Les sapins démesurés élargissaient sur nos têtes une voûte gémissante, poussaient une sorte de plainte continue et triste, tandis qu’à droite comme à gauche leurs troncs minces et droits faisaient une sorte d’armée de tuyaux d’orgue d’où semblait sortir cette musique monotone du vent dans les cimes.
Au bout de trois heures de marche, la foule de ces longs fûts emmêlés s’éclaircit ; de place en place, un pin parasol gigantesque, séparé des autres, ouvert comme une ombrelle énorme, étalait son dôme d’un vert sombre.
Quelques vieux arbres difformes semblent avoir monté péniblement, comme des éclaireurs partis devant la multitude tassée derrière.
Un Bandit Corse.
Après avoir traversé Piana, je pénétrai soudain dans une fantastique forêt de granit rose, une forêt de pics, de colonnes, de figures surprenantes, rongées par le temps, par la pluie, par les vents, par l’écume salée de la mer.
Ces étranges rochers, hauts parois de cent mètres, mince comme des obélisques, coiffés comme des champignons, ou découpés comme des plantes, ou tordus comme des troncs d’arbres, avec des aspects,f’êtres, d’hommes prodigieux d’animaux, de monuments, de fontaines, des attitudes d’humanité pétrifiée, de peuple surnaturel emprisonné dans la pierre par le vouloir séculaire de quelque génie, formaient un immense labyrinthe de formes invraisemblables, rougeâtres ou grises avec des tons bleus. On y distinguait des lions accroupis, des moines debout dans leur robe tombante, des évêques, des diables effrayants, des oiseaux démesurés, des bêtes apocalyptiques , toute la ménagerie fantastique du rêve humain qui nous hante en nos cauchemars. »