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EAN : 9782755506525
128 pages
1001 Nuits (04/04/2012)
3.9/5   26 notes
Résumé :
« La nuit, Giacometti prenait ses quartiers dans des bars de Montparnasse. Chez Adrien avait sa préférence pour la jovialité des filles. Parmi celles-ci, il y avait Ginette et Dany, des demoiselles simples, un rien débauchées. Elles lui donnaient avec respect du “monsieur Albert”. Un soir, il n’avait pas tout de suite remarqué la petite dernière qui se prénommait Caroline. Elle se différenciait des autres par un éclat certain et un naturel désarmant. Elle était auss... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Beau comme un tableau, émouvant comme les couleurs délavées d'un vieil album photo, poignant comme une larme glissant sur une joue ridée, tel est « le dernier modèle », le roman biographique de Franck Maubert.

Il arrive qu'une toile marque profondément une vie. Pour Franck Maubert, ce tableau s'appelle « Caroline », une huile sur toile de 92 cm x 65 cm, datant de 1965, signée du célèbre peintre et sculpteur Alberto Giacometti.
Franck Maubert ne savait pas à l'époque où il contemplait cette oeuvre magnétique exposée dans les salles du Musée d'Art Moderne, qu'il rencontrerait, quelques trente ans après, la jeune femme ayant servi de modèle à l'artiste et dont l'intensité du regard l'avait hypnotisé, laissant son empreinte à jamais gravée au fond de sa conscience. Leur avenir s'était d'une certaine manière scellé ce jour-là et bien des années plus tard, Maubert allait retrouver Caroline, le dernier modèle et ultime grand amour de Giacometti.

C'est dans un appartement négligé proche de la Promenade des Anglais à Nice, que le romancier et critique d'art rencontre celle qui tourna la tête de l'un des plus grands peintres du XXème siècle.
La jeune femme de 20 ans pleine de vie et de tempérament est désormais une vieille femme chétive et chancelante, fatiguée et malade. En elle ne persiste que ce regard intense empreint de nostalgie lorsqu'elle évoque Alberto, « sa grisaille », cet homme qu'elle a aimé du plus fort de son âme, elle la petite vendéenne de 20 ans, de son vrai nom Yvonne, et lui, l'artiste de renom, son aîné de 40.
Fragile comme une porcelaine de Sèvres prête à se briser, elle raconte dans un murmure un passé lointain et révolu, un temps qui ne lui a laissé qu'un bonheur effleuré et à jamais perdu.
La première rencontre dans un bar de Montparnasse, les promenades dans le petit bolide rouge qu'il lui avait offert, les longues séances de pose où le peintre mécontent de lui-même, révélait ses failles et ses incertitudes, les sorties dans les musées et ses paroles qu'elle buvait en élève appliquée…

Qu'a-t-elle de plus que ces filles des rues qui fascinaient tant le peintre et qui traînaient dans les bars depuis que Marthe Ricard avait fermé les bordels ? Pour l'homme vieillissant elle est la vie même, elle incarne le risque et le mystère, il sait que «son visage d'ange dissimule bien des ombres » mais elle est devenue si essentielle qu'il n'hésite pas à dire à Annette, son épouse, sa légitime, « si je ne vois plus Caroline, je ne te verrai plus ». Même Diego, son frère cadet, l'homme de l'ombre, le fidèle assistant, ne peut rien contre cet amour impossible et sublime.
Elle est « l'as de trèfle qui pique son coeur »…

Parfois elle disparaît pendant des semaines ; Alberto alors est comme un lion en cage, irascible et nerveux, il attend son retour en prenant ses quartiers au bar « Chez Adrien » où les filles lui donnent du « Monsieur Albert ». Quand elle reparaît, pimpante et fraîche comme si rien n'était, son visage de chien battu s'éclaire. Il l'entraîne à l'atelier et le rythme des séances de pose reprend sans plus de commentaires. Leur idylle est de celle qui ne peut se rompre que dans la mort. Elle ne s'éteindra que huit plus tard, avec le décès de Giacometti sur un lit d'hôpital, Caroline à ses côtés.

