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Citations sur L'eau qui passe (21)

Le jour s'étire encore. Et chaque fois, à cette heure où je fixe le désert du ciel, quelque chose ressuscite, une douceur de vivre. Les iris s'agitent mollement sous la brise du soir. En fin d'été, à la lueur des photophores, leurs hampes ne seront plus que des sentinelles, ils auront cédé leur place aux cyclamens de Naples qui tapisseront de rose et de blanc les sous-bois. Avant eux, il y aura eu le ballet des ancolies, la mine fière des lupins et les roses qui me demandent tant d'attention. À quoi tiennent la puissance et l'enchantement d'un paysage, d'une œuvre ?
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Les miroirs et la copulation sont abominables car ils multiplient le nombre des hommes.
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Dans l'été, je marche sous les tilleuls, je me perds à travers le labyrinthe des buis. Je m'enivre des bouffées de glycine, doux vertige. Comme autrefois, je pourrais danser sous le cerisier, dans une ronde endiablée. Juste précipiter le temps. Attendre. Attendre comme j'attendais qu'Irmina rentre du Paraclet, le fameux Paraclet, où elle travaillait. Attendre comme j'attendrai longtemps un père qui n'est jamais venu. Attendre comme j'attendais la visite de ma mère.
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A quoi bon envisager l'avenir, s'y projeter ? Le présent, peuplé d'hier, me satisfait. Je m'en gave, mes visions sont éclatantes. Le temps s'immobilise. "Tout enfant, j'ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires: l'horreur de la vie et l'extase de la vie". Ces mots de Baudelaire me poursuivent. Comme un sourire qui regrette, comme un regret qui sourit, je me cherche dans cette ambivalence, dans cette simultanéité, fasciné par la vie, relié à elle. Un malheur qui fleurit.
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Cécile vit à mes côtés. Parfois je la tourne afin d'admirer son dos, la cambrure de ses reins joliment dessinée, ses fesses rondes juste comme il faut. Certains soirs où je sombre dans la tristesse, sa force, sa vitalité et sa beauté me tirent de mes pensées. J'en conviens, aucune objet, si harmonieux soit-il, ne remplacera un être vivant, une présence humaine. Je ne peux que me contenter de ses silences. Cécile ne parle pas, jamais elle ne s'emporte, ses rires n'emplissent pas la maison.
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Les morts clignotent au milieu de mes nuits, frêles embarcations au cœur d'une tempête. Les morts gisent partout sous les pierres. Des corps y dorment mais on ne le sait pas. Irmina, Anselm, amis disparus, anciennes connaissances aussi surgissent. Nous discutons comme si nous nous étions quittés la veille, puis ils s'effacent aux basses heures. Que me veulent-ils ? Lorsque je soulève les pierres, ils se sont volatilisés, ils ont laissé place à la poussière.
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Des nuages courent dans le ciel assombri soudainement, ils élargissent l’immensité. Des yeux, je suis leur architecture élusive, leurs mouvements. Je m’y perds. Ils s’ajoutent les uns aux autres, se recomposent, se détachent. J’aime leur enchevêtrement, l’aléatoire qui les guide, ce hasard qui les assemble, les sépare, les réunit à nouveau. Comment résister aux formes d’une séduction facile, nées d’un tumulte accidentel ?
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J’avais envie de savoir. Tout. Je voulais savoir, même s’il arrive un temps où l’on n’a plus envie d’être l’enfant de quelqu’un.
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Tout près de moi, trône un majestueux poste de radio à lampes, en placage de bois verni, avec ses oreilles latérales. Il est mon ami et, sur sa façade, j’ai appris à lire les noms des capitales du monde entier. Certaines nuits, en cachette, je tourne le bouton, la façade s’illumine et en déplaçant l’aiguille je voyage, j’entends des voix étrangères : New York, Berlin, Madrid, Rome, Londres, Ankara, Budapest, Alger, Stockholm, Moscou… Ces ondes lointaines me traversent, j’y guette tous les rythmes du monde, comme sous hypnose.
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J’ai tout de suite aimé cette maison au bord de la rivière et je l’ai choisie pour sa proximité immédiate de l’eau. Je savais que je l’habiterais à l’exclusion de tout autre lieu. Et que j’y écrirais. Du premier étage, une fenêtre regarde vers l’eau en contrebas. Rien qu’une fenêtre. La vue plonge. À cet endroit large, l’étendue prend l’allure calme d’un lac avant de creuser son lit et de s’élancer.

