loin dans ce récit entre fantasme et réalité, des délires dans lesquels je ne suis pas du tout, voire pas-du-tout-du-tout, parvenue à entrer.

Et même si les sujets diffèrent, je me souviens avoir ressenti la même perplexité à la lecture de « Belle du seigneur » ou de « La conjuration des imbéciles » (je viens encore de me faire tout plein d'amis). Il faut croire par conséquent qu'entre les chefs-d'oeuvre et moi, décidément, c'est pas toujours ça.

Ҩ

Un grand merci néanmoins à l'équipe des éditions Points, et à Babelio pour m'avoir sélectionnée dans le cadre de l'opération Masse Critique de janvier.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Ce roman singulier est construit autour d'un personnage haut en couleurs. La Massaïa débute sa vie dans une malle , en compagnie de détritus nauséabonds , se nourrissant de quignons de pain moisi. Recluse volontaire, autour de laquelle gravite une famille indifférente , ou résignée. Jusqu'au jour où sa mère entreprend de faire éclore la chrysalide, dans le but de lui faire suivre un chemin plus orthodoxe, à savoir prendre époux. A partir de là, la Massaïa endossera le costume de multiples personnalités, façonnées par le contexte familial ou social, et par l'apparition ponctuelle du jeune homme croisé le jour de son mariage.

L'originalité du personnage-clé et de l'histoire méritent que l'on se penche sur la genèse de ce roman. Surprise : Nascita et morte della Massaïa a été publié en Italie en 1945! Il aura donc fallu presque 75 ans pour que ce roman phare de la littérature italienne soit traduit en français.
Quant à son auteur, elle fut résolument moderne, et chaque page est un désaveu de la condition féminine de cette moitié de vingtième siècle.
Le roman a subi les conséquences de la guerre. Il devait être publié en 1939 sous une forme expurgée, destinée à éviter que l'on reconnaisse le pays , mais le bombardement de l'imprimerie fit remettre à plus tard la parution, ce dont l'auteur profita pour essayer de faire passer la première mouture.

Le récit a clairement le ton d'une fable, qui permet l'incursion du fantastique et de l'onirique, propice à désorienter le lecteur jusqu'à ce que l'on accepte de se laisser perdre dans les divagations du personnage. On pense bien sûr à Italo Calvino, particulièrement au début , mais aussi à Boulgakov, par le foisonnement et par l'impression que l'auteur s'est laissée emportée par son récit, l'imagination ayant pris les rênes de la trame. Mais derrière le burlesque, transparait à peine déguisée, la doléance qui dénonce l'injustice faite aux femmes, prisonnières d'un conservatisme aliénant.

Déroutant et nécessaire, on regrette que les lecteurs francophones aient pu être privés de cette pépite aussi longtemps.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Oh non, encore un bouquin de bonne femme sur les bonnes femmes, me suis-je dit. Mais pourquoi donc ai-je choisi ce bouquin pour la dernière édition masse critique ? Vous savez, c'est un peu comme pour les croissants : on en a goûté un, quand on était gosse, qui était vachement bon, avec du vrai beurre, et ensuite tous les autres se sont montrés décevants, et si on continue d'y revenir quand même, de temps à autre, c'est dans l'espoir de retrouver la saveur originelle. Pour la littérature féminine, c'est pareil que le croissant. Bien sûr que des femmes qui écrivent bien, ça existe, je me souviens en avoir lu quelques-unes et elles ne parlaient même pas forcément de leurs mioches, de leurs règles ou de leur clitoris. le malheur c'est qu'après ça, on se dit : allez, je vais lire un autre bouquin de meuffe, et là on tombe sur les derniers bouquins de la rentrée littéraire, ça parle de comment réussir un rendez-vous amoureux, chez quel coiffeur aller pour avoir une teinture réussie, ou de comment expliquer à son petit garçon qu'il ne faut pas se moquer des filles parce qu'elles n'ont pas de zizi : décidément, les bonnes femmes feraient mieux de rester aux fourneaux pendant qu'elles essaient de retrouver la recette des croissants du siècle dernier. Cependant, ayant pris au mois de septembre la bonne résolution d'arrêter de me méfier des bonnes femmes (tout d'abord parce que j'en suis une, ensuite parce que je préfère laisser à ces êtres le bénéfice du doute, enfin parce qu'il faut bien en passer par là si on souhaite avoir un aperçu de la totalité de l'expérience qu'offre la vie), j'ai décidé de me jeter à l'eau une nouvelle fois.


