J'ai lu ce livre il y a maintenant quelques mois et il m'a beaucoup marquée. D'emblée, j'ai été touchée par ce livre-témoignage d'
Edgar Maufrais qui relate ses nombreux séjours et expéditions au coeur de la forêt amazonienne pour retrouver à tout prix son fils Raymond, ethnologue explorateur qui a disparu en 1950 dans la jungle guyanaise sans laisser de trace, si ce n'est des carnets qui ont été retrouvés.
Dès avant d'ouvrir ce livre, on sait qu'
Edgar Maufrais qui part en 1952 ne retrouvera jamais son fils.
Pendant ce temps-là, sa femme, donc la mère de leur fils Raymond se fait un sang d'encre à attendre en France le mari et le fils et les attendra pendant 12 ans.
Chaque « séjour » en forêt amazonienne représente un nombre important d'expéditions. Par expédition, il faut entendre qu'
Edgar Maufrais revient au point de départ après avoir sillonné chaque région en boucle. Soit depuis le Brésil, soit depuis la Guyane. Il revient pour se ravitailler en vivres, même s'il vit des produits de sa chasse, pour aller à la banque car il faut pas mal d'argent pour payer les guides, faire du troc, négocier ceci ou cela avec les autochtones, trouver des nouveaux guides qui acceptent de faire le périple, etc.
Il a fait en tout 22 expéditions dont voici quelques exemples tant il a fait de kilomètres : liaison Amazone/Saint-Laurent-du-Maroni ; Alenquer-Bom Futuro ; Manaos-Rio Imbitui ; Santarem-Rios Cabrua et Jacaré, etc., etc.
C'est en bateau que ça se passe. Une pirogue, ou un canot, l'Amazonie, des vivres genre corned-beef, riz, café, et aussi la faim, la fièvre, des abris de fortune faits de lianes et de bois, chaque soir, des guides qui le plaquent en cours de route, d'autres qui demandent le double d'argent une fois qu'ils sont au coeur de la jungle, des lieux tellement enfoncés dans la forêt que même les guides ou autres autochtones ne veulent même pas y pénétrer, des guides qui s'improvisent comme tels, des guides qui emmènent leur famille entière depuis le bébé jusqu'au vieillard sur la pirogue, et c'est ça ou rien, la pirogue qui tangue, l'obligation de délaisser du matériel pour faire monter tout ce monde, pas forcément bienveillant ; soigner les membres de la famille qui tombent malade ou qui sont piqués, bref, se retrouver en compagnie de personnes qui n'ont pas leur place ici !
La vie dans la jungle, la chaleur et l'humidité, pluies, matériel perdu, voire volé, des mauvaises rencontres, des piqûres d'insectes, de serpents, des efforts physiques énormes, réparer la pirogue, pagayer toute la journée bien sûr, affronte certains rapides, se retrouver seul à construire dans la nuit un abri de fortune et un hamac, soigner les plaies et les piqûres de fourmis, retourner à Belem par exemple, pour compléter la pharmacie, et cette forêt à la fois magnifiée et à la fois hostile, une hostilité si grande qu'on se demande ce que notre pauvre
Edgar Maufrais espère encore. Il risque à chaque seconde d'y laisser sa peau. Personne n'a jamais vu son fils Raymond. Ou il y a si longtemps, oui, on l'a aperçu, il a dû passer par là. Mais il y a des peuplades qui vivent reculées, loin des fleuves, tels les Oyaricoulets, qui seraient, paraît-il, si menaçantes qu'aucun autochtone ne veut accompagner Edgar pour les trouver. On a mal pour lui. Des occasions perdues ? Car dans l'histoire des Maufrais, il est dit que ce sont les Oyaricoulets qui retiendraient le fils Raymond, pas forcément prisonnier, mais qui l'auraient adopté.
Quelle persévérance !
Quand j'ai commencé le livre j'ai cru que ce serait répétitif, même paysage de lianes à couper à la machette, de jungle, d'arbres qui cachent le jour, d'humidité, car cela semblait l'être. Mais plus on avance, plus on est happé et on est à côté d'Edgar, lui disant, tiens bon, mon vieux ! Tu es un véritable explorateur ! Vas-y, tu es fort !
Car au bout du compte, et à force d'expéditions, à force aussi de s'être fait avoir en beauté, il a su humer les mauvais coups, rembarrer les voleurs ou autres comploteurs, et connaissant bien les régions visitées, aucun des guides ne lui arrivait plus à la cheville. Il n'avait plus besoin d'eux. Dans la jungle, c'est vraiment la jungle !
Épuisé, il renonce douze ans après. (Il a été retrouvé souffrant d'inanition dans la région amazonienne).
Autant dire que j'ai été très secouée par ce livre. J'y pense encore !