Dans les rivières le temps se joue. Le paysage se désole et se lit comme une carte. Sur les rives tout d’abord, où une brise agite des roseaux, se penchent les aulnes et s’élèvent les frênes. Une ligne de peupliers se dresse puis le cours tourne en douceur et se perd au lointain. En aval, on répare un barrage. L’eau continue à se vider et au fil des jours apparaissent les reliefs de ses fonds. Elle laisse un limon gras où déjà croît un duvet de verdure. Les bras morts, là où l’eau s’apaisait, leurs amas de branches et de troncs, de pierres et d’objets incongrus échoués, finissent par ressembler à un terrain vague. Traces de pattes d’oiseaux sur la vase mouillée. Sur les écueils de gravier, un filet suinte encore d’un trou d’argile. Des galets, des silex usés tentent de freiner son énergie. Au milieu l’eau se hâte, la chevelure des algues siffle. Elle se précipite et s’épuise, étincelante dans le poudroiement des vapeurs du matin, promesse d’une belle journée. Avec les travaux du barrage, le chant de la rivière a changé de timbre, plus allègre. Il y a cette chanson de Charles Trenet : « Quand tu reverras ta rivière, les prés et les bois d’alentour… et le banc vermoulu près du vieux mur de pierre… » Je ne savais à quel point j’y étais attaché. Je pouvais demeurer des heures dans la simple contemplation, à attendre l’apparition des fleurs de nénuphar, sous l’ardeur du soleil qui les tire vers le haut, les sauve du désastre de la part des ténèbres. Ma rivière d’enfant était mon Orénoque. Il me suffisait de traverser un champ de fenaison où sommeillaient des couleuvres pour l’atteindre. Je longeais ses bords, alerte rien ne pouvait m’arrêter. J’aurais pu craindre d’être englouti dans les remous de la roue du moulin derrière la maison. La peur de l’élément liquide, bouillonnant, s’éteignait lorsque je lançais ma ligne dans ses tourbillons. Il n’y avait alors plus que la menace de la force inconnue d’un carnassier à l’attaque. Je ne pensais pas finir dans la blancheur des écumes. L’attrait de la proie me faisait oublier la terreur des eaux. À cet âge où tout est possible, le risque ne compte pas. En m’installant à Chêne-Bleu, j’ai voulu retrouver la force de l’enfance. Il y a une tension à rester observer le vol des nuages glisser sur l’eau invisible. Le silence n’existe pas. La nature n’est jamais atone, même les jours où le soleil écrase tout et rompt le mystère des clairs-obscurs. Une simple vibration, une irisation de surface, un rien suffit. Un oiseau qui passe à tire-d’aile, des ombres qui s’allongent. Un souffle qui arrache une branche, les volutes du vent qui défont, diffusent, pénètrent le paysage. Des poussières flottent dans l’air qui prend une couleur. Une lumière qui s’étend, baigne, inonde, puis se retire brusquement aux premières ombres du crépuscule.

À tout instant se passe une action, même dans les buissons immobiles. Le trait bleu électrique d’un martin-pêcheur. Dans ce coin singulier, la nature n’est qu’un champ d’attraction si l’on a la sagesse de l’attention. Je m’y noie, je m’oublie, je m’y laisse absorber tout entier. Je me perds sur les chemins tortueux, humides même au creux de l’été. Certains jours de chaleur, à la vue des herbes brûlées sous le soleil, ou dans les arbres dépouillés du cœur de l’hiver, dans les eaux scellées, je sens monter en moi quelque chose de déchirant, un sentiment de solitude. Alors, il peut m’arriver de parler aux poissons privés de parole. Je ne quitterai donc pas cette enfance, cette grande maison de l’enfance.
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