Eh bien oui, surprise ! La Massaia, c'est de la bonne came. Celle qui a écrit ce bouquin s'appelle Paola Masino et elle a ce privilège, que les meuffes de la rentrée littéraire n'ont pas, d'être morte depuis quelques décennies. Est-ce à dire que notre époque aurait cette fâcheuse tendance de renforcer le pli d'une tendance somme toute naturelle (la superficialité féminine) qui ne se remarque pas forcément dans l'attitude des femmes des siècles passés ? Je ne connais pas assez bien le mouvement protestataire féminin (je n'oserai ici parler de féminisme, de peur qu'on se méprenne sur le sujet) sous l'Italie fasciste pour généraliser mais, à partir de ce que Paola nous donne à voir, on sent croître le respect, tandis que les féministes de la gogo consommation qui ne rêvent que de montrer leurs nibards sur les chariots de la gay pride ne font croître que les bites des puceaux et la lassitude des autres.


A l'image de son personnage, Paola n'a jamais voulu mener une vie conventionnelle de femme. Elle a refusé de se marier et d'avoir des enfants pour se consacrer à sa vie d'artiste bohême. Pourtant, son bouquin laisse transparaître la connaissance de l'expérience qui s'empare de toute femme lorsqu'elle abandonne ses idéaux pour se consacrer aux tâches ménagères et à la vie du foyer conjugal dans un mélange d'abandon las et de résignation à l'intérieur duquel le soulagement n'est jamais bien loin. Dommage que je n'ai pas pu en apprendre plus sur le genre de vie mené par Paola, mais bon on s'en fout dans le fond.


« le matin, au saut du lit, le premier devoir de la femme au foyer est de déposer sur les lèvres de son mari un baiser chargé d'une gratitude infinie pour le bien-être qu'il lui procure quotidiennement. La Massaia avait des réserves de haines insoupçonnées, mais elle savait dissimuler. Toutefois, peu à peu, elle eut le sentiment qu'elle parvenait à supporter de mieux en mieux la monotonie de ses devoirs conjugaux ; ou plutôt si, au début, elle s'était sentie accablée par leur monotonie, à présent leur aspect routinier lui facilitait la tâche. »


Mais – et heureusement ! la Massaia ne découvre pas seulement cette triste vie à laquelle toute femme est prédestinée, et c'est ce qui la sauve en tant qu'être vivant et écrivain. Devenir ménagère c'est certes naître une seconde fois mais se souvenir quand même de sa vie d'enfant : une vie passée dans une malle, à naviguer au milieu des pensées les plus sauvages de ce monde en mastiquant des quignons de pain sec et en lisant des bouquins, au milieu d'elfes logés dans les recoins moussus du corps. le monde des bonnes gens apparaît alors comme un univers surréaliste composé de règles quantifiées auxquelles il vaut mieux se soumettre, sans se départir de sa capacité d'hallucination éveillée, qu'en interroger éternellement la signification. le combat devient alors celui qui oppose la spontanéité d'une vision sensitive à la mort cérébrale qui accompagne toute soumission au monde des vainqueurs.