La plume pudique avec laquelle Franck Maubert reconstitue le puzzle des fragments épars de la mémoire est comme celle d'un peintre qui apposerait ça et là sur sa toile des touches d'ombres et de lumières. Eminemment délicate et sensible, presque gênée parfois de s'immiscer dans l'intimité de cette femme qui vous serre le coeur par tant de dénuement. Car de cet amour partagé, hormis quelques photos, elle ne possède rien, ni tableau, ni croquis, ni lettres, que sa mémoire intacte et la mélancolie de quelques souvenirs qui lui font dire, avec ce petit sourire fugace et ces yeux emplis de nostalgie qu'ont les vieilles personnes quand elles évoquent leur amour de jeunesse : « C'était le bonheur avec un B majuscule, nous étions tous les deux enfermés dans l'atelier, sous la lampe, dehors il faisait nuit et c'était le bonheur…»

Troublé par ces lignes toutes en délicatesse et retenue, on ne peut s'empêcher de les imaginer en ombres effilées, tanagras longilignes comme les statues filiformes du maître, Alberto et Caroline, enlacés, serrés l'un contre l'autre, doucement étourdis et d'amour et d'alcool, un couple embrassé dans une dernière étreinte, déambulant sans bruit sur les trottoirs mouillés d'une nuit parisienne.
Dernier modèle, dernière image d'un film juste avant le mot fin, deux étoiles filantes que l'ombre enveloppe et peu à peu efface…
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En se rendant à Nice pour rencontrer Caroline, dernier modèle du sculpteur, ce n'est pas le portrait de Giacometti, l'homme des musées, que Franck Maubert nous laisse entrevoir. Mais Alberto, l'homme de l'atelier, l'homme des bars de nuit, l'homme qui aimait la compagnie des prostituées et sa fascination pour l'une d'entre elles dont il tombera fou amoureux. Au point de renoncer à la grande Marlène Dietrich pour ce «visage d'ange (qui) dissimule bien des ombres», celui de la mystérieuse Caroline. L'Insaisissable. La femme à risque.
Et le risque, c'était de voir débarquer deux gros bras qui réclament de l'argent, et cassent tous les plâtres de l'atelier. «peu importe, ils n'étaient pas bons se console t'il».
Caroline que Diego détestait, et qui «en viendra aux mains» avec Annette qui le voulait pour elle toute seule. "Ce n'est pas possible (lui dira t'il ). Si je ne vois plus Caroline. Je ne te verrai plus non plus."
C'est l'histoire de cette passion amoureuse que Franck Maubert décrit au travers des mots de celle dont le mystère le faisait tant rêver.
Les «Ecrits» d ‘Alberto Giacometti viendront combler les oublis et les blancs du récit de Caroline, donnant cette impression étrange de renouer entre eux un dialogue au-delà de la mort.
C'est aussi le portrait en creux de cette femme, devenue vieille, « une cigarette allumée d'un geste élégant, par habitude. /.../ qui ramène à des jours enfuis, ceux des bars de Montparnasse qui remplaçaient les maisons de rendez-vous fermés après la guerre par Marthe Richard

"Il me manque, mon ami, il me manque, mon amour, ma grisaille."
Très émouvant.
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Elle a 20 ans, lui 60, au moment de leur rencontre en 1958. Celle qui fut le dernier modèle de Giacometti et qui ne s'appelait pas Caroline à la naissance se retrouve le temps d'un récit une héroïne alors qu'elle ne le fut pas du temps du vivant de celui qu'elle appelait et appelle toujours, avec beaucoup d'émotion, « ma grisaille ».

Où est le vrai, où est le faux, dans cette histoire qu'elle déploie à l'auteur, intrigué par un tableau qu'il a vu au Musée d'art moderne de Paris? Est-il besoin de le savoir alors que celle qui fut une muse est devenue une vieille dame un peu excentrique retirée à Nice? Tant pis si elle invente un peu, si elle gomme certains détails parce qu'ils sont moins beaux, si elle en enjolive d'autres pour se donner de l'importance.

Caroline n'était pas une sainte, loin de là. Giacometti non plus. Il aimait les filles de joie, elle en était une. L'histoire aurait pu durer un soir, une semaine, voire un mois. Elle dura des années. Mais c'est une histoire dont on ne connaîtra jamais les détails, l'héroïne n'ayant jamais dévoilé à Franck Maubert ce qui ne regarde personne d'autre qu'elle. On ne saura que ce qu'elle a voulu montrer et dire dans le désordre : ses canaris, les cigarettes au menthol qu'elle fume en buvant du Campari, sa rencontre avec Francis Bacon, sa visite du Louvre.

