Leurs enfants après eux

Sacré bouquin !! J'y ai retrouvé une ambiance de "la soupe aux crocodiles" en plus noir, moins optimiste, là comme l'individu est né, comme il deviendra... Bis répétita... pas forcément mon avis... Mais vraiment un excellent bouquin

Au départ je ne souhaitais pas vraiment lire ce livre, encore un écrivain traitant ce fameux thème du déterminisme social, originaire de la même région que moi..., fort heureusement pour lui il ne s'est pas lancé en politique, ce qui lui laissait alors encore un peu de crédit à mes yeux !J'ai ensuite pu entendre l'auteur à la radio, lire quelques articles à propose de ce roman, et je dois dire que ma curiosité a été plus forte. Je ne le regrette pas une seconde, quel livre ! Les descriptions des paysages, des événements, des sentiments, chaque scène se déroule tel un film devant nos yeux, avec la musique de mon adolescence pour bande son. Les lecteurs quadra issus ou non de ce milieu se reconnaîtront forcément à un moment donné et ils se diront alors que peu de choses ont changé. Lorsque l'on referme ce livre on voit la suite de la vie d'Anthony, la notre, ces deux décennies filer, ce livre nous laisse un sentiment de mélancolie et d'amertume pourtant pas ou peu de tristesse, une sorte de nostalgie heureuse...

Leurs enfants après eux est un roman social. Il raconte une région dévastée par la crise des hauts fourneaux, gangrénée par une violence sous jacente et le racisme de classe. Nicolas Mathieu esquisse, à travers 4 étés, le portrait d'une ville fracturée et embourbée dans un marasme économique. À Heillange il y a les maison de la petite bourgeoisie, comme des forteresses intangibles, avec leurs frigidaires américains et leurs canapés en cuir. Plus loin les lotissements en préfabriqué, grand rêve urbaniste de la maison à soi, où la télé tourne en boucle. Repoussée à la lisière de la ville se trouve la cité, lieu de tous les trafics. Et puis le lac.

Comment grandit on dans une ville sans horizon ? Leurs enfants après eux est surtout un roman sur l'adolescence et sur l'ennui. Ca sent le sexe, le sang, la weed et les relents d'alcool. Anthony, Hacine et Steph vont se croiser au fil des étés, sans jamais arriver à échanger autrement que par le sexe ou la violence. Mais ils ont pour point commun la rage de ne pas reproduire ce qu'ont fait leurs parents avant eux. Leur espoir : partir. Leur rêve : bousculer leur destin. A travers 4 étés qui parcourent les années 90, du Grunge à la coupe du monde, on les suit en plein apprentissage de la vie. D'espoirs en désillusions, ils tenteront de mettre en terme à la malédiction de leur filiation.

Après une première partie un peu poussive, l'écriture devient vibrante, rythmée, presque aussi tranchante que le couteau du père. le livre se lit d'une traite tant il est difficile d'abandonner les personnages en cours de route. On regrette néanmoins un style un peu classique.

Leurs enfants après eux dresse un portrait sans concessions de l'adolescence en province en échouant à imposer un style aussi pop et percutant qu'un riff de Nirvana.

Roman qui m'a beaucoup plu malgré une ambiance particulière. Très bien écrit, j'ai beaucoup aimé le fait qu'il soit ancré dans la réalité.

Heillange dans l'est de la France. On pense tout de suite à une autre ville et ce n'est pas pour rien : les hauts fourneaux, l'Est qui n'est pas encore Grand car nous sommes en 1992. Des ados trainent leur misère durant ce premier été, ça fume des pets, ça drague les plus belles filles du village même si c'est toujours les mêmes qui gagnent, ça fait des conneries mais les parents sont loin, occupés à leurs tafs ou leurs tâches ménagères et qui tentent tant bien que mal de contrôler l'adrénaline qui monte.
Nous allons suivre durant plusieurs étés et jusqu'à une fameuse finale de 1998 ce groupe d'ados, garçons et filles qui se connaissent, se côtoient et se jugent sans ménagement jusque dans les moindres détails. Les parents aussi, leurs dérives, leurs fatigues, leurs désarrois, leur impuissance devant les fatalités. Mais Nicolas Mathieu ne va pas se contenter de nous décrire ces vies mais va en permanence replacer son récit dans des points de vue autant sociétaux que politiques. Qu'est-ce que la société promet à ses gens qui voient leurs outils de travail fermer peu à peu ? Quel rôle croit-on avoir dans ce jeu permanent d'identification aux autres, à ce que les médias proposent déjà dans un abrutissement général et bien avant l'arrivée massive d'internet et des réseaux sociaux (on téléphone encore d'une cabine ou de chez les parents) et dans l'espoir souvent vain de parvenir à se hisser en dehors de sa classe quand bien même on arrive à posséder enfin sa piscine.
C'est cru, sexuel et diablement prenant comme un thriller social où les vies des uns et des autres s'étalent sans pudeurs devant nous. On pense à « La vie de Jésus » de Dumont bien sur (1997) et c'est plutôt un compliment mais Nicolas Mathieu va plus loin dans l'analyse et nous offre des moments forts de réflexions sur ce monde et nous-mêmes quand il se permet d'écrire : « On se demandait tout de même quelle vie pouvait mener ces gens, dans leurs médiocres logis, à manger gras, s'intoxiquant de jeux et de feuilletons, faisant à longueur de temps des gosses et du malheur, éperdus, rageux, résiduels………. ». La suite, je vous laisse la découvrir.