« Mais où sont donc passés les jardins immaculés d'antan, enclos de haies d'aubépines et ornés de simples parterres de giroflées ? Quand a-t-elle désappris à se promener dans les sentiers tapissés de lierre, où les hautes branches des arbres forment un dôme qui masque le ciel ? Depuis qu'elle sait que transplanter un chêne coûte mille lires et qu'une graine de giroflée vaut deux lires et cinquante centimes. »


La condition de ménagère incombe peut-être aux femmes de manière la plus flagrante mais la Massaia sait voir les plis douloureux qu'on inflige de la même manière aux objets, aux plantes, aux enfants, aux époux, aux amis. Sa conscience accrue pourrait se résumer dans cette phrase, qui clôt la description d'une scène familiale idéale pour exemplariser la notion de double contrainte : « Ce mari et cette femme s'aiment vraiment, et ils aiment vraiment leur enfant, c'est pour cela qu'ils se sont si souvent du mal : ils se mortifient, et ils s'imaginent qu'ils doivent faire des sacrifices, ils ont une fausse idée de l'amour et ne font qu'aggraver la situation. » Contrairement à ce que beaucoup de féministes ne réussissent pas à faire – et pour cause, en aucun cas Paola ne mériterait de se faire traiter de féministe -, cette charmante défunte nous entraîne du singulier vers l'universel : la chute de l'être humain dans le carcan étroit du rôle que la société lui impose de jouer. Tout son roman symbolise cette trajectoire que d'étranges rêves ou hallucinations ne cessent de parcourir, comme les convulsions dernières d'un corps qui ne veut pas quitter la vie promise par l'inconscient.
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Classique de la littérature italienne qui, jusqu'à présent , jamais publié en France : La Massaia, de Paola Masino est une fable littéraire, féministe et anticonformiste, écrite sous l'Italie fasciste de Mussolini.

llustration romanesque de la phrase de Simone de Beauvoir :”On ne nait pas femme on le devient”, le roman de Paola Masino pourrait être le pendant italien du “ Deuxième sexe”, sauf que contrairement au chef d'oeuvre de Madame de Beauvoir on n'a pas ici à faire avec un essai, mais une vraie oeuvre littéraire audacieuse qui empreinte à tous les genre


C'est aussi peut-être la limite du roman, cette tendance à aller dans tous les sens et tous les genres et du coup échapper à toute classification : est-ce un journal intime, une pièce de théâtre, une fable surréaliste- sans doute un peu trop surréaliste si l'on n'est pas fan du genre ou bien encore un pamphlet féministe.??..

Si l'on se laisse emporter par la force du sujet et le style (trop?) puissant et sure de l'écrivaine on découvre un roman audacieux et politique sur la condition féminine et la société patriarcale du XXe siècle...