Cela donne un récit impressionniste assez décousu — mais non dénué d'intérêt — duquel le narrateur semble se détacher, ou auquel il semble de moins en moins s'intéresser à mesure qu'il partage avec nous ce qui se dégage de Caroline, ce qui enlève beaucoup au Dernier modèle, lequel a pourtant reçu le prix Renaudot Essai 2012. Je demeure donc un peu mitigée, insatisfaite du contenu, mais ravie par la forme.
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
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Ce roman a été inspiré à l'auteur par un tableau de Giacometti vu au Musée d'art moderne de Paris : Caroline, 1965.

S'en est suivie la rencontre, à Nice, du romancier biographe avec cette dernière muse qui posait chaque jour pour l'artiste et qui sera son dernier modèle et son dernier amour.
Aperçue en 1958 dans un bar de Montparnasse, Caroline a 20 ans et lui 60. Ils ne se quitteront plus jusqu'à la mort de Giacometti, 8 ans plus tard, en 1966. D'elle il reste deux portraits à l'huile: «Caroline en larmes» et «Caroline avec une robe rouge»
C'est la journée de sa rencontre avec la désormais vieille dame qui a repris son vrai nom d'yvonne, la vendéenne, que raconte Franck Maubert. Réticente au départ, elle se dévoile peu à peu et revit ses séances de pose difficile, vue l'insatisfaction constante du peintre, leurs visites aux musées , un voyage à Londres et leur dîner-rencontre avec Francis Bacon que l'ivresse rend violent.
Rien n'est simple dans leur histoire, elle est volage, il est marié , elle aurait voulu un enfant, elle reçoit une voiture de luxe mais n'a jamais eu ni tableau , ni dessin , encore moins de sculpture de celui qu'elle appelait : «ma grisaille».

Difficile de savoir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas totalement dans ce récit confession mais ce n'est pas désagréable à lire. C'est un roman court, pudique et nostalgique. A lire même si on ne connaît pas forcément bien l'oeuvre de Giacometti.
Lien : http://liratouva2.blogspot.f..
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L'envie de lire cette histoire provient de l'écoute d'un podcast / feuilleton sur France Culture sur les amours de giacometti , sa grisaille et « sa démesure », avec des voix merveilleuses. le livre se lit jusqu'au bout et facilement mais n'a pas un immense intérêt. J'ai cherché également le tableau auquel l'auteur fait référence et qui lui a donné envie d'écrire cette histoire mais j'ai l'impression qu'il n'est plus montré au public.
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critiques presse (2)
Bibliobs
08 novembre 2012
De [la] rencontre sur la baie des Anges avec une diablesse fatiguée, Franck Maubert a tiré un roman modianesque où l'on voit Alberto et Caroline marcher la nuit dans les rues de Paris, comme de longues sculptures en mouvement, et c'est très émouvant.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Bibliobs
11 juin 2012
De cette rencontre sur la baie des Anges avec une diablesse fatiguée, Franck Maubert a tiré un roman modianesque où l'on voit Alberto et Caroline marcher la nuit dans les rues de Paris, comme de longues sculptures en mouvement, et c'est très émouvant.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La nuit, Giacometti prenait ses quartiers dans des bars de Montparnasse. Chez Adrien avait sa préférence pour la jovialité des filles. Parmi celles-ci, il y avait Ginette et Dany, des demoiselles simples, un rien débauchées. Elles lui donnaient avec respect du “monsieur Albert”. Un soir, il n’avait pas tout de suite remarqué la petite dernière qui se prénommait Caroline. Elle se différenciait des autres par un éclat certain et un naturel désarmant. Elle était aussi beaucoup plus jeune, vingt ans à peine.
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«On ne réussit que dans la mesure où l’on échoue» sentiment qui rappelle la sentence de son ami Beckett : « Etre artiste, c’est échouer comme nul autre n’ose échouer.»
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De cette première confrontation avec son oeuvre, Caroline me dit : «je ne me rappelle pas tous les moments passés avec Alberto, mais là, j’ai été soufflée, je n’imaginais pas que les sculptures pouvaient s’imposer à ce point ; elles se tenaient debout comme des personnes, elles donnaient l’impression de respirer encore. /.../
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Les lignes se croisent, se juxtaposent, s'effacent, jusqu'à se confondre en un même lacis. Faire et refaire. Ainsi va le lent cheminement de l'écriture des signes.
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Ce portrait-là précisément me parlait. Un rayon de soleil oblique tombait sur le visage du modèle et étincelait d'un effet d'émail doré.
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