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Critique de belcantoeu


François Mauriac (1885-1970), un des maitres du roman, a publié celui-ci en 1927. C'est dire qu'il nous permet de mieux comprendre la société française de cette époque, peu avant la grande crise économique mondiale. L'action se passe dans les Landes, comme beaucoup de romans de Mauriac, né à Bordeaux, et s'inspire directement d'un fait-divers réel que Mauriac avait suivi en Cour d'Assises en 1905.
Le roman commence par où beaucoup d'autres se terminent :
L'avocat cria «non-lieu» en s'adressant à Thérèse (accusée d'avoir empoisonné son mari). le père de Thérèse commenta: «Après la déposition de mon gendre, c'était couru... du moment que de son propre aveu, il ne comptait jamais les gouttes... Tout de même, l'explication qu'elle a donnée: cet inconnu qui lui remet une ordonnance... Je lui avais assez dit ‘Mais malheureuse, trouve autre chose» «Ce qu'il (le père) appelle l'honneur de son nom était sauf ; d'ici les élections sénatoriales, nul ne se souviendrait plus de cette histoire». Voilà pour le chapitre I.
Les sept chapitres suivants voient Thérèse rentrer chez son mari, dans le domaine landais d'Argelouse: une heure de voiture, puis un train qui s'arrête à toutes les gares, et enfin dix kilomètres en carriole, et toutes ses pensées en cours de route. Quoi dire à son mari. Avouer pour être pardonnée? Faire semblant de rien? «Quelles seront les premières paroles de Bernard dont le faux témoignage l'a sauvée»? Elle se demande aussi pourquoi elle l'a épousé, pourquoi elle a voulu l'empoisonner, et revit son mariage:
«Ce fut horrible... Thérèse sut plier son corps à ces feintes». Elle se rappelle que Bernard s'était offusqué d'un spectacle de music-hall: «Dire que les étrangers voient ça. Quelle honte»! «Thérèse admirait que cet homme pudique fût le même dont il lui faudrait subir, dans moins d'une heure, les patientes inventions de l'ombre... j'ai toujours vu Bernard s'enfoncer dans le plaisir – et moi, je faisais la morte... Elle sentit contre elle ce grand corps brûlant ; elle le repoussa et, pour n'en plus subir le feu, s'étendit sur l'extrême bord de la couche ; mais après quelques minutes, il roula de nouveau vers elle... cherchant sa proie accoutumée».
Après ce long monologue intérieur, récapitulatif de sa vie conjugale, elle arrive chez elle au chapitre IX et entend la sentence: «Vous n'avez qu'à écouter, à recevoir les ordres – à vous conformer à mes décisions irrévocables... Vos repas vous seront servis par Balionte dans votre chambre. L'accès de toutes les autres pièces vous demeure interdit... le dimanche, nous assisterons ensemble à la grand-messe... Il faut qu'on vous voie à mon bras». Il faut sauver les apparences.
Un temps suffisant se passe, c'est-à-dire jusqu'au mariage de sa demi-soeur, après, il n'y a plus d'événements familiaux et il la dispense de la messe. Faute et châtiment. On ne peut que rapprocher Mauriac de Dostoïevski.
Thérèse ne quitte plus son lit, dépérit, attend la mort et l'entourage le remarque. Bernard l'installe à Paris. «Elle riait seule comme une bienheureuse. Elle farda ses joues et ses lèvres avec minutie, puis ayant gagné la rue, marcha au hasard» (dernières lignes du roman). Dans l'introduction, Mauriac écrit «Sur ce trottoir où je t'abandonne, j'ai l'espérance que tu n'es pas seule». Mauriac a écrit une suite en 1935 : La Fin de la nuit. Quinze ans après, Thérèse est libre, mais pas épanouie, et vit modestement, «enfermée dans la prison de son acte». Elle se ruine pour le mariage de sa fille, est vaguemant amoureuse du fiancé de celle-ci, et revient vivre dans l'ancienne demeure conjugale, n'ayant plus la force que de faire le bien. On retrouve aussi Thérèse épisodiquement dans «Ce qui est perdu» et dans deux nouvelles.
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