Un roman féministe oui! Et alors? Comme l'était en son temps “Madame Bovary” et à notre époque” La servante écarlate” ... La Massaia,c'est plutôt Madame Bovari.. avec le "i" de l'Italie, quoi ! .
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un conte féministe écrit sous le fascisme.
Mettre tous ces termes ensemble révèle déjà l'originalité de ce livre.
Cela commence un peu comme Pinocchio et cela se poursuit comme un roman de Calvino (si je me souviens bien parce que mes lectures de Calvino sont anciennes).
La fée du foyer, traduction du vieux mot de Massaia, commence sa vie comme une souillon dans une malle. Elle pressent sans doute ce que sera sa vie de femme dans une société qui ne la reconnait pas comme un être humain accompli et la refuse par avance.
Elle a besoin d'une métamorphose (Kafka?) pour entrer dans la vie sociale et répondre enfin aux convenances. Elle s'y engage jusqu'à l'obsession, elle sera ménagère par excès comme pour démontrer l'absurdité de la chose.
Mais son anticonformisme émerge dans ses pensées, ses rêves, ses voyages.
C'est l'occasion d'une grande variété de formes, de visions oniriques ou surréalistes, de saynètes, de mémoires.
C'est souvent très réussi, parfois un peu trop décousu. Mais c'est en tout cas un témoignage de la grande vitalité littéraire de l'Italie malgré le fascisme, ou peut-être à cause de lui.
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« On dit la société de plus en plus violente, je trouve qu'il tient du miracle qu'elle le soit si peu. Comme tout y est bien à sa place ! Les piétons sur les trottoirs, les voitures arrêtées aux feux rouges, les magasins ouverts à l'heure, chacun à sa place à l'heure dite avec le discours qu'il convient : les étudiants étudient, les travailleurs travaillent, les vacanciers partent en vacances, on fête Noël à Noël...Comme chacun met de persévérance à épouser son rôle et à s'y tenir ! Cette sagesse, comme naturelle au point de n'être plus une contrainte ni une aspiration, m'effraie parfois. Et je me demande si la liberté, pour demeurer, peut ignorer la tentation de l'absurde, l'absurde comme violence ultime. » écrivait Constance Debré dans son premier roman, Un peu là beaucoup ailleurs paru en 2004…
L'absurde de nos conditions, injonctions de faire ou de ne pas faire, d'aimer ou de ne pas aimer. D'être ou de ne pas être. Avoir le courage ou bien se résigner… La Massaia. Roman écrit entre 1938 et 1939, paru en 1945. Roman maudit, roman censuré sous l'ère fasciste...
Être soi ou consentir à la comédie humaine. Endosser un rôle ou bien se dévêtir. Jouer ou bien..écrire ?
« Tu me feras mourir de chagrin si tu ne sors pas de là» crie la mère à l'enfant tapie au fond de sa malle. L'absurdité d'un langage qui sous-tend l'absurde condition sociale. Alors l'enfant sort, il naît pour l'autre, pour répondre à la condition de l'autre, il naît en se faisant mourir soi. Il consent. L'injonction de la mère, qui symbolise également la mère patrie, la condamne.
Pouvoir, amour, menace, chantage, crédulité, faiblesse...Allez savoir tout ce qui renverse nos malles et cadenasse, un vilain jour, nos fenêtres...
Et donc, l'enfant sort. Il répond à l'ordre d'un choix qui n'est pas le sien. L'enfant entre dans la grande farandole de l'absurde. Y entre, s'y jette à corps et à coeur perdus. Et tout s'affole, se dérègle, s'accélère, rien ne marche, tout dysfonctionne, le rêve est un cauchemar, et le cauchemar continue.. Mais The show must go on...Qu'y a t il de pire pour celle ou celui qui monte en scène que de se soumettre à un mauvais emploi ?... 
« elle est morte de faiblesse », c'est ainsi que l'enfant sauvage disparue.
La Massaia c'est un peu l'anti-Bartleby, qui mourut également, c'est un fait, mais seulement de faim…
La question n'est pas le choix de faire ou de ne pas faire, la question n'est même pas ici l'objet. La réponse est tout entière dans le sujet...Conditionnel ou subordonné à l'absurdité d'un verbe relatif ?
Un roman effectivement étonnant par sa construction, et par son ton. « une parabole aux tonalités fantastiques » note la traductrice Marinella Mascia Galateria, et elle a tout à fait raison.

Editions la Martinière, collection Signatures points/ Babelio- Masse critique 01.2020

Astrid Shriqui Garain

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Bonsoir à tous. Aujourd'hui je veux vous parler de ma lecture récente "La Massaia" de Paola Masino. Ayant refermé ce livre avec le sentiment d'avoir lu un chef d'oeuvre, j'ai voulu en savoir plus sur le contexte historique de l'écriture de ce livre. Un avant-propos explique déjà le problème qu'a rencontré l'auteure face à la censure morale et politique. Publié en 1945, ce livre est un condensé de la pensée féministe antifasciste de cette période, avec humour, décadence, ironie, cynisme et onirisme, Paola Masino fait chavirer le coeur des lecteurs, dans un univers absolument absurde et vivifiant.

L'héroïne du roman, la Massaia, choisit de vivre recluse dans une malle, s'encrassant d'année en année, comme paralysée par quelque chose de son temps qui fait qu'elle n'est pas à sa place. (serait-ce la montée du fascisme de Mussolini ? de 1922 à 1945 ?).

Un jour, elle décide d'en sortir et épouse son oncle. Situation cocasse ? On passe de la description d'un corps organique sale et lourd à porter et on termine par ce même corps organique. La Massaia connaît tous les états. Et tout le roman est ainsi. Incroyablement féministe et porté par une plume au sens rocambolesque et théâtral, passant du réalisme sombre à un état de rêverie absolue comme si nous étions aussi perchés que le Baron Perché d'Italo Calvino, ce roman comique et burlesque souligne la situation tragique de la femme du XXe siècle.

Le contexte historique qui forme l'armature de ce livre c'est "L'oubli du féminisme d'avant le fascime" que décrit Victoria de Grazia dans un article intitulé "Fascisme et féminisme latin, Italie 1922-1945". Ce sont les fasci femminili, de 'braves et dévouées massaie'. Et tout ce qui arriva de catastrophique à l'histoire de ce livre présageait de son immense importance pour recouvrer une mémoire du passé indélébile. Ce texte, maintes fois retravaillé dans un long espace temps, détruit puis réécrit témoigne d'une grande réflexion sur le sujet, enchaînant passages poétiques, en dialogues de théâtre, mémoires d'un journal intime et chapitres romancés.

L'héroïne se trouve embarquée dans de drôle de scènes, prise en otage dans un mariage à la fois désiré et repoussant. Devant des dilemmes comme ceux de la domesticité, de l'éducation d'une jeune fille ou de l'amour extra-conjugale, l'auteure à travers elle se pose toutes les questions.

J'ai beaucoup ri à cette lecture qui m'a définitivement bouleversée. Je vous la recommande. Moi-même je relirai ce livre c'est certain. A vous !
Lien : http://www.unefrancaisedansl..
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Elle a grandi dans une malle, à l'abri des pressions sociales et des obligations familiales, à se nourrir de croûtons moisis et à végéter au milieu de livres éparpillés. Mais sa mère allait mourir de chagrin alors elle honora sa requête : elle orchestra sa « vraie naissance ». Comme le papillon émerge de sa chrysalide, la jeune femme, une fois sortie de la malle, n'avait plus rien de commun avec la créature d'antan. Belle à la peau diaphane, elle éblouit ses parents et toutes leurs connaissances lors d'un grand bal, suite auquel elle fut donnée en mariage à un vieil oncle extrêmement riche. Là, La Massaia découvrit le fardeau imposé aux femmes : la responsabilité de la maisonnée. Elle tentera toute sa vie, et même au-delà, d'échapper au poids de sa domesticité, mais sans succès…

Conte fantasque et fantaisiste, La Massaia nous entraîne dans un monde étrange et inquiétant, proche du nôtre mais chargé d'esprits malfaisants, inflexibles et menaçants. Notre héroïne se débat au milieu d'eux, incapable de façonner sa vie comme elle le souhaite, obligée de prendre la fuite pour échapper, de temps en temps à toutes ses obligations. Femme parfaite, elle est la plus malheureuse de toutes, alors qu'elle passe pour être la plus accomplie. Tout le récit tourne autour du renoncement, du poids social et de la force de l'habitude, ces liens entravant les femmes quotidiennement sans qu'elles puissent choisir de s'en extraire. Plus encore que ces réflexions sur le genre et les inégalités associées, l'auteur exploite chaque péripétie du roman en y insérant des réflexions plus larges, sur la guerre et la paix, sur le commerce et la famille, sur la mort et la religion.

Paola Masino démontre ici une maîtrise incroyable du genre littéraire, mêlant tous les styles : théâtrale, poétique, épistolaire, fantastique et romanesque. C'est un récit surprenant où chaque page prend une direction différente de celle que nous, lecteurs, aurions pu imaginer. Rêve ou réalité ? le doute subsiste tout au long du roman, où chaque fantasmagorie est présentée comme foncièrement logique et réaliste, ayant sa place dans la vie de la Massaia. Parfois difficile à suivre, ce livre est tout de même une très belle découverte, qu'il aurait été dommage de ne jamais publier en France et je remercie les Editions de la Martinière de l'avoir fait.
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« C'est un livre maudit » disait Paola Masino. Ce livre, cette écrivaine, intellectuelle italienne émancipée et engagée, l'a écrit peu avant 1940 ; d'abord soumis à la censure mussolinienne, puis réécrit, expurgé, sa publication est retardée ensuite à cause d'un bombardement détruisant les presses de l'imprimerie. Il parait finalement en 1945. Et il aura fallu attendre cette année pour en lire la traduction française. Qui aime l'univers allégorique d'Italo Calvino sera séduit par l'écriture surréaliste de Paola Masino.

Depuis toute petite, celle qui deviendra La Massaia passe ses jours et ses nuits dans une malle. Retranchée du monde, recroquevillée sur les questions existentielles qui l'assaillent et restent en suspens. Elle pense, cogite et ressasse… On ne l'a pas obligée de se retirer ainsi de la société, elle le fait sciemment. Elle se protège du dehors qui, pour elle n'est qu'apparence hypocrisie et fourberie. Elle refuse de participer à cette pantomime, de se glisser dans le moule unique de la femme au foyer, dépendante de son mari. Mais sa mère se désespère de voir ainsi sa fille, sale et repoussante. La perspective d'un avenir à l'intérieur de ce coffre hideux la tourmente la fatigue et l'irrite au plus au point.

La jeune fille finit par céder sous les pressions. Elle sort de sa malle. Se résigne. On la lave, on l'arrange, on fait d'elle une fille bonne à marier… Elle devient la Massaia – ménagère, femme qui s'occupe de son foyer – en se mariant avec un vieil oncle… Elle fait plaisir à sa mère, joue le jeu, mais ses pensées, elles, ne l'ont pas quittée. La Massaia observe et raisonne. Alors sa vie durant, elle n'aura de cesse de dénoncer la désastreuse condition féminine.

Une fable surréaliste, déroutante surprenante et audacieuse. On sourit, on s'indigne, on est remué. Dire qu'il aura fallu attendre soixante treize ans pour découvrir ce livre en France…
Lien : https://lesmotsdelafin.wordp..
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La Massaia : rouvrez les portes des théâtres !

Peut-on être à la fois déçu.e par un livre et se réjouir de sa publication ? Apparemment oui. C'est le cas de Massaia, ouvrage sorti victorieux de la censure fasciste. La Massaia, l'histoire d'une femme au foyer qui perd l'esprit, et son lecteur.

On ignore le nom de cette figure non-conventionnelle et quand bien même on le connaîtrait, il serait laborieux de s'attacher à cette femme qui oscille entre personnage de conte et cas clinique.
L'écriture est irréprochable, la dénonciation sociale essentielle, mais... la lecture fut pénible. Des goûts et de la couleur des mots, on ne discute pas me direz-vous. Les avis contraires seront nombreux, et tant mieux : un livre qui ferait l'unanimité ne serait que pur produit aliénant.

Alors pourquoi tant de haine ? Peut-être parce que La Massaia n'est pas un ouvrage à lire mais, finalement, une pièce de théâtre à voir, à l'instar des dramaturgies de l'absurde. Comme pour En attendant Godot de Beckett, ne faudrait-il pas contempler toutes les scènes pour véritablement saisir toute la puissance et la portée philosophique de l'oeuvre ? Nous pouvons aisément imaginer les huis los dans la malle pendant son enfance, dans sa vaste demeure non moins étouffante quand elle se marie... le décor est planté, mais sous la forme romanesque, l'immersion n'a pas lieu !

Didascalies, dialogues, monologues, tout y est pourtant. A vouloir mélanger les genres et les registres dans une seule oeuvre, il y a de quoi avoir le tournis. Il est des livres qui, à l'instar de vins rouges un peu tanniques, se savourent à leur juste valeur après quelques temps. En serait-il de même avec La Massaia ?
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